La Nation Bénin...

Journée mondiale de l’océan 2025: Dr Zacharie Sohou « Si nous n’y prenons garde, les déchets formeront bientôt un continent à part »

Environnement
Dr Zacharie Sohou Dr Zacharie Sohou

Dans le cadre de la Journée mondiale de l’océan (Jmo), célébrée le 8 juin dernier, le Bénin a organisé diverses activités à Tokplégbé. Le Dr Zacharie Sohou, directeur de l’Institut de la recherche halieutique et océanologique du Bénin (Irhob), alerte sur la nécessité d’adopter un comportement écoresponsable face à la pollution marine. Il revient sur les enjeux majeurs de la préservation de l’océan et sur les efforts de sensibilisation entrepris à l’échelle locale.

Par   Abdul Fataï SANNI, le 27 juin 2025 à 17h23 Durée 3 min.
#Journée mondiale de l’océan #Zacharie Sohou

La Nation : Le monde entier a célébré la Journée mondiale de l’océan. Pourquoi le 8 juin a-t-il été choisi ?

Dr Zacharie Sohou : Le 8 juin a été retenu par les Nations Unies depuis 1992 comme date officielle pour célébrer la Journée mondiale de l’océan. Chaque année, cette journée est l’occasion d’attirer l’attention de la communauté internationale sur l’importance des océans. L’océan est véritablement le poumon de la planète, et il est au cœur de l’économie mondiale. Il abrite une biodiversité exceptionnelle, il régule le climat, et surtout, il constitue un espace stratégique, environ 92 % des marchandises dans le monde transitent par voie maritime.

C’est également dans les océans qu’on découvre des ressources énergétiques comme le pétrole. Il est donc vital de sensibiliser les populations à la nécessité de le protéger. Nous devons reconnaître et encourager les actions citoyennes, comme celles des femmes qui nettoient régulièrement les plages. Ces gestes, apparemment anodins, ont en réalité un impact fondamental sur la préservation des écosystèmes marins et sur la santé publique.

Vous avez évoqué les dangers liés aux déchets. Que devons-nous faire concrètement pour protéger les océans ?

La première chose à faire, c’est d’adopter un comportement citoyen et écoresponsable. Cela commence à la maison, par une gestion rigoureuse de nos déchets. Il faut absolument apprendre à trier les déchets : séparer les biodégradables des plastiques, par exemple.

Ensuite, il est essentiel d’encourager l’installation d’usines de transformation et de recyclage, notamment pour les déchets plastiques. Ce n’est pas seulement un enjeu environnemental, c’est aussi une opportunité économique. Le recyclage crée des emplois et contribue à la propreté de nos villes, de nos plages et de nos plans d’eau. Car il faut le rappeler: une grande partie des déchets qui finissent dans les océans provient de l’intérieur des terres. Ils sont charriés par les eaux pluviales et les rivières vers la mer. Si nous limitons les déchets à la source, nous réduisons considérablement la pollution marine.

Quels chiffres pourriez-vous donner pour illustrer l’ampleur du problème ?

Aujourd’hui, on estime à 150 millions de tonnes la quantité de déchets plastiques présents dans les océans à l’échelle mondiale. Certains chercheurs vont jusqu’à dire qu’à ce rythme, les déchets formeront bientôt un continent à part entière. Il existe déjà des zones dans les océans où les déchets flottants forment d’immenses plaques. Si nous n’agissons pas rapidement, ces amas deviendront de véritables îles artificielles de pollution. Nous avons donc un devoir collectif de changement de comportement, de gestion des déchets et de promotion de l’économie circulaire. La lutte contre les déchets ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme un acte de survie.

Le Bénin a célébré cette journée à Tokplégbé. Pourquoi avoir choisi cette plage en particulier ?

Le choix de Tokplégbé ne relève pas du hasard. C’est une plage où opèrent des garde-côtes bénévoles engagés dans la sauvegarde des tortues marines. C’est également un site où un groupement de femmes effectue un travail remarquable de nettoyage régulier. Dans le cadre de cette journée dédiée à l’océan, il était donc symbolique de venir sur cette plage pour parler de sa beauté, de ses merveilles, mais aussi des menaces qui pèsent sur elle. Certes, nous collaborons avec d’autres groupements ailleurs sur le littoral béninois, mais pour cette édition, nous avons décidé de concentrer nos efforts ici à Tokplégbé, afin de mieux valoriser les initiatives locales et renforcer leur visibilité.

Quelles ont été les activités phares de cette célébration ?

Plusieurs activités ont été organisées. Nous avons d’abord tenu un exposé sur la pollution marine, ses causes, ses conséquences, et les comportements à adopter pour y faire face. Nous avons également parlé des aires marines protégées: leur rôle, leur importance, et les mesures de protection à mettre en place pour les préserver. Le thème mondial de cette année était «Les merveilles de l’océan: Faire vivre ce qui nous fait vivre». Nous avons donc insisté sur le fait que l’océan est un élément vital de notre survie. C’est lui qui nous fait vivre, et nous devons en retour le faire vivre, en le respectant.

Enfin, un moment fort de la journée a été la libération de bébés tortues marines, organisée en partenariat avec l’Ong Nature Tropicale. C’est toujours un moment émouvant et pédagogique. Ces tortues font partie intégrante des merveilles de l’océan. En les relâchant, nous espérons éveiller les consciences et montrer que chaque vie marine mérite d’être protégée.

 

Quel message souhaitez-vous adresser à la population et aux décideurs ?

Mon appel s’adresse à tous les citoyens, décideurs, scientifiques, journalistes. Nous avons tous un rôle à jouer dans la préservation des océans. Il est urgent que chacun adopte un comportement citoyen face à la gestion des déchets. Cela commence par des gestes simples : trier ses déchets, éviter les plastiques à usage unique, participer aux campagnes de nettoyage, etc.

Aux scientifiques et aux médias, je demande de vulgariser davantage les connaissances et les bonnes pratiques. Sensibiliser la population par des informations claires, accessibles et vérifiables est une mission essentielle.

Quant aux pouvoirs publics, je les exhorte à renforcer les politiques de protection de l’environnement, à appuyer les initiatives locales, et à promouvoir une économie verte qui valorise les ressources marines de façon durable. Si nous ne faisons rien aujourd’hui, les conséquences seront désastreuses pour les générations futures. Mais si chacun fait sa part, nous pouvons encore inverser la tendance et transmettre à nos enfants un océan plus propre, plus vivant et plus généreux.