La Nation Bénin...
Il est un fait auquel
les médias mais aussi, il faut bien le reconnaître et le dire avec toute
la déférence que nous leur devons, les autorités qui nous dirigent depuis toujours, ne
paraissent pas accorder sa juste importance. Il s’agit de la
contribution des personnes des troisième et quatrième âges au développement du
pays. N’est-il alors pas légitime que de temps à autre les intéressés donnent
de la voix pour défendre leur cause si
tant est que la charité bien ordonnée commence par soi- même ?
La contribution des seniors de la société au développement du pays paraît à nos yeux si évidente que sa non reconnaissance pose un problème qu’il n’est politiquement pas correct d’occulter. La réflexion analytique à laquelle nous nous livrons essaie de déterminer ce qui explique cette situation en amont. Mais avant cela, il convient de considérer les relations sociétales des seniors si tant est que, généralement, les relations entre les composantes de la société préfigurent, le cas échéant, une éventuelle mise à l’écart et que le relationnel affecte le jugement bien des fois.
Le relationnel sociétal des seniors
De nos jours et généralement parlant, les jeunes entretiennent avec les personnes âgées des relations négatives en totale rupture avec les préceptes de nos traditions millénaires. C’est un constat qu’il convient de cerner avec perspicacité, dépassant le seul cadre social. Idées et slogans fusent en effet, dans différents milieux, visant à ranger les personnes d’âge avancé dans les placards . Que de fois n'a -t-on pas entendu les plus jeunes clamer : ''Les personnes âgées sont un poids lourd que traine la société ; elles ne servent plus à rien et l'on ne peut plus rien en tirer; elles nous fatiguent; l'avenir appartient aux jeunes’’. Et ainsi de suite. Que de fois les retraités n'ont-ils pas entendu à leur corps défendant ces diatribes avec résignation! Et dire que dans ce pays les gens entre deux âges se disent plus jeunes que la nature ne le leur permet et font des jeunes un fonds de commerce politique en les adulant le mieux qu’ils peuvent. Les jeunes se convainquent alors du fait qu'il leur est loisible d'éconduire au plus tôt les plus âgés qu'eux afin de se donner les meilleures chances de se positionner au plus vite.
Les tenants et les aboutissants du phénomène
En fait, la mise à l’écart des seniors remonte au sommet de l’Etat. Ne
pas les mettre là où il sied de les mettre dans l’appareil étatique est une
attitude politique ; aussi les raisons profondes de cette mise à l’écart
devraient-elles être recherchées dans la sphère politique.
L' ossature gouvernementale
Jusqu’en l’année 2012, les personnes âgées ne figuraient dans aucun libellé de ministère alors que les jeunes y ont toujours trouvé une place. Ce n’est qu’en cette année- là que pour la toute première fois, l’on a intégré les personnes du troisième âge dans une structure gouvernementale :celle du ministère de la Famille devenu alors ministère de la Famille, des Affaires sociales, de la solidarité, des personnes handicapées et des personnes du troisième âge. Nous écrivions à cette occasion un article en date du 15 mai 2012 intitulé: ‘’Enfin la reconnaissance politique des personnes du troisième âge''. Le fait de n’avoir pas procédé à cette reconnaissance jusqu’alors ne pouvait manquer d’être interprété comme un fait de non reconnaissance d’importance à cette catégorie sociale. Il est du reste symptomatique que ces personnes du troisième âge ne figurent plus actuellement dans le libellé d’aucun ministère quand bien même il y aurait au sein de celui des Affaires sociales et de la Microfinance un service dénommé ‘’Inclusion et insertion'' qui aurait en charge ‘’ la promotion et la protection des personnes âgées'''. Ce, j’allais dire manquement en dit long et confirme, si besoin en était, le caractère politique du sujet.
