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Droits de l’Homme : Les États-Unis refusent de se soumettre à l’Examen périodique universel

International
Les États-Unis ne participeront pas à leur EPU en novembre. Les États-Unis ne participeront pas à leur EPU en novembre.

C’est une première historique. Les États-Unis d’Amérique ont refusé de participer à leur l’examen périodique universel (EPU), mécanisme des Nations unies qui évalue tous les cinq ans la situation des droits humains dans chaque pays membre. Depuis la création du processus en 2006, aucun État n’avait encore manqué à cette obligation.

Par   Paul AMOUSSOU, le 07 nov. 2025 à 20h31 Durée 3 min.
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Face à cette absence, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, présidé par l’Ambassadeur de Suisse, Jurg Lauber, a adopté une résolution exprimant « son profond regret» et a décidé de reporter l’examen américain à 2026, tout en exhortant Washington à « reprendre sa coopération avec le mécanisme », conformément aux résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil.

C’est une première historique depuis plus d’une décennie : les États-Unis d’Amérique ont refusé de se soumettre à leur Examen périodique universel (EPU), le mécanisme des Nations Unies qui évalue tous les cinq ans la situation des droits humains dans chaque pays membre. Depuis la création du processus en 2006, seul Israël, en 2013, avait manqué à son rendez-vous, devenant alors le premier État à boycotter son examen. L’État hébreu avait toutefois accepté d’y participer dix mois plus tard, après son report exceptionnel.

Cette fois, Washington rompt à son tour avec cette tradition de coopération universelle, soulevant de vives inquiétudes à Genève. Réuni au Palais des Nations, le Conseil des droits de l’homme a adopté une décision exprimant son « profond regret » et a reporté l’examen américain à 2026, tout en exhortant les États-Unis à « reprendre leur coopération avec le mécanisme », conformément aux résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil.

Une levée de boucliers à Genève

 

Annoncée dès le mois d’août par l’administration américaine, cette décision a provoqué une onde de choc parmi les organisations de défense des droits humains et les représentants de la société civile présents à Genève. Beaucoup y voient une tentative délibérée d’échapper à toute reddition de comptes internationale.

Lors d’une conférence de presse organisée par l’Association des Correspondants Accrédités auprès des Nations unies (ACANU), Jamil Dakwar, directeur du programme des droits humains de l’American Civil Liberties Union (ACLU), a affirmé que « l’administration Trump ne peut pas fuir la responsabilité de ses actes ». Selon lui, en sapant le mécanisme de l’EPU, Washington « donne un exemple dangereux qui affaiblira encore davantage la protection universelle des droits humains ».

Même constat du côté de Robert Saleem Holbrook, directeur du Abolitionist Law Center, qui dénonce une décision « irresponsable et autoritaire » démontrant « l’absence totale de leadership moral » d’une administration cherchant à isoler davantage son pays.

Une attaque frontale contre la morale publique

 

 

Larry Krasner, procureur élu de Philadelphie, a livré une déclaration particulièrement cinglante contre le président des États-Unis, dénonçant son refus de se soumettre à l’EPU. « Nous savons tous pourquoi le président, condamné à 34 reprises, ne veut pas être ici : il refuse qu’on dresse le bilan de ses violations incessantes des droits humains », a-t-il déclaré.

Pour lui, l’absence du chef de l’État américain à Genève traduit une volonté manifeste de se placer au-dessus des lois, qu’elles soient nationales ou internationales. Le magistrat a tenu à saluer la présence d’élus locaux et de représentants de la société civile, estimant qu’ils incarnent la responsabilité morale et démocratique que le président a reniée.

Droits fondamentaux bafoués

 

Chandra Bhatnagar, directrice exécutive de l’ACLU de Californie du Sud, a qualifié cette décision de « honteuse », reflet selon elle de « l’incapacité du gouvernement à défendre son propre bilan en matière de droits humains ». Elle a dénoncé les raids violents de l’agence ICE, les attaques contre la liberté d’expression des manifestants et des journalistes, ainsi que le déploiement injustifié de la Garde nationale dans plusieurs villes américaines.

Siya Hegde, avocate au National Homelessness Law Center, a estimé que ce refus « montre le mépris total de l’administration Trump pour les droits humains les plus fondamentaux ». Elle a rappelé que des millions d’Américains sans abri sont criminalisés simplement parce qu’ils ne peuvent pas payer leur loyer, appelant le Conseil des droits de l’homme à condamner cette attitude avec la plus grande fermeté.

Un précédent grave

 

Pour Carolyn Nash, directrice du plaidoyer d’Amnesty International USA, « les États-Unis risquent de devenir le premier pays à se soustraire totalement à ce processus de révision ». Elle exhorte Washington à « soumettre son rapport national, même avec retard, et à se présenter à l’examen de 2026 ».

Même inquiétude du côté de Nadia Ben-Youssef, du Center for Constitutional Rights, qui estime que « les excès de l’administration Trump menacent l’ordre mondial fondé sur les valeurs d’égalité, de justice et de réparation ». Elle appelle la communauté internationale à faire preuve du même courage que la société civile pour résister à ce qu’elle qualifie de dérive autoritaire des États-Unis.

 

Un système universel fragilisé

 

L’Examen périodique universel demeure l’un des piliers du système multilatéral onusien, garantissant que tous les États, grands ou petits, soient évalués selon les mêmes critères. Chaque examen repose sur trois documents : le rapport national de l’État examiné, une compilation d’informations de l’ONU et un résumé des contributions de la société civile.

Plus de cent organisations américaines et internationales, dont Human Rights Watch, Amnesty International et l’ACLU, avaient soumis des rapports dénonçant une série de violations : détentions arbitraires, discriminations raciales, abus policiers, régression des droits reproductifs et attaques contre l’État de droit.

 

Un avertissement politique et moral


Ce refus de coopération marque un dangereux précédent, menaçant la crédibilité même du système multilatéral. En différant l’examen à 2026, le Conseil des droits de l’homme a voulu laisser la porte ouverte à un retour du dialogue, tout en adressant un signal politique fort à Washington. Mais pour nombre d’observateurs, ce retrait symbolise l’érosion du rôle moral et diplomatique que les États-Unis ont longtemps revendiqué sur la scène internationale.

Le monde, désormais, observe Washington — et attend qu’il démontre que la défense des droits humains commence d’abord chez soi.