La Nation Bénin...
Les
expériences du quotidien, l’échec, le non-accomplissement peuvent générer chez
l’individu, la frustration et le sentiment d’abandon. Kouassi Comlan,
psychologue clinicien et thérapeute de couples invite à reconsidérer notre
perception du bonheur. Et si le bonheur était moins une destination qu’une
construction intérieure ?
Parce que beaucoup de personnes cherchent le bonheur très loin, alors qu’il peut se trouver juste là, dans leur quotidien, leurs ressources intérieures, ou leurs relations proches. On croit souvent que pour être heureux, il faut changer de pays, gagner beaucoup d’argent, ou vivre une vie parfaite. Mais la science du bien-être nous apprend que le bonheur est d’abord un choix personnel, un état d’esprit qui se cultive ici et maintenant.
Vous affirmez que le bonheur est un choix réitéré. Que voulez-vous dire ?
Le bonheur, contrairement à ce qu’on pense, n’est pas le fruit du hasard ou de circonstances extérieures favorables. C’est une décision qu’on prend, chaque jour, en posant des actes simples pour s’en rapprocher. Les recherches en psychologie positive l’ont prouvé : les personnes les plus heureuses sont celles qui ont choisi de faire du bonheur une priorité, même quand tout ne va pas bien. Ce sont celles qui cultivent l’optimisme, la gratitude, la bienveillance envers soi et envers les autres.
Comment faire ce choix au quotidien ?
Il
s’agit de s’exercer à voir le côté lumineux de chaque situation, à donner du
sens à ce que nous vivons, à entretenir de bonnes relations, à prendre soin de
soi, à savourer les petits plaisirs, et à célébrer ses réussites. Il ne faut
pas attendre que tout soit parfait pour être heureux. Le bonheur ne dépend pas
d’une grande réalisation future, il commence dans notre capacité à apprécier
l’instant présent.
Vous dites aussi que le bonheur s’invente au présent. Que faut-il comprendre par là ?
Beaucoup vivent dans le regret du passé ou l’angoisse de l’avenir. Or, le bonheur se construit dans l’instant. Comme le dit Mazouz Hacène, « Le bonheur est parfois dans ce que tu considères comme malheur ». C’est notre perception qui donne une couleur aux événements. En fonction de ce que nous décidons de penser d’une situation, notre cerveau réagit : il sécrète des émotions en cohérence avec notre interprétation. En d’autres termes, si je décide que ma situation est une opportunité et non un fardeau, je me sens mieux, plus serein, plus motivé. Cela s’apprend avec des exercices simples: changer ses croyances, revoir ses valeurs, développer de meilleures compétences sociales et émotionnelles.
Le cerveau joue donc un rôle clé dans cette quête du bonheur ?
Absolument. Trois substances chimiques présentes dans notre organisme y participent : la sérotonine, la dopamine et l’endorphine. Elles influencent directement notre humeur et notre bien-être. Le bonheur est donc aussi une réalité biologique, et nous pouvons apprendre à stimuler ces hormones naturellement, par le rire, l’exercice physique, la gratitude, ou encore la méditation. La psychologie positive le démontre bien : notre cerveau est câblé pour rechercher l’équilibre et la joie, mais encore faut-il lui donner les bons outils.
Vous avez évoqué un modèle qui aide à structurer cette quête du bonheur…
Oui, c’est le modèle Perma développé par Martin Seligman. Il repose sur cinq piliers : les Émotions Positives (Positive emotions), l’Engagement dans des activités qui nous absorbent (Engagement), les Relations positives (positive Relationships), le Sens que nous donnons à notre vie (Meaning), et les Accomplissements personnels (Accomplishment). Ce sont ces dimensions qu’il faut nourrir pour construire un bonheur durable.
Avez-vous accompagné des personnes dans cette démarche ?
Oui, et je pense notamment à un jeune homme de 26 ans, niveau Licence, qui venait me consulter sur recommandation d’un cousin. Il était très angoissé, se sentait rejeté, et estimait que sa grande sœur qui vit en Allemagne ne faisait rien pour son bonheur. Il voulait aller en Europe pour, selon lui, enfin réussir sa vie. Or, cette sœur lui avait confié la gestion de deux boutiques au pays, qui lui rapportaient quand même 30 000 francs par mois. Il n’y voyait aucun intérêt. Il pensait que tant qu’il ne quittait pas le Bénin, il ne pouvait pas être heureux.
Comment l’avez-vous accompagné ?
Nous avons travaillé ensemble à changer sa perception. Je l’ai aidé à prendre conscience que le bonheur ne vient pas d’un lieu géographique mais de la façon dont on se positionne face à sa vie. Il a appris à reconnaître ce que sa sœur faisait pour lui, à apprécier les ressources dont il disposait déjà, et surtout à se considérer lui-même comme acteur de son bonheur. Il applique aujourd’hui le modèle Perma : cultiver des émotions positives, s’investir dans un projet, nourrir ses relations, donner un sens à sa vie et célébrer ses avancées.