- Notre Constitution
A n’en guère douter, d'aucuns marqueront, au demeurant à
juste titre, leur étonnement que nous pointions du doigt notre Loi
Fondamentale en cette matière de mise à
l’écart alors qu’elle défend le principe
de l'égalité des citoyens et qu’elle dispose spécifiquement en son article 26
que '' l’Etat doit veiller sur les
personnes âgées ‘’ . Soit ! Il
n’empêche que parlant de manière
triviale, je dirais volontiers que notre Constitution trouve qu'à compter de 70
ans, l’âge limite pour être candidat à la présidence de la République, nous
n'avons de ressources intellectuelles
fiables que pour une durée maximale de 10 ans par le
biais du renouvellement du mandat présidentiel de 5 ans . En d'autres termes et par extrapolation ,
la société n'a plus besoin des citoyens
âgés de plus de 80 ans. D’un autre côté
, la condition initiale des 45 ans pour
briguer la magistrature suprême parait
conflictuelle, et pour cause. Dès lors que
la loi permet aux jeunes d’être candidats à la présidence de la
République à partir de 45 ans, l’on peut
soupçonner et comprendre que ceux-ci se donnent des raisons de bousculer et
d’écarter systématiquement ceux-là qui se donnent la latitude, le choix mais
aussi le temps d'attendre jusqu’à 70 ans pour briguer la magistrature suprême ;
ils deviennent leurs rivaux et c’est la porte ouverte aux frictions. Le raisonnement peut paraitre hypothèse d’école
mais nous sommes en débats d’idées. Ne
pourrait- on alors réduire
l’écart entre les deux âges
? Il est actuellement de 25 ans. Ne pourrait-on l’abaisser à 10 en
relevant l’âge minimum de 45 à 55 ans ? Il est de notre avis qu’à 55 ans
le compte des expériences requises
pour diriger efficacement un pays aussi complexe que le nôtre est bon. Et il se
fait qu’à l’échelle internationale, le senior se situe entre 50
et 55 ans.
Voilà donc deux éléments faîtiers: l’un effectif lié au retard mis à intégrer les personnes du troisième âge dans une structure gouvernementale; l’autre , plutôt hypothétique certes, mais lié à la Loi Fondamentale, qui me paraissent susceptibles d'affecter sans que l’on s’en rende compte vraiment, les attitudes des jeunes à l’égard des seniors. Et c'est ainsi, estimons-nous, que s'est imprimé à pas feutrés dans les esprits des jeunes que le troisième âge est socialement et politiquement un handicap pour eux. Ils en ont tiré leur parti sans égard au fait que bien des fois les parents, déjà retraités de leur état, continuent de subvenir à leurs besoins .
De quelle manière les seniors participent-ils au developpement ?
En matière de développement, il convient de discerner ceux qui y participent directement et ceux qui y participent par le biais d'actions indirectes . J'écrivais dans un récent article que le personnel de maison, bien que n'étant qu’au bas de l'échelle sociale, participait au développement du pays en libérant leurs employeurs en haut de l'échelle pour leur permettre d'aller servir directement le pays dans l’exercice de leurs fonctions. Il y a similitude avec les personnes âgées principalement de deux manières.
- Côté social
Les politiques mettent volontiers l'accent sur la nécessité pour les jeunes d'accéder au marché de l'emploi en sollicitant le secteur privé, mais l'on oublie que les personnes admises à la retraite entreprennent des activités pourvoyeuses d’emploi. L'on oublie également que bien de parents s'obligent à soutenir leurs enfants encore en quête d'emploi. Ils les assistent à tous points de vue en faisant le sacrifice de rogner sur leur maigre pension tant qu’ils n’ont pas un emploi. Un enfant sans travail et livré à lui- même est un délinquant en puissance et un problème potentiel pour l'Etat s'il ne bénéficie pas du soutien de ses parents .Il sied alors de reconnaître aux retraités la part qu'ils assurent dans la prévention de la délinquance aux côtés de l’Etat ; et partant dans le développement du pays.
- Côté transfert des connaissances
Les personnes du troisième âge aident au développement en ce sens que ce sont elles qui détiennent l'expérience, pierre angulaire de tout développement. Un pays ne se construit qu'avec le cumul des expériences et ce sont les retraités qui les detiennent. Aucune intelligence ne résiste à l'expérience ni au savoir- faire discursif. Il n'y a pas de raccourci pour l’atteindre : elle ne peut s'acquérir qu'au fil du temps et l’expérience prend du temps. C'est par la transmission de l'expérience que les grands pays se sont construits et continuent de s’édifier. N’est-ce pas une raison suffisante pour créer une structure dans laquelle les seniors pourront se rendre utiles au pays ?.
Ambassadeur
Candide Ahouansou