La Nation Bénin...
En Afrique de l’Ouest, l’accès au financement demeure un
défi majeur pour les petites et moyennes entreprises et freine la croissance et
l’innovation. Face à la frilosité du secteur bancaire, les fonds de garantie
s’imposent comme des instruments stratégiques, partageant le risque de crédit
et ouvrant de nouvelles perspectives de financement des projets.
« Le continent africain est potentiellement riche mais
chroniquement sous-financé parce que les institutions bancaires classiques sont
frileuses dans l’octroi des crédits productifs », constate Dr Nguéto Tiraïna
Yambaye, directeur général du Fonds africain de garantie et de coopération
économique (Fagace). Cet avis est partagé par Jules Ngankam, directeur général
du Groupe African Guarantee Fund (Agf) qui affirme :
« Malgré l’importance reconnue à l’échelle internationale
des Pme, les petites entreprises africaines font face à des difficultés pour
accéder au financement dans leur besoin de croissance et d’innovation».
En Afrique subsaharienne, la faiblesse des cadres juridiques, la volatilité économique et l’absence de garanties bancables aggravent le problème. En moyenne, les dépôts bancaires représentent moins de 20 % du Pib dans plusieurs pays ouest-africains, contre plus de 40 % en Asie ou en Amérique latine (Banque mondiale, World Development Indicators 2024). Cette faible mobilisation de l’épargne formelle limite la capacité des banques à financer l’économie réelle.
Les fonds de garantie permettent aux banques de réduire le risque associé aux crédits accordés aux petites et moyennes entreprises (Pme). « Nos interventions sont à 80 % à l’endroit des Pme », explique Dr Yambaye, rappelant que le Fagace, pour sa part, met en place des lignes de garantie et accompagne les porteurs de projets dans l’élaboration de leurs business plans. « Notre rôle est de pousser les banques à contribuer au développement, notamment dans les secteurs qu’elles évitent souvent, comme l’agriculture et l’élevage », insiste-t-il.
Mécanismes au service des économies
Les dispositifs de garantie présentent de multiples
avantages. Ils permettent d’atténuer les créances douteuses, d’améliorer la
trésorerie des banques en cas d’impayés et de réduire les besoins en fonds
propres pour couvrir les risques de crédit. Ils offrent également un effet de
levier pour stimuler les échanges commerciaux, la création d’emplois et l’inclusion
financière, contribuant ainsi à une croissance durable.
Ces mécanismes permettent de renforcer l’accès au crédit
des petites et moyennes entreprises et industries (Pme/Pmi) et de soutenir des
projets dans les secteurs clés comme les Btp, l’agro-industrie ou l’innovation.
Entre 2021 et 2024, le Fagace dont siège se trouve au Bénin a porté ses
engagements cumulés à plus de 1 300 milliards de F Cfa, avec plus de 4 000
milliards mobilisés et ce, malgré un environnement difficile.
Comme le Fagace, l’Agf permet de lever les freins au
financement des Pme, se positionnant comme un relais indispensable auprès des
institutions financières. «Agf est le chaînon manquant pour permettre aux
banques de réaliser efficacement leurs stratégies de financement des Pme», affirme
Jules Ngankam.
Pendant la pandémie de Covid-19, par exemple, l’Agf a mis
en place un mécanisme de garanties en partenariat avec l’agence américaine
Usaid, mobilisant jusqu’à 160 millions de dollars au bénéfice de 3 000 Pme en
Afrique de l’Ouest. Des accords de garantie de portefeuille, notamment avec
Vista Bank, ont renforcé l’écosystème régional et stimulé les investissements
privés.
Pour sa part, le Fonds de solidarité africain (Fsa)
oeuvre, à travers son plan stratégique «New Frontier 2025 », à diversifier ses
instruments. Sous l’impulsion de son directeur général, Abdourahmane Diallo, le
Fsa élargit ses interventions à toutes les étapes de vie des entreprises :
création, extension, refinancement ou modernisation. « Déterminé, engagé et
responsable, le Fonds s’attache à construire ensemble, avec ses partenaires, un
avenir meilleur et durable », souligne M. Diallo.
Des défis persistants
Malgré les avancées, les dispositifs de garantie en
Afrique de l’Ouest se heurtent à plusieurs limites structurelles qui freinent
leur impact sur le financement de l’économie. Ainsi, les Pme qui constituent
plus de 80 % du tissu économique africain selon la Bad, continuent d’accéder
difficilement au crédit, tandis que le secteur agricole, moteur de nombreuses économies,
reste chroniquement sous-financé.
Le premier obstacle demeure le faible niveau de
bancarisation et d’inclusion financière. Selon la Banque mondiale (Global
Findex 2025), environ 58 % des adultes en Afrique subsaharienne possédaient un
compte bancaire ou mobile money en 2024, contre
34 % en 2014. Une progression significative, mais qui
laisse encore près de la moitié de la population en marge des services
financiers formels. Cette faible inclusion limite la mobilisation de l’épargne
domestique et prive les banques de ressources longues.
A cela s’ajoutent d’autres défis à savoir déficit
d’information des Pme sur les mécanismes de garantie, exclusion des zones
rurales, faiblesse des capacités institutionnelles de certains fonds.
Pour y répondre, experts et institutions plaident pour le
renforcement de la coopération régionale, afin de favoriser les synergies entre
les différents fonds de garantie et maximiser leur impact. Il importe aussi
d’accroître la capitalisation des fonds, investir dans la formation et
développer des programmes de sensibilisation.
En surmontant ces obstacles, les fonds de garantie pourront jouer pleinement leur rôle structurant, celui de partager le risque avec les banques, stimuler l’investissement productif et catalyser une croissance inclusive et durable en Afrique de l’Ouest.
Les fonds de garantie permettent aux banques de réduire le risque associé aux crédits accordés aux petites et moyennes entreprises