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Investissements dans l’Eau, Hygiène et Assainissement : une bouée de sauvetage pour les enfants

Environnement
Par   Fulbert Adjimehossou, le 29 avr. 2022 à 14h19
Au Bénin, les appels à investissements se multiplient au profit du secteur de l’eau et de l’assainissement. Cela devra contribuer à réduire la prévalence des maladies chez les enfants, surtout dans les milieux ruraux et lacustres. Ganvié est une destination fabuleuse qui vaut le détour. Au lever du jour, ce 24 avril 2022, la Venise d’Afrique, comme à ses habitudes, accroche par son architecture singulière et la vie des communautés lacustres. Mais derrière ce décor, se déroule une croisade contre l’insalubrité. « Parlant de l’assainissement, il y a eu une nette amélioration à Ganvié, comparé à il y a quelques décennies. Les maladies hydriques diminuent avec le travail que font les agents de santé, les moyens mis à la disposition des populations par l’État comme les moustiquaires et les sensibilisations », confie Janvier Avocetien, chef d’arrondissement de Ganvié 1. Ici, dans les écoles, l’hygiène est un évangile proclamé aux écoliers qui l’appliquent déjà avec les dispositifs de lavage de mains alignés dans la cour. « Nous leur inculquons de façon rigoureuse les bonnes pratiques. Qu’ils évitent d’aller vers l’eau pour déféquer, puisque ça va créer encore des maladies hydriques », confie Parfait Zannou Kakessou, directeur de l’Epp de Dogodo A, dans la commune de Sô-Ava. Ainsi, les écoles jouent un rôle clé dans l’appropriation de pratiques saines de préservation de la santé. Cependant, il faut davantage d’infrastructures pour accompagner la dynamique. « Les besoins en infrastructures comme les latrines sont notoires, malgré les efforts louables de la mairie. Il y a des latrines construites dans les années 2000, qui sont en exploitation. Or, avec le vieillissement et la récurrence des crues, les dalles se dégradent. Il y a lieu donc de renouveler les latrines dans certaines écoles inondables », souffle l’enseignant. C’est un discours répété par d’autres acteurs rencontrés à Sô-Ava. Tous conjuguent au passé les pires clichés du défaut d’assainissement. Mais en face, les besoins sont toujours pressants. Pour Viwagnon Jean Major Zannou, maire de Sô-Ava, l’arbitrage n’est pas aisé à faire, avec des moyens limités. « Nous adaptons nos moyens à cette réalité. Pour le moment, le budget communal prend en compte la construction des latrines, la mise en place d’équipements d’eau et d’assainissement dans les arrondissements. Il y a des organisations non gouvernementales qui nous accompagnent. Ce qui permet de faire le minimun. Mais, nous sommes limités au regard des défis », explique l’autorité communale. Une priorité pour les enfants Sô-Ava couvre une superficie de 218 km² et 80 % du territoire est occupé par la rivière Sô et le lac Nokoué. Au dernier recensement de la population, plus de 118 000 habitants dont plus de 23 % d’enfants de moins de cinq ans y ont été dénombrés. C’est un capital humain vulnérable qui a besoin d’un cadre de vie assaini pour être à l’abri des maladies parasitaires et hydriques. Puisqu’ici, sous les pilotis et aux abords de l’eau, les moustiques ne perdent pas des ailes. « Nous sommes en zone fortement endémique pour le paludisme. En période de pic, on a autour de 3 000 cas trimestriellement, avec beaucoup plus d’enfants de moins de cinq ans », explique Aurèle Aitchédji, directeur du Centre médical Saint Joseph de Sô-Tchanhoué. Selon une étude menée en 2020 à Vekky, le plus grand arrondissement de Sô-Ava, plus de 21 000 cas de paludisme ont été enregistrés entre 2010 et 2019, dont 87,78 % de paludisme simple. La saison pluvieuse qui démarre en avril et la décrue du lac Nokoué qui s’observe à partir de septembre sont favorables à la prolifération des gîtes larvaires. Mais à côté, les maladies diarrhéiques persistent. Sur place, des Ong s’investissent dans la fourniture du service d’eau potable aux populations. D’autres, dans le même temps, font la veille pour maintenir le Wash au rang des priorités. C’est sur ce front que l’on retrouve d’ailleurs la cellule de participation citoyenne (Cpc) de Sô-Ava, appuyée par les Ong Alcrer et Social Watch. « En dehors des sensibilisations, nous faisons le suivi des ouvrages d’eau, veillons à leur accessibilité aux populations, organisons des séances de reddition de comptes pour