Panne d’Internet dans 10 pays d’Afrique: Utilisateurs et acteurs du numérique entre difficultés et résilience

 Les impacts varient en fonction des usages qui sont faits de l’internet. Personnellement, j’ai vécu les effets de cette panne. Etant hors du pays, j’ai eu du mal à joindre ma famille par appel whatsapp. Le signal whatsapp n’était pas stable et très mauvaise, du coup, les appels ne passaient pas. De retour au pays, j’ai connu les mêmes difficultés. Ici, j’avais du mal à me connecter et à interagir avec mes collègues. Et c’est le cas au niveau des usages domestiques où l’impact a été immédiat pour tous les utilisateurs. C’était encore plus dangereux pour les usages professionnels car les entreprises qui opèrent sur internet en ont été victimes. Les opérateurs Gsm ont eu du mal à rediriger leur trafic vers d’autres câbles qui ne sont pas coupés. Ils ont dû faire recours aux opérateurs capables de fournir de la capacité sur ces câbles qui ne sont pas impactés. A ce niveau, il était important d’identifier comment rediriger le trafic vers l’opérateur qui utilisait un câble impacté. Après tout, ce sont les négociations, car c’est du trafic complémentaire à acheminer. C’est là qu’interviennent les enjeux financiers. Mais généralement, ce qui se passe, c’est que l’opérateur impacté va évoluer en «mode dégradé ». C’est dire qu'il va négocier auprès d’autres opérateurs pour obtenir du trafic. Dans ce cas, il utilise des tuyaux de communication plus petits. C’est là qu’on va constater au niveau des utilisateurs finaux que internet est disponible mais très lent à cause de la bande passante plus faible. Je pense que cet incident a montré à quel point on est vulnérable. Ainsi, les gouvernements et opérateurs doivent prendre des dispositions pour faciliter la coopération en matière de connectivité transfrontalière, la mise en place de points d’échange et de data centers qui permettent d’opérer dans des Clouds locaux afin d’éviter ces genres de situations.

 Maurice Nontondji, Community manager de LinkedIn : « Mes activités ont été paralysées … »

 En tant que Community manager, la connexion internet constitue un outil pour moi et le fait de ne pas l’avoir, m’a empêché de travailler. Toutes mes activités ont été paralysées durant des jours. J’avoue que je n’ai pas pu travailler durant cette période. Je n’ai pas pu livrer les travaux en cours de réalisation avant cette panne. C’était difficile. Nous sommes encore dépendants de l’internet. Il faudrait que nos pays en Afrique dans le golfe de Guinée puissent penser à leur autonomisation. Ils ont accès à la mer, il faut qu’ils se mettent ensemble pour nous aider à faire face à ces genres de situation dans le futur. C’est l’occasion de réfléchir à d’autres solutions. On peut penser à avoir d’autres câbles ou penser à des solutions satellitaires. Le gouvernement peut travailler à nous rendre autonomes. L’internet devient nécessaire à l’ère du numérique et nous devons penser à notre souveraineté dans ce domaine.

 Wilfried Quenum, président du Forum sur la gouvernance de l'internet au Bénin (Fgi-Bénin) :

« Ce n'est pas une affaire de quantité de câbles... »

On a tous cru qu'avoir cinq câbles était suffisant pour parler de résilience, backup ou autres… Mais l'incident de la semaine passée nous a prouvé le contraire. S’agissant des conséquences directes de cet incident, la liste des personnes et activités impactées est longue. En commençant par la petite vendeuse de forfaits, les agences de transfert d'argent Western Union, Moneygram et autres. Sans oublier ceux qui étaient en plein examen en ligne ; ceux qui devaient soumettre leurs dossiers d'appel d'offres; faire des interventions chirurgicales par assistance ; des retraits bancaires… Ce n'est pas une affaire de quantité de câbles. Le sujet est donc ouvert mais les premières pistes de solutions sont celles des points d'échange IXP locaux qui sont prônés, supportés par Isoc Monde depuis plusieurs années. Cette piste de solution ne résout pas entièrement le problème mais elle a l'avantage d'établir l'interconnexion locale entre les opérateurs télécoms et fournisseurs d'accès internet. Ainsi, on peut se retrouver coupés du monde, mais non à l'intérieur du pays ni entre citoyens locaux. 

Mermoze Adodoh, membre de l'association Wikimédia Bénin

 C'était même lors d'un atelier Wikimédia sur la rédaction de contenus sur les droits des femmes en collaboration avec l'association des blogueurs du Bénin que nous avons constaté cette panne. Ce qui nous a empêché de conduire cette formation convenablement. C'était démotivant mais puisque c'était indépendant de notre volonté, les participants et participantes ont dû comprendre. C’est plus tard que nous avons su que c’était une panne au-delà du pays. Cet incident a entrainé des désagréments tels que les dysfonctionnements au niveau de la plateforme Wiki assimilés. Nous espérons que cette situation va connaître une fin rapide au Bénin et dans les autres pays, dans les jours à venir.