La Nation Bénin...
Dans les esprits,
l’expérience rime habituellement et sans nuance avec retraite et troisième âge, mais à y bien réfléchir, il
convient de faire la part des choses. En fait, l'expérience n'attend pas l'âge
de la retraite pour se constituer comme par enchantement ; elle s'acquiert tout
au long de la carrière et c'est le
point qui devrait en être fait au moment où
elle prend fin. Dans notre
Administration rien n' est prévu en ce sens.
L'on part à la retraite tout guilleret ou la mine allongée, ne se
souciant toutefois dans l’un ou l’autre
cas, de laisser son empreinte.
Le développement d’un pays résulte à n’en guère douter,
du cumul des expériences professionnelles de ses citoyens, et rien ne fait de
l’ombre à l’expérience. La problématique, c’est comment assurer sa consignation
et sa conservation étant bien entendu
que la transmission par voie orale, donc sans écriture, n’est qu’
éphémère.
Le savoir et le savoir- faire y relatif ont la particularité d’être une richesse que l’on ne perd pas en les transmettant ; tant s’en faut. Les êtres humains finissent par disparaître ; l’expérience quant à elle survit à jamais. Au terme de notre dernière réflexion portant contribution des personnes d’âge avancé au développement économique du pays, nous nous demandions s’il n’était pas opportun de réfléchir aux voies et moyens de transmettre leurs expériences à la postérité. C’est à ce questionnement que nous essayons d'apporter la réponse dans le développement qui suit.
La transmission de l'experience se prépare : le mentorat de fin de carrière
- Concept, constitution et avantage fondamental
Dans les esprits,
l’expérience rime habituellement et sans nuance avec retraite et troisième âge, mais à y bien réfléchir, il
convient de faire la part des choses. En fait, l'expérience n'attend pas l'âge
de la retraite pour se constituer comme par enchantement ; elle s'acquiert tout
au long de la carrière et c'est le
point qui devrait en être fait au moment où
elle prend fin. Dans notre
Administration rien n' est prévu en ce sens. L'on part à la retraite tout
guilleret ou la mine allongée, ne se souciant toutefois dans l’un ou l’autre cas, de laisser son
empreinte. '’ J’ai joué ma partition, il appartient aux jeunes de se
débrouiller pour jouer la leur'' se dit le commun des partants à la retraite. A
notre avis, l’Etat ne devrait pas être complice de cette situation en laissant
les expériences professionnelles partir ainsi en fumée alors que dans un monde
civilisé, aucun pays ne se construit sans sa mémoire. Et c'est pourquoi nous
préconisons l’instauration d'un Mentorat de fin de carrière. Et qu’est-ce à
dire ? Il s'agit concrètement de la préparation officielle de la relève des
hauts cadres par la transmission ordonnée de leurs expériences. Au cours d'une
période déterminée précédant sa retraite professionnelle, disons six mois, tout
cadre supérieur ayant assumé une fonction de direction devra, aux fins de
la nécessaire transmission de ses
expériences à la postérité, consigner dans un rapport de synthèse de fin de
carrière, l'essentiel de ce qu'il aura appris au cours de sa carrière non pas
ressortant des enseignements théoriques qu'il a reçus, mais de la pratique
qu'il en a faite, des difficultés qu’il a rencontrées et des enseignements
qu’il en a tirés. Il mettra ainsi ses successeurs au fait des ficelles de la
profession qu'il aura exercée toute sa vie professionnelle durant, leur
épargnant, le cas échéant, les mêmes erreurs qu'il aura commises, enrichissant
de ce fait l’Administration et sa gestion des affaires publiques. Le rapport
sera déposé au Secrétariat général du ministère de tutelle. Il sera étudié par
le Secrétariat et le Cabinet du ministère réunis en session conjointe, qui
devront par ailleurs auditer son auteur et obtenir de lui les
éclaircissements nécessaires et même, si besoin en était, lui demander la
relecture du document. La preuve que ce que nous proposons ne devra
d’aucune façon être perçu comme une
simple formalité administrative réside dans les mesures qui suivent. Le
monitorat de fin de carrière devra faire l’objet d’un décret présidentiel et
constituer le préalable au paiement
effectif de la pension de
retraite à tous ceux qui ont assumé les
fonctions de direction. La mesure n’a rien d’excessif. A dire vrai, il
est choquant que les autorités qui nous ont dirigés jusqu’à lors n’aient pas
pris une telle disposition entretenant de ce fait, quand bien même à leur corps
défendant, l’idée que l’Administration est un fourre-tout sans idéal, un
ramassis de ronds de cuir motivés par la seule stabilité de leur emploi plutôt
que par l’initiative et la créativité. S’il est évident que l’on ne peut
introduire la notion de productivité dans l’Administration d’autant qu’elle
n’est pas une entreprise, du moins pourrait-on exiger d’elle l’efficacité .
