La Nation Bénin...
Entre volontarisme affiché et fragilités persistantes,
l’analyse des finances locales du premier trimestre 2025 révèle un contraste
marqué entre les prévisions optimistes et les capacités réelles d’exécution.
Pour l’année 2025, le budget global primitif des 77
communes du Bénin s’élève à 276,24 milliards de francs Cfa, en hausse de 16,1 %
par rapport aux 237,86 milliards de 2024. Cette progression reflète la volonté
du gouvernement de renforcer les moyens consacrés au développement local, dans
un contexte marqué par une croissance nationale projetée à 6,8 %.
Les transferts aux communes via le Fonds d’appui au
développement des communes (Fadec) sont également en hausse, passant de 53,75
milliards F Cfa en 2024 à 56,54 milliards F Cfa en 2025, soit une progression
de 5,2 %. Cette augmentation est principalement portée par la composante
investissement non affecté, qui bondit de 1,26 milliard à 8,92 milliards F Cfa,
traduisant un effort pour dynamiser les dépenses d’équipement au niveau local.
Mais cette dynamique budgétaire reste freinée dans sa
mise en œuvre. En témoignent les indicateurs d’exécution du premier trimestre
qui montrent de performances modestes. Les recettes de fonctionnement exécutées
atteignent 6,31 milliards F Cfa, contre 7,35 milliards F Cfa de dépenses de
fonctionnement, selon la Note de conjoncture des finances locales – Premier
trimestre 2025, publiée par la Direction de la production des comptes publics
(Dpcp/Dgtcp, avril 2025).
Disparités structurelles
Pour ce qui est de l’investissement, la situation est encore plus préoccupante : seulement 2,8 % des recettes prévues ont été mobilisées, et 3 % des dépenses engagées. Ces chiffres révèlent une tension persistante entre planification et capacité d’absorption, accentuée par les disparités entre types de communes.
Le taux d’autofinancement prévisionnel, estimé à 31,4 %,
dépasse certes le seuil légal minimal, mais reste en deçà du niveau requis pour
garantir une véritable autonomie financière des collectivités territoriales.
L’analyse désagrégée montre que les communes à statut
particulier enregistrent de meilleures performances dans la mobilisation de
leurs ressources propres, avec une part stable de 91,4 % dans leurs recettes
courantes. A l’opposé, les communes ordinaires, bien qu’en progression,
n’atteignent que 48,6 %, traduisant une forte dépendance aux transferts de
l’Etat central. Les communes à statut intermédiaire, quant à elles, se situent
à 52,8 %.
En dépit de l’augmentation du budget global, les
ressources propres des communes s’inscrivent en recul, en passant de 55,85
milliards en 2024 à 54,26 milliards F Cfa en 2025, soit une baisse de 3 %. Les
recettes fiscales stagnent à 33,80 milliards F Cfa, représentant 60,8 % des
fonds propres, tandis que les recettes non fiscales chutent de 1,66 milliard F
Cfa.
Ce repli s’explique notamment par la perte de ressources issues des droits de place sur les marchés, aujourd’hui gérés par l’Etat, et des certificats de vie, devenus obsolètes avec la généralisation des données biométriques. Ainsi, des réformes centralisées viennent réduire les marges de manœuvre financières des collectivités locales, accentuant leur vulnérabilité.
Un paradoxe persistant
Le rapport met également en évidence des fragilités dans
l’application du principe d’antériorité budgétaire, inscrit à l’article 362 du
Code de l’administration territoriale (loi n° 2021-14 du 20 décembre 2021). Si
74 communes sur 77 ont pu adopter leur budget avant le 31 décembre 2024, seules
64 l’ont fait avec validation de l’autorité de tutelle dans les délais. Les 13
autres ont dû attendre janvier ou février 2025 pour obtenir l’approbation
nécessaire, ce qui interroge sur la rigueur et la fluidité de la chaîne de
validation budgétaire.
En somme, les chiffres du premier trimestre 2025 révèlent
un paradoxe budgétaire : plus de moyens sont prévus pour les communes, mais
leur capacité réelle d’exécution demeure limitée. L’autonomie budgétaire reste
donc largement théorique.
Pour y remédier, des réformes structurelles sont
attendues, notamment l’élargissement de l’assiette fiscale, la digitalisation
de la mobilisation des recettes, le renforcement des capacités de gestion
locale et la meilleure articulation entre Etat et collectivités.
Après la rencontre des maires avec le chef de l’Etat à la mi-juin, les conclusions sont plus que prometteuses : procédures de nomination revues, suivi renforcé des projets locaux, traitement accéléré des recours, contrôle financier plus proche. Il reste maintenant à transformer ces annonces en actes concrets pour que les communes puissent enfin dépasser les limites de leur capacité d’exécution.
Chiffres clés des finances locales au 1er trimestre 2025
• Budget agrégé 2025 : 276,24 milliards F Cfa (+16,1 %)
• Transferts Fadec : 56,54 milliards F Cfa
• Recettes de fonctionnement exécutées : 6,31 milliards F
Cfa
• Dépenses de fonctionnement exécutées : 7,35 milliards F
Cfa
• Recettes d’investissement exécutées : 2,8 %
• Dépenses d’investissement réalisées : 3 %
• Taux d’autofinancement prévisionnel : 31,4 %
Source : Note de conjoncture des finances locales –
Premier trimestre 2025, DPCP/DGTCP, avril 2025.
L’exécution budgétaire reste poussive au niveau des communes, révélant de profondes disparités territoriales