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Parcs nationaux du Bénin et recherche scientifique: Une collaboration indispensable face aux enjeux de développement durable

Environnement
‘La Nuit des parcs nationaux’’ se poursuit ‘La Nuit des parcs nationaux’’ se poursuit

La gestion des aires protégées doit s’appuyer sur la recherche scientifique pour face faire aux enjeux de développement durable. Tous les acteurs s’accordent sur cette réalité. Le panel scientifique organisé, vendredi 25 août dernier, par l’Ong African Parks dans le cadre de la ‘‘Nuit des parcs nationaux’’, a permis aux scientifiques et experts d’insister davantage sur la place des chercheurs et les défis à relever pour la sauvegarde ou restauration des aires protégées.

Par   Ariel GBAGUIDI, le 29 août 2023 à 05h37 Durée 6 min.
#parcs nationaux
Les aires protégées sont un outil essentiel à la lutte contre les changements climatiques et la perte de la biodiversité. Il s’avère alors nécessaire de promouvoir les aires protégées pour un développement durable et la recherche scientifique est un pilier important sur lequel la gestion des aires protégées doit prendre appui pour l’atteinte de cet idéal. Pour permettre aux acteurs de porter un regard critique mais aussi constructif sur cette problématique qui est d’actualité, l’Ong African Parks a organisé, vendredi dernier, un panel scientifique sur le thème : « Parcs nationaux du Bénin et recherche scientifique : quelle dynamique face aux enjeux réels de développement ? ».
L’activité s’inscrit dans le cadre de l’événement dénommé ‘‘La nuit des parcs nationaux’’ initié par l’Ong. Son objectif est de mettre en lumière les grandes avancées en matière de conservation des parcs nationaux Pendjari et W-Bénin. Il vise aussi à reconnecter les Béninois à leur patrimoine et renforcer leur engagement en matière de protection de l’environnement et de conservation de la biodiversité.
Le panel a été animé par trois experts à savoir, professeur Brice Sinsin, fondateur et directeur du Laboratoire d’Ecologie appliquée et du département d’aménagement et de gestion de l’Environnement de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac) ; Dr El-Hadj Azizou Issa, ancien ministre de l’Agriculture, ancien directeur général des Eaux et Forêts et ancien directeur du parc national W-Bénin. Le dernier panéliste a pour nom Hugues Akpona. Il est ingénieur et directeur régional Afrique de l’Ouest d’African Parks.
En ouverture de ces riches échanges, les panélistes ont fait l’état des lieux de la façon dont la recherche scientifique a accompagné la dynamique de la conservation au fil du temps, au Bénin. Acteur influent et incontestable de la sauvegarde de la biodiversité, Prof. Brice Sinsin informe que les premiers documents nationaux disponibles, quand il s’intéressait aux aires protégées, datent du premier directeur des Eaux et Forêts qui a écrit sur les parcs nationaux en 1962. D’autres documents et rapports ont été publiés quelques années après sur les parcs nationaux. « Mais la vraie recherche scientifique date de la coopération belge. A partir de cette coopération, on a commencé par avoir un intérêt scientifique hautement porté sur les parcs nationaux de façon prioritaire mais également sur les forêts classées avec deux grandes institutions qui envoyaient des étudiants ; lesquels revenaient avec des données scientifiquement connectées…», rappelle Brice Sinsin. A la date d’aujourd’hui, la formation dans le domaine est devenue annuelle, ponctuée d’activités de recherche scientifique. D’autres activités et projets ainsi que les écrits publiés notamment les articles scientifiques, ont permis de faire la lumière sur les aires protégées au Bénin. Un parcours très riche en termes de recherche scientifique qui se poursuit toujours, apprécie l’ancien recteur de l’Uac. Ce qui voudrait dire qu’il y a toujours une osmose entre les universités et autres structures de recherches scientifiques et les parcs nationaux, confirme Dr El Hadji Issa Azizou. « La recherche n’a jamais été loin des structures de gestion des parcs nationaux ou des parcs nationaux », lance-t-il.
Au cours des échanges, les panélistes ont aussi montré en quoi une gestion de la conservation axée sur les nouvelles orientations de recherche scientifique peut interférer avec les enjeux de développement. De plus, au nom de l’African Parks, Hugues Akpona, directeur régional Afrique de l’ouest de l’Ong, a expliqué en cinq points l’approche de sa structure en matière d’intégration de la recherche dans la gestion des parcs nationaux. Il a en outre levé le voile sur les actions que mène son organisation pour la promotion des espèces rares présentes dans les parcs.