s’assurer des efforts en cours. Cette année, la mairie a prévu la construction de beaucoup de latrines dans son budget. C’est un soulagement, mais la veille se poursuit parce qu’il y a des écoles qui n’ont pas de latrines », déclare Joseph Zannou Oké, coordonnateur de la Cpc de Sô-Ava qui avoue lui aussi que les investissements ont été bénéfiques. « Il y a eu vraiment des changements », ajoute-t-il. A la rescousse A Sô-Ava, l’Etat prépare un programme dénommé « Réinventer Ganvié » qui permettra d’améliorer les conditions de vie des populations, avec le raccordement des espaces lacustres au réseau national d’électricité et à l’adduction d’eau potable. Une station de traitement des eaux usées est envisagée. « C’est un projet ambitieux porté par le gouvernement. Si nous pouvons avoir d’autres appuis du genre y compris de la part des partenaires, le pari sera gagné. Avec le peu dont nous disposons, les choses changent déjà », déclare Viwagnon Jean Major Zannou. Mais il n’y a pas que dans cette commune lacustre où l’Eha (Eau, Hygiène et Assainissement) revient au rang des priorités. Le gouvernement est décidé à accélérer le programme d’accès universel à l’eau potable par la réhabilitation des adductions d’eau villageoises existantes, le renforcement et la densification des réseaux de distribution en eau potable en milieu rural et en milieu urbain. Le taux de desserte en milieu rural est passé à 73.3 % au 31 décembre 2021. Pour ce qui concerne le Wash, les interventions sont axées sur le renforcement du système de drainage des eaux à travers les travaux d’asphaltage, les travaux d’assainissement pluvial et la modernisation de la gestion des déchets dans le grand Nokoué. Ces efforts ont été salués dans la note d’analyse budgétaire de l’Eau, Hygiène et Assainissement (Eha) 2021 publiée par l’Unicef en janvier 2022. « La part du secteur Eau, Hygiène et Assainissement dans le Budget de l’État s’est accrue passant de 3 % à 5 % entre 2017 et 2021. Cet effort d’allocations à encourager a induit une amélioration du taux de desserte en eau potable qui est passé de 41,8 % en 2017 à 70,2 % en 2020 en milieu rural et en milieu urbain de 55 % à 63 %. Il a aussi permis de réduire la prévalence de la défécation à l’air libre de 53,9 % en 2018 à 52 % en 2020 », renseigne le document. Plaidoyers Si ces investissements font tache d’huile, il reste du chemin à faire pour l’accès universel à l’eau potable et aux services appropriés d’hygiène et d’assainissement. Le gros défi demeure l’élimination de la défécation à l’air libre, pratiquée par 52 % des Béninois. L’Unicef plaide pour plus d’investissement dans ce secteur avec des allocations et dépenses budgétaires qui atteignent au moins 1 % du Pib. « Exprimées en pourcentage du Pib, les dotations de l’ensemble du secteur représentent en moyenne 0,6 %, avec 0,4 % des dotations en faveur de l’eau et 0,2 % celles en faveur de l’hygiène et de l’assainissement contre le minimum de 0,5 % recommandé par la Déclaration de Ngor. (…) Au regard du coût minimum nécessaire à la réalisation de l’Odd 6 estimé à 1 153,6 milliards F Cfa contre une dépense cumulée de 103,2 milliards F Cfa entre 2017 et 2020, soit un besoin de financement de 1 050,4 milliards F Cfa sur la période 2021 à 2030, l’accroissement des dotations en faveur de l’Eha reste un impératif pour assurer l’atteinte des cibles 1 et 2 de l’Odd 6 à l’horizon 2030 », fait remarquer la note d’analyse budgétaire. Coordonnateur du Conseil de concertation pour l’eau potable et l’assainissement (Wsscc), Félix Adegnika évoque lui aussi la nécessité d’accroitre les investissements. « Les enfants sont une couche vulnérable au défaut d’assainissement. Les menaces sont le paludisme et la diarrhée qui font partie des principales causes de fréquentation et d’hospitalisation dans les centres de santé. C’est donc très important qu’on puisse investir dans l’Eha pour protéger les enfants. Ces investissements sont attendus surtout en milieu rural et plus particulièrement dans les écoles. Il y a également les milieux lacustres où l’environnement n’est pas salubre, ce qui favorise le risque de maladies », déclare l’expert en l’Eau, Hygiène et Assainissement. L’eau et l’assainissement sont donc des éléments essentiels pour le développement humain. Et vu l’ampleur des crises sanitaire et climatique, il n’y aura pas de place pour la complaisance vis-à-vis du Wash. Les conséquences sont immédiates.