La Nation Bénin...
À l’issue du match nul décroché par les Amazones du Bénin face aux Super Falcons du Nigéria, lors du dernier tour qualificatif de la CAN féminine Maroc 2026, le sélectionneur national, Ouzérou Abdoulaye, s’est confié en conférence de presse. Entre satisfaction mesurée, émotion personnelle et regard tourné vers l’avenir, le technicien béninois a livré une analyse lucide et profondément humaine de la performance de ses joueuses.
La Nation : Au terme du match face au Nigéria, vous n’imaginiez sans doute pas un tel score (1-1). Quels sont vos sentiments à la fin de la rencontre ?
Ouzérou Abdoulaye : Ce match face au Nigéria aurait pu se conclure par une victoire. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Ce n’était pas une simple déclaration lorsque j’ai affirmé que nous venions ici pour nous qualifier. Je suis un compétiteur dans l’âme. Même si je dois affronter le plus fort du monde, cela ne me fait pas peur. Aujourd’hui, nous faisons match nul, et c’est bon pour le moral, mais je ne peux pas me réjouir quand je ne gagne pas. C’est cet état d’esprit que je veux inculquer à ces filles. Il y a encore beaucoup de travail, et la satisfaction ne viendra qu’avec la victoire. Nous ne devons pas nous contenter de peu. Oui, faire un nul contre le Nigéria, c’est une belle chose, un souvenir dont on pourra parler dans dix ans. Mais la véritable joie viendra lorsque nous aurons obtenu ce que nous recherchons : la qualification.
Quelle a été l’atmosphère dans le vestiaire à la mi-temps pour que les filles reviennent aussi déterminées ?
Dans le vestiaire, je leur ai dit qu’il n’y avait aucune limite à se fixer. Ce sont, pour la plupart, des jeunes filles issues de notre championnat national, qui n’est pas forcément le plus exigeant. En face, c’était une équipe de superstars. Mais en termes d’engagement, je leur ai fait comprendre que nous pouvions rivaliser. À la pause, je leur ai simplement dit de jouer à fond. Nous n’avions rien à perdre ; personne ne nous blâmerait pour un match contre le Nigéria. À partir de là, sans pression, je leur ai demandé de jouer libérées, avec sensibilité et courage. Et cela a fonctionné. La seconde période a été à l’image de cet état d’esprit. Les entrées en jeu ont également apporté un vent de fraîcheur. Prenez Estelle, par exemple : elle n’a que 17 ans. Apporter de la rapidité et de la vivacité, c’était la clé. C’est sur cette idée que j’ai bâti mon plan de jeu dès le départ. Après analyse, j’ai constaté que le Nigéria était physiquement au point et techniquement supérieur. Mais sur le plan de la vitesse, nous avions un avantage. Miser sur la jeunesse, c’était l’objectif. Et je pense que nous pouvons être fiers de cela.
Comment avez-vous vécu le but égalisateur depuis votre banc ?
Je l’ai vécu avec une double joie, car il est venu de Yasminath Djibril. Tous ceux qui connaissent l’équipe savent que j’ai une affection particulière pour elle, presque paternelle. J’étais heureux qu’elle soit à l’origine de ce but. Mais au-delà de l’aspect personnel, égaliser face au Nigéria, dans un tel contexte, devant un public pareil, c’était déjà une victoire symbolique. Ce but nous a redonné espoir, et j’en ai été profondément fier.
À la fin du match, vous êtes resté assis longuement sur la pelouse. Que s’est-il passé ?
J’ai traversé des moments difficiles sur le plan de la santé. Ce n’est pas simple pour moi de continuer à exercer dans ces conditions. À la fin du match, beaucoup d’émotions sont remontées. J’ai repensé à tout ce parcours, à toutes ces épreuves, et je n’ai pas pu retenir mes larmes. Ce n’était pas de la tristesse, mais un mélange d’émotion, de fierté et de soulagement.
Face à une équipe dix fois championne d’Afrique, la tâche paraissait presque impossible. Quel regard portez-vous désormais sur l’avenir ?
Je vois un avenir radieux. Dans cette équipe, la moitié des joueuses évoluent déjà avec les sélections U17 ou U20. Cela prouve qu’il existe un vivier, un réel potentiel. Elles vont progresser, mûrir et devenir plus fortes. Obtenir ce résultat ici, au Nigéria, face à une formation quasiment imbattable, est un motif de fierté. Ce pays a une signification particulière pour moi. J’y ai achevé ma carrière de footballeur il y a dix ans, avec Sunshine Stars FC. Mon premier match amical avec ce club s’était d’ailleurs joué sur cette même pelouse. Alors, forcément, cette soirée avait pour moi une valeur symbolique très forte.
Ouzérou Abdoulaye, sélectionneur des Amazones du Bénin