Défis et perspectives

Pour un avenir meilleur, les panélistes ont aussi donné des pistes de solutions pour une collaboration entre les parcs nationaux et la recherche afin de faire face aux enjeux de développement. D’une manière générale, affirme le professeur Brice Sinsin, les défis majeurs sont d’ordre sécuritaire, le financement durable des aires protégées, une meilleure gestion de la transhumance transfrontalière, les risques de pollution (transfrontalière) par des polluants, le changement climatique, la collecte de données. Ce sont des défis, dit-il, que les scientifiques peuvent formuler sous forme de questions de recherche dont les données seront reversées aux gestionnaires qui pourront en faire un outil de développement local sur tous les plans. Mais le premier défi à relever, de l’avis de l’ancien ministre de l’Agriculture, Dr El Hadj Azizou Issa, c’est la mise en œuvre du principe de durabilité. Il s’agit, selon lui, de comment faire pour construire un pont entre le social, la conservation et les activités économiques qui apportent le bien-être aux populations.
Sur la question sécuritaire, Dr El Hadj Azizou Issa suggère à African Parks, par exemple, d’implémenter un certain nombre de principes. « Les questions de sécurité ne sont pas nées au Bénin. Tant que ça n’a pas de terreau au Bénin, ça ne peut pas pousser. Les parcs nationaux peuvent aider afin que ce terreau d’insécurité n’existe pas. Cela peut se transformer en principe à mettre en œuvre pour que même si les mouvements arrivent, ils sont ressortis au même moment », explique-t-il. « Il y a, par exemple, détaille Azizou Issa, le principe de réduction des écarts sociaux au sein des populations » en les incluant dans le processus de gestion des parcs. Au-delà, l’Ong doit, selon lui, avoir son propre système de renseignements sécuritaires. Il suggère aussi qu’en plus des études, il faille aller vers des initiatives intégrées multidisciplinaires qui impliquent tous les acteurs à divers niveaux et de divers domaines et dont le produit final bénéficiera à l’homme pour un développement (économique) durable.

Restaurer le parc W

Au niveau du parc W partagé entre le Bénin, le Burkina et le Niger, seule la partie béninoise est gérée, à en croire Hugues Akpona ; alors qu’un groupe d’animaux protégés par la partie béninoise peut facilement se retrouver dans l’un ou les deux autres pays en proie au terrorisme, au braconnage et consorts. Ce qui constitue une menace pour ces animaux et les investissements de la partie béninoise. Dans le même temps, si rien n’est fait, les parties burkinabè et nigérienne peuvent disparaître. Comme solution, les panélistes ont suggéré à African Parks de faire ce qui est de son mieux pour ramener les deux autres pays à un niveau de conservation identique à celui du Bénin.
En plus de ces propositions, Hugues Akpona évoque des défis liés à la restauration des aires protégées, aux capacités du Bénin à former les jeunes à la gestion des aires protégées suivant l’évolution du secteur, le cadre législatif qui devrait accompagner le secteur, les mécanismes de financement du secteur. En ajout à tout ceci, Dr El Hadj Azizou Issa propose, entre autres, qu’en plus du Conseil scientifique qui se met en place, le politique soit associé à la gestion pour faciliter la prise de décisions conformément aux recommandations issues de la recherche ou au sujet d’éventuelles problématiques.
Somme toute, le panel a été l’occasion pour les participants : étudiants, doctorants, enseignants-chercheurs, conservateurs et autres acteurs, d’avoir une connaissance meilleure sur les relations entre la recherche scientifique et la gestion des aires protégées y compris les points d’amélioration à apporter pour un retour sur investissement et plus encore un développement intégré durable.