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Stéphane Zinzindohoué, président d’Abed-Ong : Le tri sélectif des déchets va créer des emplois et impacter l’environnement

Environnement
Par   Didier Pascal DOGUE, le 21 févr. 2018 à 05h32
[caption id="attachment_28106" align="alignnone" width="1024"]Stéphane Zinzindohoué, président d’Abed-Ong[/caption]

Le tri sélectif des déchets, c’est une tâche compliquée à laquelle s’attelle l’Association béninoise pour l’éveil et le développement (Abed-Ong). Elle initie les enfants/écoliers à cet exercice. Stéphane Zinzindohoué, président de cette Ong explique à travers cet entretien le but qu’il vise et la finalité poursuivie, tout en soulignant l’intérêt du choix de cette cible.

La Nation : Qu’entend-on par tri sélectif des déchets ?

Stéphane Zinzindohoué : Le tri sélectif consiste à trier les déchets suivant leur nature. Je rappelle qu’un déchet est toute substance que l’on est amené à détruire. Dans le tri sélectif, on met les verres à part, les plastiques à part, les papiers d’un côté, les restes de nourriture à part, les métaux à part et toutes sortes de déchets caractéristiques d’un autre côté. Ces déchets sont mis dans des contenants spécifiques. Cela permet également de leur donner une autre utilisation pour plus tard.
Ce que nous consommons aujourd’hui comme produits maraîchers, excusez du peu, est hautement toxique compte tenu des intrants utilisés pour une bonne croissance. L’activité de tri sélectif va déboucher sur le recyclage et la mise en place de centres de tris, ce qui va permettre la création d’emplois ; tout cela va impacter positivement l’environnement.

Le tri apparaît comme une activité pour riche ou pour ceux qui ont du temps ?

Le tri n’est pas une activité pour riches ou pour ceux qui ont du temps mais une activité qui doit impliquer le citoyen dans la gestion de son environnement. En regardant un peu aujourd’hui à Cotonou, on a des déchets pêle-mêle. Vous verrez dans la même poubelle, du plastique, du papier, des restes de nourriture, des piles alors que ces déchets n’ont pas la même dégradabilité. Le tri permet de classer les déchets suivant certaines natures pour leur assurer une dernière vie utile.

Pourquoi doit-on pratiquer le tri sélectif ?

Cela doit être fait parce que nous sommes aujourd’hui dans une fracture écologique et pour briser cette empreinte écologique, nous devons adopter des gestes éco-responsables. L’éco-
responsabilité implique formation, détermination et action concrète de chaque citoyen.

Pourquoi faites-vous du tri sélectif votre cheval de bataille ?

Lorsque je prends l’exemple des sachets plastiques, après le vote de la loi les interdisant, qu’est-ce qui est fait après si on sait qu’un sachet laissé dans la nature 500 ans après, n’est pas dégradé? Lorsqu’on jette des piles à la poubelle, que deviennent-elles? La détérioration de l’emballage de la pile laisse couler un liquide, des métaux lourds qui infectent la nappe phréatique. Il faut prendre des dispositions pour faire face à tout cela. C’est l’ambition qui anime Abed-Ong qui s’investit dans un rôle d’éducateur ; pour agir sur la couche juvénile que forment les enfants afin d’impacter les plus grands. Car, il faut reconnaître que l’éducation est la base de tout processus de développement qu’il soit économique, social, politique ou culturel. L’implication de l’enfant au sein de son école et parmi ses pairs dans des actions pratiques de protection de l’environnement est seule à même de lui faire acquérir des comportements éco-responsables. Donc, l’Abed a lancé récemment le défi du tri sélectif dans les écoles primaires.

Mais pourquoi ne jetez-vous pas le dévolu sur les ménagères qui par essence produisent beaucoup de déchets ?

La sensibilisation commence par l’école. Les communes et les élus locaux ont la responsabilité d’informer les citoyens sur la gestion de leur environnement et ont l’obligation de mettre à disposition des foyers, les moyens de gérer ou de se débarrasser de leurs déchets ménagers. Si vous regardez aujourd’hui la ville de Cotonou, le ramassage des ordures avec les camions/véhicules se fait seulement le long des grands axes. Au niveau des ruelles, donc des quartiers, il y a des associations de pré-collecte qui viennent ramasser pêle-mêle, comme elles le peuvent, des ordures mélangées aux restes de nourritures, cartons et même parfois du fer. Tout est mélangé ; il n’existe donc aucune information à l’endroit des populations ; pour dire que la bonne ménagère ignore ce qu’elle doit faire directement. Par contre, un enfant est encore "vierge" en termes d’environnement. Il est plus réceptif que les grands.

Comment avez-vous procédé?

Nous avons fait une étude de marché ; nous sommes allés vers les enfants à qui nous avons posé les problèmes. Ils ont réagi simultanément. Il y a eu un engouement et beaucoup ont réclamé que ce soit eux qui jettent désormais les ordures dans la poubelle. Les enfants sont extraordinaires ; c’est une source de bonheur et vu leur réaction, cela va porter. Car la prise de conscience à leur niveau va entraîner un zéro déchet domestique, un zéro déchet scolaire qui va déboucher sur un zéro déchet domestique pour avoir une ville propre.

Comment les Ong de pré-collecte accueillent-elles l’initiative du tri sélectif ?

Notre vision est de mettre en place une industrie verte. C’est la finalité de nos actions avec une économie circulaire qui permette de créer des emplois et de valoriser le déchet à travers la politique des 3 R : recycler, réutiliser et réparer. Donc à la fin, on veut avoir une société dans laquelle certes, on produit des déchets mais on en produit au minimum parce qu’ils sont recyclés, réutilisés ou que cela sert à réparer. Ceux qui font aujourd’hui la pré-collecte ne disposent pas vraiment des notions, car ils viennent juste pour ramasser et n’ont pas été sensibilisés à ce concept. Aujourd’hui, lorsqu’ils vont prendre un sac rempli de plastiques ; le plastique se recycle ; ils peuvent le revendre. Quand ils vont prendre un sac rempli uniquement de verres, le verre se retransforme et quand ils vont prendre du papier, ce dernier également se retransforme. Les restes de nourritures servent à faire du compost.

Mais comment?

Il y aura moins de déchets et certains qui seront utilisés ailleurs. Cela va également encourager la responsabilité du citoyen chargé de pratiquer le tri qui est un moyen simple de contribuer à la bonne gestion de la collectivité.

Concrètement comment se déroule la campagne?

Nous avons sélectionné trois établissements mais les efforts seront focalisés sur l’un des trois pour la visibilité quand bien même les autres participent simultanément à l’activité. Des poubelles y sont mises en place dans les cours. Il y en a 4. Une verte pour recueillir tout ce qui est vert, une jaune pour les plastiques et conserves, une bleue pour les cartons et les journaux et une poubelle grise pour les restes de nourritures dans la cour ; au niveau des vendeuses, deux poubelles bleue et jaune respectivement pour les papiers et feuilles et pour les sachets. Pareil dans les classes.
Le principe est que tous les matins qu’on déverse tout ce qu’il y a dans les classes dehors et ainsi de suite. Résultats, une cour continuellement propre, des salles de classes propres et des enfants qui auront acquis des réflexes d’éco-responsabilité. Ils seront dotés de dépliants qui montrent/décrivent le processus de tri pour ainsi impacter leurs parents et amis. Il y a des visuels sur les poubelles et des prospectus pour les visiteurs. Mais également des responsables parmi eux pour le suivi