La Nation Bénin...
Expert international en dispositions institutionnelles Mesure, Rapportage et Vérification (Mrv) et Suivi-évaluation (Se), Hyacinthe Gountondé est docteur en Droit et Climat. Sélectionné par l’initiative de Renforcement des capacités pour la transparence (Cbit), il s’est chargé d’améliorer le système Mrv et Se du Bénin, conformément au Cadre de transparence renforcée (Ctr) de l'Accord de Paris. Dans cette interview, il expose les améliorations proposées et qui ont fait l’objet d’un atelier de sensibilisation des décideurs et autorités politico-administratives, du 19 au 22 août dernier, à Lokossa.
La Nation : Que peut-on comprendre par Mrv et Se ?
Dr Hyacinthe Gountondé : Mrv est un sigle en anglais qui veut dire Measurement, Reporting and Verification, qui signifie en français Mesure, Rapportage et Vérification. Et Se, c’est Suivi-évaluation.
Le Mrv est l'ensemble des actions climatiques que les Etats mènent contre les changements climatiques. Au Bénin, par exemple, on parle du système national Mrv. Le système comprend les actions sur les émissions de gaz à effet de serre, le Mrv de l'atténuation et le Mrv des soutiens et appuis reçus.
L'évaluation du système national Mrv a été faite grâce à l’initiative de Renforcement des capacités pour la transparence (Cbit) pour booster le Cadre de la transparence renforcée (Ctr) de l'Accord de Paris. Il existe déjà un Cadre de transparence avec la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. L'Accord de Paris est venu renforcer ce cadre et permettre de montrer les actions climatiques de chaque Etat à travers les rapports tels que les communications nationales et les rapports biennaux actualisés qui, sous le cadre de la transparence renforcée, deviendront des rapports biennaux pour la transparence.
Avant l’évaluation du dispositif institutionnel mis en place pour les communications nationales, les rapports biennaux actualisés, nous avions fait l’état des lieux. Donc, l’évaluation a été faite afin de voir ce qui se fait de bien et ce qui est à corriger dans le système national Mrv du Bénin.
Comment l’évaluation a-t-elle été faite ?
L'évaluation a été faite avec des questionnaires que nous avions adressés aux parties prenantes, c’est-à-dire toutes les institutions impliquées dans les actions climatiques au Bénin. Ensuite, nous avons fait des entretiens avec ces autorités à divers niveaux par rapport au système existant et comment ce système fonctionnait, parce qu’il nous fallait analyser l'existant pour savoir ce qu’il y a à améliorer et comment l'améliorer.
Après les phases d'entretien et d'enquête, nous avions fait des consultations sur le terrain. Nous avions invité les parties prenantes à des ateliers pour pouvoir consolider les données que nous avions collectées, que ce soit sur le plan qualitatif ou sur le plan quantitatif. Ce qui nous a permis alors d'aboutir à des résultats.
Un rappel : quand on prend le volet Disposition institutionnelle, il y a trois choses à retenir. Il y a les arrangements institutionnels, les arrangements réglementaires ou judiciaires ou encore juridictionnels qui constituent les actes réglementaires, les décrets, les arrêtés à prendre, les accords de partage de données, et enfin il y a les arrangements procéduraux. Pour ces derniers, ce sont les manuels de procédures et autres. Moi, je me suis occupé du volet arrangements institutionnels et arrangements réglementaires.
Quelles ont été vos conclusions au terme de l’évaluation ?
Les résultats auxquels nous sommes parvenus, c'est qu'en termes de forces, nous avons constaté que le Bénin dispose quand même d'arrangements institutionnels pour les communications nationales et pour les rapports biennaux actualisés. Ces arrangements ont été mis en place de façon ad hoc, mais ça permet quand même au Bénin de répondre à ses engagements internationaux dans le cadre de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et aussi par rapport à l'Accord de Paris. Nous avons aussi constaté, sur le plan réglementaire ou juridictionnel que le Bénin dispose des actes réglementaires telles que l'arrêté portant Attributions, organisation et fonctionnement (Aof) du système national d'inventaire des gaz à effet de serre. Cela est une force. Le Bénin dispose aussi d'un décret qui constitue l'Aof du Comité national sur les changements climatiques. Le pays dispose d'un manuel de procédures pour les inventaires de gaz à effet de serre. Le manuel de procédures montre comment préparer ces rapports, la procédure pour le canevas, pour le rapport d'inventaire de gaz à effet de serre. Egalement, le Bénin a un Plan national d'adaptation (Pna). Tout cela constitue des forces que nous avons constatées.
En termes de faiblesses, nous avons remarqué que les arrangements institutionnels qui existent actuellement ont besoin d'être actualisés pour répondre au Cadre de transparence renforcée de l'Accord de Paris. C'est une faiblesse en ce sens que ces arrangements ne sont pas formalisés, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un acte qui les régit. Donc, ils sont mis en place de façon ad hoc par des notes de service. Ce qui ne rend pas pérenne, en quelque sorte, la continuité dans les rapportages et autres. Nous avons aussi constaté que les actions qui sont menées sur le terrain en termes d'arrangements ne sont pas inclusives, ne sont pas sensibles au genre. Donc, il faut renforcer le volet genre.
