La Nation Bénin...
La menace de la
digitalisation de l’information sur la presse papier est évidente, selon Léon
Anjorin Koboudé, expert en communication et enseignant à l’Ecole nationale des
sciences et techniques de l’information et de la communication (Enstic-Uac) de
l’Université d’Abomey-Calavi. Il évoque dans cet entretien des pistes de
solutions pour une presse écrite économiquement viable et professionnellement
respectable au Bénin.
La Nation : Vous avez
organisé une conférence publique à l’Université d’Abomey-Calavi sur la menace
de la digitalisation sur la presse. Quelles sont les motivations d’une telle
initiative?
Léon Anjorin Koboudé :
Cette conférence sur la digitalisation de l’information est organisée dans le
cadre de mes cours pratiques avec mes étudiants. Je leur avais suggéré trois
thèmes et ils ont choisi d’aborder ce thème lié à la digitalisation de la presse
au Bénin. Ce thème est très important parce que nous observons comment change
progressivement le mode de consommation du public en matière d’information.
Aujourd’hui, la plupart des citoyens utilisent un smartphone pour s’informer.
Dans ce contexte de changement d’habitude continuel des modes de consommation
de l’information, il était quand même important de s’interroger sur ce que
devient la presse papier. Ça a été un creuset de réflexion sur le sujet et nous
avons été très contents de l’intérêt que cela a suscité dans le public. On a eu
un panel intéressant et deux praticiens dans le domaine du web et de la presse
papier qui ont donné des points de vue différents. La présence du docteur
Wenceslas Mahoussi a permis d’avoir le regard d’un universitaire sur le sujet.
C’était une très belle opportunité intellectuelle pour réfléchir sur la menace
que peut représenter la digitalisation sur la presse.
Pensez-vous que la presse
béninoise a encore de beaux jours devant elle ?
Oui, la presse béninoise a
encore de beaux jours devant elle à condition qu’elle se réinvente, qu’elle
s’adapte et qu’elle essaie d’identifier les opportunités que peuvent lui
apporter les nouveaux modes de consommation de l’information du public. Si le public
est à un niveau avancé en matière de mode de consommation de l’information et
que vous, vous êtes à un niveau statique, vous êtes en retard sur le public. Je
crois qu’il y a cette nécessité de s’adapter à cette avancée de la
digitalisation. On n’a pas besoin aujourd’hui de demander à une presse d’avoir
un support digital ou des réseaux sociaux qui lui permettent de prolonger la
vie de ses contenus ou de donner plus d’échos à ses contenus. La presse
béninoise peut encore vivre longtemps si elle choisit des contenus plus
appropriés dont le public a besoin et si elle fait ce travail de proximité en
matière de disponibilité de l’information. A côté du support papier, il faut
privilégier aussi les supports digitaux puisque c’est là où se trouve la majorité
du public. Nous tous, nous savons que ‘’Jeune Afrique’’ était un hebdomadaire
mais aujourd’hui, il a fait des investissements massifs dans le digital et le
support papier est devenu mensuel. C’est cet effort d’adaptation et de
repositionnement que je demande à la presse béninoise et c’est pour une
question de survie économique. Je crois que c’est un choix que doit impulser le
gouvernement qui doit faire l’effort d’encourager les médias qui suivent le
train de la digitalisation de l’information sans renier les fondamentaux de la
presse papier. Le digital a un avantage et c’est cet avantage qu’il faut
exploiter.
Quel est l’avantage de la
digitalisation de l’information pour la presse et comment réinventer cette
dernière ?
Avec la digitalisation,
nous assistons à la rapidité de la publication de l’information. Mais attention
! Cette rapidité ne doit pas agir sur la qualité de l’information. La
digitalisation a aussi un effet direct sur la fabrication de contenus, sur le
format des articles aussi. Pour les sites internet, on privilégie des papiers
assez courts et qui donnent envie de lire. La digitalisation vient s’imposer à
la presse papier et il revient à cette dernière de prendre le côté positif de
cette digitalisation et d’arriver à s’imposer. Pour ce faire, il faut
diversifier les genres, traiter les sujets qui peuvent préoccuper le public,
faire des contenus plus audacieux. Du point de vue de la gestion économique des
médias, je crois qu’il faut pousser les médias à se regrouper afin d’avoir des
entreprises de presse économiquement viables et professionnellement
respectables. Il faut une stratégie de subvention qui obligerait les médias à
se regrouper et faire en sorte qu’on ait moins de titres sur la place. Je suis
pour le pluralisme mais je préfère un pluralisme de qualité.