La Nation Bénin...

Flavien Dovonou sur le changement climatique : « Les femmes sont plus vulnérables que les hommes »

Environnement
Par   Fulbert Adjimehossou, le 10 mars 2022 à 13h59
Les effets du changement climatique renforcent la problématique d’inégalité du genre et de la vulnérabilité de la femme. À travers cette interview, le professeur Flavien Dovonou, enseignant-chercheur à l’Institut national de l’Eau de l’Université d’Abomey-Calavi, dévoile les défis. La Nation : Les signaux montrent que les inégalités basées sur le sexe, si elles ne sont pas corrigées, risquent d’aggraver la vulnérabilité des femmes aux changements climatiques. Qu’est-ce qui peut justifier cette crainte ? Flavien Edia Dovonou : Les changements climatiques constituent l’un des grands défis du 21e siècle. Leurs effets varient selon les régions, l’âge, les classes sociales, les groupes sociaux, les sexes, etc. Aussi bien les hommes que les femmes qui sont dans des secteurs comme l’agriculture ressentiront les effets à des degrés divers. Il est de plus en plus évident que les femmes sont plus vulnérables que les hommes en grande partie. Parce qu’elles représentent la majorité dans le monde et dépendent davantage des ressources naturelles menacées, dont les ressources en eau. La différence entre les hommes et les femmes est également notable en ce qui concerne leur rôle et leur responsabilité dans la prise de décision par rapport à l’accès à la terre, et aux ressources naturelles, les opportunités et les besoins. Dans le monde entier, les femmes ont moins accès que les hommes à l’eau, à la terre, aux crédits, aux intrants agricoles, etc. En réalité, la vulnérabilité des femmes aux changements climatiques résulte de plusieurs facteurs sociaux, économiques et culturels. Les femmes représentent un pourcentage important des communautés pauvres qui dépendent des ressources naturelles, locales pour assurer leurs moyens de subsistance, en particulier dans les milieux ruraux où elles portent le fardeau des responsabilités familiales comme l’approvisionnement en eau potable, la collecte de combustible pour la cuisson des aliments et le chauffage, ainsi que la sécurité alimentaire. Dans ce cas, elles ne peuvent disposer pleinement et librement des biens et des services environnementaux. Elles participent très peu à la prise de décision et sont donc moins aptes à faire face aux changements climatiques. Ces facteurs peuvent-ils concourir à exacerber les inégalités ? Dans des conditions climatiques extrêmes comme les périodes de sècheresse et les inondations, les femmes travaillent plus pour garantir leurs moyens de subsistance. Ce qui leur laisse moins de temps à consacrer à la formation, l’éducation, au développement des compétences pour percevoir un revenu. En Afrique, par exemple, le taux d’alphabétisation des femmes était de 55 % contre 41 % pour les hommes. En dehors de ça, le manque d’accès aux ressources en eau et le défaut de participation au processus de prise de décision conjugué à leur mobilité limitée contraignent les femmes à vivre dans des lieux où elles sont touchées de manière disproportionnée par les changements climatiques. Les politiques et les processus de gouvernance de l’eau ne prennent pas suffisamment en compte les multiples besoins des femmes et des hommes en matière d’eau et les contraintes liées à l’inégalité des sexes. Par exemple, des données récentes indiquent que les mécanismes d’allocation de l’eau donnent priorité à la production agricole, industrielle et énergétique au détriment des besoins des ménages. Le problème réside aussi dans le fait que dans de nombreuses sociétés, les normes culturelles et les responsabilités familiales empêchent les femmes d’émigrer, de chercher un refuge dans d’autres lieux et de rechercher un emploi lorsqu’une catastrophe survient. Une telle situation risque d’alourdir le fardeau qui pèse sur les femmes. Elles devront parcourir par exemple des distances plus longues pour aller chercher l’eau potable et du bois de feu. La société accorde plus de responsabilités aux femmes tout en conférant la plupart des pouvoirs aux hommes. Dans bon nombre de pays en développement, les inégalités existent dans de nombreux domaines tels que les droits de l’Homme, les droits politiques et économiques, les droits à la propriété foncière, les conditions d’habitation, les violences, l’éducation et la santé. Le changement climatique sera un facteur supplémentaire de stress qui aggravera leur vulnérabilité par ailleurs. On sait que les conflits favorisent l’intimidation sexuelle, la traite des personnes et les viols. On considère généralement que le fossé existant entre les sexes dans le domaine de la gestion des ressources en eau à des fins agricoles, vient de la répartition du travail entre le sexe et les normes du genre. On sait que les ressources en eau auxquelles les femmes sont plus liées seront davantage affectées avec le changement climatique. Quels sont les défis ? Les femmes demeurent largement exclues des processus décisionnels concernant la gestion des ressources en eau. Les décisions concernant le partage, la distribution et l’allocation de l’eau entre les différents usages et les régions sont le plus souvent prises au sommet où les considérations économiques et politiques jouent un rôle important. Les politiques de l’eau fondées sur les perspectives plus vastes et généralisées sont plus susceptibles d’ignorer les connaissances locales, et de ne pas prendre en compte les dimensions sociales, sexo-spécifiques et leurs conséquences. Une analyse sociale et sexo-spécifique réalisée au niveau le plus bas possible, afin de prendre en compte le contexte local, comme au niveau du point d’eau communautaire des sous bassins ou des micro bassins peut permettre de comprendre le problème et les effets possibles de la politique sur les différents groupes de femmes et d’hommes.