En ce qui concerne les opportunités, nous avons constaté que le Bénin bénéficie des financements, c'est-à-dire le fait que le Bénin respecte ce rendez-vous de rapportage, même s’il est parfois en retard, est une opportunité pour continuer à bénéficier des financements en matière de lutte contre les changements climatiques.
Les menaces que nous avions identifiées se rapportent surtout aux financements. Il y a les financements parce que les actions climatiques ont besoin de beaucoup d'argent. Le Bénin et les autres pays en voie de développement ont besoin de financements. Donc, cela constitue une menace. Le retard dans la soumission des rapports est une forme de menace également.
Après tout ce travail, vous avez proposé des améliorations. Entre autres, vous avez ajouté une quatrième composante au système national Mrv ?
Concernant les plans d'amélioration, comme nous avons constaté que le système est intimement lié aux arrangements institutionnels, lesquels ont besoin d'être renforcés et actualisés, nous avons commencé d'abord par toucher à ces arrangements.
Le système Mrv béninois contient trois composantes. Avec le Cadre de transparence renforcée, il faudrait ajouter une quatrième composante qui est l'adaptation. Le volet Adaptation n'était pas inclus dans les composantes. Même si sur le terrain, on a un plan national d'adaptation, dans l'organigramme on ne le perçoit pas. Nous l’avons alors actualisé pour qu’il contienne toutes les composantes du système Mrv, reconnues sur le plan international ou conformes aux standards internationaux. C'est le premier travail que nous avons fait.
Nous avons aussi touché aux rôles que les institutions doivent jouer dans le système, parce qu’il ne peut pas fonctionner sans cela. Il y a des institutions dont les rôles, les capacités sont déjà bien et nous les avons maintenues. D'autres ont besoin de renforcement de capacités. Je prends par exemple le Comité national sur les changements climatiques. Ce comité a les capacités pour jouer le rôle de Comité de pilotage, mais il y a encore des institutions qui doivent en faire partie. Pour que ce comité puisse jouer pleinement son rôle, il faudrait nécessairement qu'on puisse toucher à son Aof. On va réviser son décret pour intégrer de nouvelles institutions dans le comité.
Si nous parlons de sensibilité au genre par exemple, il faut intégrer le ministère des Affaires sociales et de la Microfinance (Masm) dans ce comité. Comme nous parlons aussi de la gestion des données, il faut intégrer le ministère du Numérique dans le comité. Or, nous ne pouvons pas y arriver sans toucher à son Aof.
Autre chose que nous avons proposée, c'est le secrétariat permanent qui sera chargé du système national Mrv. Ce secrétariat va désormais gérer la plateforme des données. Cette plateforme de gestion des données collectées est en train d’être mise en place en vue de booster la rédaction des rapports. L'unité de coordination qui est maintenue en place aura un coordonnateur national qui sera désigné par arrêté du ministre du Cadre de vie et des Transports chargé du Développement durable. Mais le coordonnateur seul ne peut pas gérer et n'a pas nécessairement toutes les compétences pour gérer une plateforme. C'est pourquoi, nous avons prévu un secrétariat qui va l'accompagner. Ce secrétariat sera sous la supervision de la Direction nationale des archives. Sur le plan réglementaire, lorsque l'arrangement institutionnel, tel que décrit brièvement, est validé, il faudrait maintenant prendre un acte pour pouvoir le formaliser. L’acte que nous sommes en train de rédiger est un projet de décret. Donc, c'est un décret qui va maintenant instituer le système national Mrv. Ce décret va définir, concrétiser ou formaliser les rôles que nous avons déjà proposés et qui ont déjà été validés.
En plus du décret, vous avez prévu un projet d’arrêté. Pour quoi faire concrètement ?
Le décret ne peut pas descendre dans les détails. C’est pourquoi, nous lui avons ajouté un arrêté d'application. Ces deux projets sont déjà pratiquement bouclés, et vont passer par les validations, pour monter et suivre la procédure comme cela se doit. Nous avons bon espoir qu'il sera adopté au Conseil des ministres et le Bénin pourra intégrer le groupe des Etats qui ont pu faire ce pas dans la transparence renforcée, selon l'article 13 de l'Accord de Paris.
Avec l'insertion du volet Adaptation dans l'arrangement institutionnel actuel, nous avons huit secteurs qui se sont ajoutés. Ces secteurs existaient, mais le volet Adaptation contient huit secteurs tels que : Agriculture, Energie, Foresterie, Infrastructures, Eau, Santé, Tourisme, Littoral. Donc, ce sont ces secteurs qui sont contenus dans l'adaptation. Les autres secteurs sont déjà là, on les a maintenus.
Dr Hyacinthe Gountondé