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Le ministère de l’Économie et des Finances organise, les 27 et 28 novembre prochains, les Journées scientifiques de l’économie. Une initiative qui vise à rapprocher les chercheurs et les décideurs publics afin de mieux arrimer les politiques économiques aux résultats de la recherche. Le directeur général de l’Économie, Aristide Médénou, dévoile ici les ambitions, innovations et retombées attendues de cette édition, marquée par la participation exceptionnelle du Prix Nobel d’économie 2024, le professeur James Robinson.
La Nation : Vous organisez les 27 et 28 novembre prochains les Journées scientifiques de l’économie. Qu’est-ce qui a motivé une telle initiative à la base ?
Aristide Médénou : L’idée est née de la volonté de créer un pont entre deux mondes qui n’interagissent pas toujours en complémentarité : le monde de la recherche scientifique, où les travaux de recherche se font, et celui des politiques, à qui ces travaux sont souvent destinés. En effet, les recommandations issues des recherches ne parviennent pas toujours aux décideurs auxquels elles sont adressées. D’où l’initiative de créer une passerelle entre le monde scientifique et celui de la prise de décision, afin de permettre aux chercheurs et aux politiques de mieux se parler. Au départ, les Journées étaient nationales, réunissant des chercheurs béninois et l’administration béninoise. Progressivement, elles se sont internationalisées, car de plus en plus de chercheurs étrangers ont manifesté leur intérêt. L’année dernière, une dizaine de pays y ont pris part. Cette année, nous en attendons davantage.
Quels sont les principaux objectifs de cet événement et quels résultats en attendez-vous ?
L’objectif principal découle directement de cette motivation. Nous voulons offrir une tribune aux chercheurs pour présenter leurs travaux, mais aussi, en tant qu’administration publique, rendre ces résultats concrets et exploitables par les autorités politiques dans la conduite des politiques économiques. Ces Journées permettront également de valoriser les travaux de recherche qui dorment souvent dans les bibliothèques ou les ordinateurs, afin qu’ils puissent être enfin utilisés.
En ce qui concerne les résultats, ils sont de deux adores : administratif et scientifique. D’un point de vue administratif, nous souhaitons exploiter les résultats des recherches et soumettre les recommandations au gouvernement. Sur le plan scientifique, une innovation majeure est prévue : la publication d’un ouvrage collectif regroupant les meilleurs articles présentés durant les Journées. Ces articles feront l’objet d’une édition spéciale de la revue scientifique du ministère de l’Économie et des Finances. De même, nous avons noué un partenariat avec la revue internationale “International Economics”, qui a également accepté de publier certains des meilleurs travaux. C'est aussi l'une des façons pour nous de mobiliser la communauté scientifique sur le sujet lié à l'économie.
Ces Journées contribuent-elles réellement à renforcer l’économie béninoise ?
Elles y contribuent fortement, car nous invitons des chercheurs de haut niveau susceptibles d’apporter des idées concrètes pour le développement. Cette année, nous avons l’honneur d’accueillir le Prix Nobel d’économie 2024, le professeur James Robinson, de l’Université de Chicago. Le thème retenu pour ces Journées qui est «Le rôle des institutions dans la prospérité des nations: quelle leçon pour le Bénin ?», correspond précisément à ses travaux récompensés.
Donc, lorsque vous invitez des chercheurs de haut rang et le Prix Nobel d’économie 2024 n'est qu'un exemple, et qu'ils réfléchissent sur des sujets d'intérêt national, c'est à votre actif, parce que progressivement, vous allez pouvoir aligner la conduite de la politique économique sur les résultats des travaux de recherche de laboratoire. En réalité, la force d’une économie dépend de la qualité des politiques menées, et celles-ci doivent s’appuyer sur des données probantes et des études sérieuses. Et lorsque ces politiques s’appuient sur les meilleures pratiques internationales, ainsi que sur des travaux de recherche ayant validé certaines mesures et remis en question d’autres, elles offrent à l’économie une réelle chance de demeurer dynamique et résiliente.
Qu’en serait-il de la mise en œuvre des recommandations qui seront issues de ces Journées ?
Nous procéderons à une compilation des recommandations, car c’est ce qui nous intéresse le plus. Celles-ci seront systématiquement transmises au ministère de l’Économie et des Finances, afin d’éclairer les décisions politiques sur les défis identifiés. Donc, qu'est-ce que la communauté scientifique pense de tel ou tel sujet, de tel ou tel défi ? Quelles sont les meilleures solutions? Quelles sont les meilleures approches? Les structures techniques du ministère, dont notamment la Direction générale de l’Économie et sa direction technique en charge de la recherche et des études stratégiques, auront également accès à ces recommandations. Elles pourront s’en inspirer pour formuler des avis techniques et orienter les décisions gouvernementales. Lorsqu'il y a une mesure qui doit être prise, elle doit être étudiée par les services techniques du ministère. Les services techniques du ministère donnent leurs avis sur tous les grands sujets de la nation. Ces recommandations constituent donc une véritable mine d’informations pour guider les politiques publiques.
On ne peut pas parler d’économie sans évoquer les jeunes et les femmes. Que gagnent-ils à participer à ces Journées ?
Les Journées sont précédées de deux jours de formation sur les techniques récentes en économie, c’est-à-dire les approches les plus récentes en matière d’analyse économique. Ces formations gratuites sont ouvertes à tous et dispensées par des chercheurs béninois et étrangers issus d’universités de renommée mondiale. Donc, j'invite tous ceux qui sont intéressés par les questions liées à l'économie, les questions liées aux institutions. Comment est-ce que les institutions sont utiles pour améliorer la conduite de l'économie dans un pays ? Les participants pourront avoir des éléments de réponse à travers ces formations. Ces Journées constituent aussi un espace d’échanges. C’est l’occasion pour chacun de faire entendre sa voix, de partager ses idées et de poser des questions à des chercheurs de haut rang, dont le Prix Nobel d’économie 2024.
Quels sont les thèmes spécifiques à aborder ?
Nous traiterons du rôle des institutions dans la prospérité des nations sous différents angles. En fait, il y a deux facteurs qui soutiennent la croissance à long terme dans une économie : le capital humain et la solidité des institutions. Lorsque vous avez des individus bien formés, ils contribuent durablement à la croissance de l’économie à long terme. Mais cette croissance économique ne peut être stable sans des institutions fortes. Nous analyserons donc pourquoi et comment ces institutions favorisent le développement, notamment dans les pays en développement comme le Bénin.
C'est une activité qui est initiée principalement par le ministère de l’Économie et des Finances, qui a invité ces économistes de haut rang, et qui est soutenue par certains partenaires au développement, tels que le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud). Je voudrais inviter tous les passionnés de la question du développement de notre pays à cette importante rencontre. Passionnés, parce qu'il y a des gens qui ne sont pas forcément économistes, mais qui sont vraiment intéressés par les questions liées à l'économie, à l'amélioration des conditions de vie des populations, à la croissance, à la réduction de la pauvreté et qui ont des idées. Et nous voulons prendre les idées de tout le monde parce que chacun de nous peut avoir une idée précieuse pour bâtir le Bénin de demain.
Le directeur général de l’Économie, Aristide Médénou expose les objectifs et les résultats attendus des Journées scientifiques de l’économie