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Enfants hors de l’école et nutrition des enfants vulnérables: Deux enquêtes journalistiques révèlent des réalités préoccupantes

Société
Fortuné Sossa (à gauche) et Maryse Assogbadjo exposant les résultats de  leurs investigations journalistiques Fortuné Sossa (à gauche) et Maryse Assogbadjo exposant les résultats de leurs investigations journalistiques

Maryse Assogbadjo et Fortuné Sossa, deux journalistes d’investigation béninois ont enquêté sur les problématiques liées aux enfants hors de l’école et à la nutrition des enfants vulnérables. Leurs travaux présentés à la presse, mercredi 8 octobre dernier à Cotonou, relèvent des incongruités qui interpellent les autorités à divers niveaux. Les deux professionnels des médias ont été sélectionnés par Unicef et Social Watch dans le cadre d'un avis à manifestation ayant abouti à des investigations journalistiques.

Par   Ariel GBAGUIDI, le 14 oct. 2025 à 11h27 Durée 2 min.
#Nutrition des enfants #social watch

L’enquête réalisée par Maryse Assogbadjo, journaliste au quotidien La Nation, sur la situation des « enfants hors de l’école », comporte plusieurs volets. Le premier est intitulé « Education pour tous : les enfants hors de l'école, des marginalisés des Plans de développement communal ».

L’investigation réalisée à Kandi et Parakou a été motivée, selon la journaliste, par une prise de conscience profonde d'une réalité souvent ignorée à savoir qu’il existe un grand nombre d'enfants laissés pour compte dans le système éducatif béninois et en particulier dans les deux communes enquêtées.

La production de Maryse

Assogbadjo fait un focus sur la situation alarmante des enfants non-scolarisés ou déscolarisés dans les communes de Parakou et Kandi, puis souligne l'insuffisance des actions dans les Pdc en faveur de ces âmes innocentes.

« En mettant en lumière les causes profondes : pauvreté, normes sociales, décentralisation inachevée, manque de volonté politique et les conséquences à long terme, l'article cherche à interpeller les décideurs, les collectivités locales et sensibiliser l'opinion publique. L'objectif n'est donc pas seulement d'informer, mais aussi de susciter une réaction, provoquer un débat et surtout encourager l'action en faveur d'un droit fondamental qui est l'accès à l'éducation de qualité pour tous les enfants, sans distinction », a-t-elle souligné. Elle fait cas des efforts d’alphabétisation, des leçons à tirer de la situation et ne manque pas de formuler des recommandations aux acteurs impliqués.

« En conclusion, je dirais que l'exclusion scolaire n'est pas une fatalité. Elle reflète une mauvaise priorisation dans les politiques locales. Pour atteindre les objectifs de développement durable d'ici 2030, l'éducation des enfants hors système doit devenir une priorité nationale, locale et internationale », souligne la journaliste.

Scolarisation et éducation alternative

Le deuxième volet du travail de Maryse Assogbadjo dissèque la question de la mendicité et du terrorisme, deux obstacles à la scolarisation des enfants. Si la journaliste a choisi d’enquêter sur la question, c’est bien parce qu’elle a été particulièrement interpellée par une sorte d’institutionnalisation de la mendicité au Nord Bénin, à travers le phénomène talibé et par l'absence de réponses concrètes et coordonnées pour prévenir le basculement dans la radicalisation dans cette zone fortement menacée par les entrepreneurs de violences. « L'objectif de cet article est donc double. Il s'agit de donner la parole à ces enfants oubliés, comme le jeune Abou que j'ai fait parler dans l'article, pour rappeler qu'ils ont eux aussi le droit à une vie meilleure. L’autre objectif est d'interpeller les autorités, les partenaires techniques et les communautés locales sur l'urgence d’investir dans l'éducation, non pas comme un luxe, mais comme un levier stratégique de paix, de cohésion sociale et de développement », explique Maryse Assogbadjo.

Elle souligne que les filles du Nord sont les plus affectées par la déscolarisation et les pratiques patriarcales, malgré les efforts louables du gouvernement et ses partenaires. A travers son article, la journaliste souhaite susciter une prise de conscience collective afin que l'école soit plus ouverte aux couches vulnérables qui ont aussi droit à un avenir meilleur. « En conclusion sur ce volet, je dirai que la mendicité infantile et la déscolarisation en zone à risque ne sont pas seulement des problèmes sociaux. Ce sont des menaces pour la sécurité nationale. Investir dans l'éducation, c'est non seulement protéger les enfants, mais aussi bâtir la paix, prévenir l'extrémisme et favoriser le développement durable du pays », affirme-t-elle.

Maryse Assogbadjo évoque un troisième volet de son travail, intitulé « Education alternative: entre réalité et défi, une issue». Cet article évoque la situation peu reluisante des millions d'enfants béninois exclus du système éducatif classique et pour qui l'éducation alternative représente l'unique espoir de réintégration et de réussite.

Elle assure que l'objectif de cet article est aussi double : valoriser les initiatives d'éducation alternative comme des réponses crédibles et efficaces à l'exclusion scolaire et alerter les décideurs sur la nécessité de pérenniser ces dispositifs. A l’instar des sujets suscités, cet article est un plaidoyer journalistique en faveur de chaque enfant pour le respect du droit à l’éducation. D’après elle, la production expose les initiatives d'éducation alternative, les impacts positifs mais aussi les défis à relever.

Nutrition

Le journaliste d’investigation Fortuné Sossa a, quant à lui, travaillé sur la nutrition des enfants vulnérables. L’enquête l’a conduit dans cinq communes des départements du Zou et du Borgou. J’ai ciblé « les enfants dont les familles sont extrêmement pauvres, les enfants qui n'arrivent pas à trouver à manger, les enfants qui ont d'énormes difficultés parce que les parents n'ont pas les moyens», explique l’intéressé. Pour ces travaux, Fortuné Sossa s’est tourné vers plusieurs structures dont les services sociaux, le secteur de l'enseignement maternel et primaire parce qu'il y a les cantines scolaires, les services de la santé qui s'occupent des questions de malnutrition des enfants, etc.

Le constat général, selon lui, est que l'Etat fait des efforts, mais beaucoup reste encore à faire en matière de nutrition des enfants et notamment des enfants en situation de vulnérabilité. « Le nombre d'enfants qui végètent dans la pauvreté, qui n'arrivent pas à trouver à manger parce que leurs parents n'en ont pas; c'est énorme. On en rencontre dans les rues. Pendant mon enquête, j'en ai rencontrés. Or, un enfant qui a faim ne peut pas suivre les cours à l'école ; un enfant qui a faim ne peut pas grandir correctement, il aura des problèmes de croissance. C’est un problème qu’il faut forcément régler », insiste Fortuné Sossa.

Pendant les travaux de terrain, les deux journalistes ont fait face à des difficultés qu’ils ont partagées avec l’assistance. Parmi ces blocages, figure celui liée au défaut d’accès aux sources d’information.

Pour leur part, l’Unicef et Social Watch, bailleurs des deux investigations journalistiques, promettent de voir dans quelles mesures intégrer les résultats de ces enquêtes dans leurs plaidoyers.