La Nation Bénin...
En
quelques décennies, la Chine est passée du statut de pays pauvre et marginalisé
à celui de puissance économique et technologique mondiale. Cette avancée, fruit
d’une stratégie patiente et adaptée aux réalités nationales, redessine
aujourd’hui les équilibres géopolitiques et inspire de nombreux pays du Sud
dont le Bénin.
«
En tant que grand pays en développement responsable, la Chine ne sollicitera
pas de traitement spécial et différencié dans les négociations actuelles et
futures de l'Organisation mondiale du commerce (Omc)», a annoncé le Premier
ministre chinois Li Qiang lors de la Réunion de haut niveau sur l'Initiative
mondiale pour le développement, qui s'est tenue courant septembre 2025 à New
York. La Chine revient de loin, : «Nous avons accompli une grande
transformation, passant d’une nation relevée à une nation riche, puis à une
nation puissante, et fait en sorte que le grand renouveau de la nation chinoise
entre dans un processus historique irréversible», a éclairé à ce propos Qin
Gang, conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères, lors du Forum
Lanting du 21 avril 2023 à Shanghai. Ces déclarations résument à suffisance le
chemin parcouru par la Chine, objet d’une transformation spectaculaire en moins
d’un demi-siècle. Comment est-elle passée du statut de pays pauvre à celui de
puissance économique mondiale, au point de faire dire au président Patrice
Talon publiquement que le «Modèle chinois » l’inspire ?
Premier
exportateur de marchandises, premier détenteur de réserves de devises et leader
incontesté de l’industrie manufacturière, la Chine est aujourd’hui une
puissance incontestable. Cette ascension, loin d’être le fait du hasard,
résulte d’un parcours du combattant enclenché dès les années 1950 et soutenu
sans désemparer au fil des décennies. Un peu pour donner raison à Alain
Peyrefitte qui prédisait l’éveil de la Chine et son impact sur le monde. Selon
Din Yifan, chercheur au Centre de recherche sur le développement du Conseil des
affaires d’État chinois, les jalons de modernisation ont été posés par le
Premier ministre Chou Enlai, puis réaffirmés par Deng Xiaoping dans les années
1980. Avec comme objectifs définis de moderniser l’industrie, l’agriculture, les
sciences et technologies ainsi que la défense. « L’enjeu était simple mais
ambitieux. Celui de rattraper les pays développés dans ces domaines clés »,
souligne l’universitaire.
A
force d’abnégation et de ténacité, aujourd’hui, les fruits ont tenu la promesse
des fleurs, résultant, il est vrai, du dur labeur et des sacrifices consentis,
au-delà de toute attente. A telle enseigne que, mesuré en parité de pouvoir
d’achat, indicateur jugé plus équitable par le Fmi, le produit intérieur brut
chinois dépasse celui des États-Unis aujourd’hui. De même, dans le domaine
scientifique et technologique, la Chine figure en tête du classement mondial
des dépôts de brevets et investit massivement dans l’innovation. « Cette
trajectoire illustre une synthèse originale empruntée à divers modèles
étrangers tout en forgeant une voie propre », explique Din Yifan.
Trois piliers
Trois éléments essentiels soutiennent la continuité et l’efficacité du modèle chinois. En premier lieu, la stabilité politique. Ensuite, le soutien populaire et enfin, la mise en place d’un corps de fonctionnaires de carrière. Ce triptyque crée un effet de levier où stabilité, adhésion et compétence administrative se nourrissent mutuellement et donnent à la Chine une capacité d’action dans la durée. Cette modernisation à la chinoise ne s’est pas construite en vase clos. Il est à souligner que dans les premières décennies, la République populaire de Chine a adopté le modèle soviétique de planification centralisée, d’industrialisation accélérée et de mécanisation agricole, avec pour avantage un démarrage rapide de l’industrialisation. Puis vint la réforme impulsée par Deng Xiaoping : un pays deux systèmes encore appelé le socialisme de marché. « Avec la réforme et l’ouverture, Pékin s’inspire du modèle occidental, notamment européen, en libéralisant partiellement son marché et en intégrant la régulation macroéconomique», rappelle Din Yifan. Ceci étant, s’il fallait caricaturer le modèle chinois de développement, il se résumerait à ce que jamais la Chine ne copie un modèle tout entier. Elle en retient l’esprit, adapte les logiques et rejette les éléments incompatibles avec ses réalités.
Un miroir pour le Bénin
Cette
trajectoire fascine les pays du Sud dont le Bénin qui a manifesté publiquement
son intérêt à travers son président. Mais, insiste le chercheur : «Le Bénin ne
peut pas copier le modèle chinois tel quel, mais peut s’en inspirer ». La
preuve est que la taille du marché béninois ne permet pas notamment une
industrialisation à l’échelle de Pékin. Toutefois, le Bénin dispose de ses
propres avantages comparatifs, qui évoluent avec le temps. L’enjeu est donc de
les identifier, de se concentrer sur eux et d’adapter la stratégie en
conséquence. Une autre approche clé reste pour le Bénin de se doter d’un corps
de fonctionnaires professionnels capables de planifier le développement à court
et long termes.
«
Aujourd’hui, les Béninois peuvent se connecter avec le monde entier sans
difficulté. Il suffit de penser à votre mode de vie il y a vingt ans pour se
convaincre que le miracle réalisé par la Chine est possible dans la dimension
béninoise », souligne Din Yifan. Dans le cadre coopératif sino-béninois, la
mise en place d’un mécanisme de consultation permanent entre les deux pays, est
perçu comme un levier utile aux objectifs de développement béninois. Le
renforcement de la confiance mutuelle par un dialogue franc et des échanges
plus fréquents entre les peuples, est également préconisé. En somme, un atout
majeur d’inspiration précieuse mais non une recette clé en main.