- Avantages résiduels du mentorat de fin de carrière
Outre la capitalisation des expériences acquises, le
mentorat de fin de carrière que nous
proposons contribuera à minimiser les incompréhensions et les conflits de
génération à l’intérieur de l’ Administration. En effet, de nos jours, les
jeunes fonctionnaires, encore blancs-becs estiment cependant que les anciens
sont dépassés et qu’ils n’ont plus rien à leur apprendre. De l’autre côté, les aînés imbus de leurs expériences s’y accrochent
comme la prunelle de leurs yeux et se plaisent à regarder les jeunes avec
condescendance. Alors, si les anciens
laissaient par écrit le fruit de leurs expériences acquises au fil de leur carrière, les jeunes se feront
rapidement à l’idée qu’il sied de s’adosser à ce qu’ont fait leurs
devanciers s’ils veulent faire mieux
qu’eux. Ils devraient alors faire profil bas et les respecter d’autant. Il est
évident que l’Administration y gagnera
en efficacité .
Restitution et limites de l’experience
- Restitution dans le secteur public
Le Mentorat de fin de carrière s'impose et est exigible
principalement dans l'Administration publique. Cela, parce que son efficacité
en dépend d’autant qu’intrinsèquement, l’ Administration ne fait pas de la créativité une norme de
recrutement. Il n'en est pas de même pour le
secteur privé, et pour cause .
- Restitution dans le secteur privé
Dans ce secteur, du moins au niveau directionnel, l’on
vient généralement mettre à sa disposition ce que l’on sait faire déjà. C'est
un secteur d'initiative et de créativité, conditions nécessaires pour y avoir
accès notamment à un poste de direction sans préjudice toutefois des promotions
motivées à l'interne.
- Les limites de l’expérience
Bien qu’allumant des lumières qui permettent de progresser, l’expérience se heurte à des limites. En effet, elle est généralement fondée sur des données existentielles, des données matérielles du moment. Mais ces données peuvent évoluer avec le temps bousculant de ce fait les expériences établies en fonction d’elles. Il n’est donc pas judicieux de donner à l’expérience un caractère définitif et figé. Et Confucius nous avait déjà avertis en nous laissant une pensée qui a le mérite de faire la part des choses : '’l'expérience est une lanterne que l'on porte sur le dos et qui n'éclaire que le chemin parcouru''. En effet, elle ne garantit pas systématiquement le futur, chaque situation ayant sa spécificité.
Autres canaux de transfert des connaissances : les
personnes ressources, les homologues
- Les deux
secteurs public et privé peuvent faire appel à ces personnes en cas de besoin. Elles possèdent des connaissances et des
compétences dans des domaines d’expertise précis. Il leur est fait appel de
manière ponctuelle pour des projets déterminés et par voie de recrutement ou d’avis d’appel d’offre.
-S’agissant de transfert de connaissances par homologues
interposés, Il me souvient que jadis
quand nous venions d’accéder à la souveraineté nationale et que nous
n'avions pas encore la totale maîtrise de la gestion des affaires publiques,
deux mots-clés tenaient le haut du pavé dans l'Administration publique : Coopération
technique et Homologue
L'on affectait alors près d’un coopérant venu de
l’étranger, un National, haut cadre généralement de même formation que lui sans
avoir son expérience toutefois. Le National était censé s’approprier ladite
expérience étrangère sur le tas afin d'assurer la relève quand le coopérant
aura terminé sa mission de transfert d’expérience. Pourquoi un tel système de
transfert de connaissance ne pourrait-il avoir cours de nos jours à l’interne,
entre deux nationaux ? La question se pose avec d'autant plus de légitimité
qu’au lendemain de notre indépendance politique la France affectait dans notre
pays, avec le statut de coopérant, des nationaux qui venaient de terminer leurs
études en France où qui travaillaient dans la Fonction publique française.
Mais, à y bien réfléchir, peut-être que ce système pourrait faire de l’ombre
aux personnes ressources et porter atteinte à leurs intérêts.
Nous aimons à penser que notre proposition de Mentorat de fin de carrière accrochera les décideurs. Elle vaut pour le moins autant que valent les multiples réformes opérées par le gouvernement dans divers domaines. Lorsqu’un pays n’accorde pas l’importance qui lui revient à la mémoire des expériences, c’est tout comme s’il pilait de l’eau dans un mortier.
Ambassadeur Candide Ahouansou