La Nation Bénin...

Dans les couloirs de la dialyse au Cnhu : la bataille de la prise en charge

Santé
Par   Maryse ASSOGBADJO, le 31 mars 2022 à 14h44
L’insuffisance rénale est un supplice pour les victimes. La majorité d’entre elles ne lésine pas sur les moyens pour l’affronter. Toutefois, la dialyse, solution médicale visant à soulager un tant soit peu les malades, impose une bataille à laquelle patients et donneurs de soins doivent faire face. L’insuffisance rénale fait vivre des misères aux patients. Douleurs, contraintes financières et de temps, espérance de vie réduite en cas de manque de soins, stress, soucis…Les victimes parlent d’ennemie la plus redoutable en matière de santé. Selon les spécialistes, la dialyse « permet d’épurer le sang des déchets produits par l’organisme. Autrement, l’espérance de vie se trouve totalement réduite ». Il faut une hygiène de vie rigoureuse pour se mettre à l’abri de la maladie. Cela passe par l’adoption d’un régime peu salé, peu gras et peu sucré et la consommation de fruits et légumes tous les jours. Le sport n’est pas à banaliser. Les causes sont multiples. « Les causes de l’insuffisance rénale chronique sont liées à l’hypertension artérielle, au diabète sucré, à la glomérulonéphrite chronique (Vih, Vhb, Vhc, drépanocytose), la Polykystose rénale, l’hypertrophie bénigne de la prostate », développe Jacques Vigan, néphrologue, chef de l’Unité de dialyse du Centre national hospitalier universitaire Hubert Koutoukou Maga (Cnhu-Hkm) de Cotonou. On distingue l’insuffisance rénale aiguë et l’insuffisance rénale chronique. Le néphrologue lie l’insuffisance rénale aiguë à plusieurs autres facteurs et maladies dont la liste n’est pas limitative : paludisme, déshydratation extracellulaire, hémolyse intravasculaire, hémorragie (de la délivrance, …), syndrome hémolytique et urémique, l’adénome de la prostate, le cancer de la prostate, le choc cardiogénique, les lithiases urinaires, la tumeur de la vessie…. Tous de potentiels indigents Dès lors, personne n’est à l’abri du mal. Tout le monde est un potentiel indigent face à cette maladie, quels que soient les moyens financiers dont nous disposons, car elle éprouve les ressources financières. « Une séance de dialyse coûte environ 70 000 F Cfa. Un patient doit subir au minimum deux séances par semaine, soit 140 000 F Cfa. Certains patients peuvent aller à trois ou à quatre par semaine. Même si on est milliardaire, on risque de manquer de ressources avec le temps pour faire face à la maladie», conçoit Dieudonné Gnonlonfoun, directeur général du Cnhu. Face à ces difficultés, la qualité de la prise en charge prend un coup chez les patients en manque de moyens financiers. Les témoignages de certains patients renseignent sur leurs misères. Tous sont obligés de céder des biens pour rallonger leur vie. « Depuis que j’ai commencé ce traitement, je suis totalement à vide. Grâce à Dieu, je vis. Au départ, j’ai vendu plusieurs parcelles afin de commencer le traitement. Plus tard, j’ai pu bénéficier de la prise en charge de l’Etat. Mais le rythme des soins fait qu’il arrive parfois que je manque d’argent pour effectuer le déplacement du Cnhu », confie une patiente sous anonymat. Elle compte sur l’Etat et la miséricorde divine pour bénéficier encore pendant longtemps du souffle de vie. En face de son lit, un homme se bat aussi contre la mort. Il confie avoir cédé trois parcelles avant de démarrer les soins. Sans quoi, il serait déjà mort. Face à la dialyse, ceux qui ne possèdent pas de biens ou encore de grands moyens financiers trépassent, car la prise en charge est onéreuse et les patients ne bénéficient plus des mêmes chances aujourd’hui de la part de l’Etat en la matière. Autrefois, la dialyse était entièrement prise en charge par l’Etat pour tous les types de fonctionnaires. Mais depuis 2019, la donne a changé. Le portefeuille de la prise en charge concerne seulement les fonctionnaires de l’Etat. Les moins chanceux trépassent incognito. « Pour les fonctionnaires de l’Etat qui bénéficient de la prise en charge, elle couvre les séances d’hémodialyse, les médicaments d’hémodialyse, les examens paracliniques (biologiques, radiologiques …). La prise en charge de l’Etat ne couvre pas le transport des patients au Bénin », explique le néphrologue. Ce minimum n’est pas négligeable selon les patients qui font le chemin de la croix régulièrement dans le cadre des soins. Difficultés Tout comme les patients, les donneurs de soins connaissent également leur lot de difficultés. Au Cnhu, la non prise en charge diligente de certains besoins vitaux constitue un casse-tête. Bien que des suppresseurs soient installés pour pomper l’eau afin de remplir les réservoirs, les coupures d’eau potable de longue durée plombent les efforts. « La pression d’eau est insuffisante pour remplir nos réservoirs afin de réaliser aisément les séances de dialyse », se désole le directeur général de l’hôpital. Une situation qui perturbe le calendrier de traitement. « Parfois, nous sommes obligés de reporter des séances ou de les réduire », poursuit-il. Le bout du tunnel semble encore loin. Des solutions définitives peinent à être trouvées. Pour le moment, l’équipe médicale sollicite l’aide des sapeurs-pompiers moyennant le payement de leurs frais de déplacement. L’autre gros souci est la disponibilité des kits de dialyse. «Nous avons connu également des périodes de rupture de kits de dialyse. Ce sont des périodes de stress parce que sans kit, on ne peut pas dialyser. Ce problème s’est posé notamment avec l’avènement de la Covid-19 », se souvient-il. La dialyse, c’est aussi la disponibilité des appareils de dialyse (générateurs). « Chaque patient utilise un appareil pendant un temps. Notre capacité actuelle est de vingt-deux générateurs. On ne peut que prendre vingt-deux patients simultanément. Or, la demande augmente. Mais je puis vous rassurer que le gouvernement s’emploie à démultiplier les unités de dialyse », assure-t-il. L’Unité de dialyse du Cnhu évolue progressivement. Mais elle a besoin d’augmenter sa capacité de prise en charge. L’espace pouvant l’abriter n’est pas encore disponible. Toutefois, les responsables du centre rassurent des diligences entreprises dans ce sens. Par ailleurs, la pléthore de malades contraint le corps soignant à des gymnastiques. « Le centre est obligé de réduire ses séances à deux (sauf exception à trois) par patient par semaine, contrairement aux centres en Europe où les séances peuvent pratiquement doubler », souligne Dr Jacques Vigan. L’équipe médicale du Cnhu donnerait davantage le meilleur d’elle-même si certaines conditions sont réunies. En attendant l’extension du centre, l’ouverture de nouveaux centres dans le pays, l’informatisation des données du service, la formation et le recrutement de nouveaux néphrologues et des infirmiers spécialisés peuvent soulager aussi bien les soignants que les patients? L’Unité de dialyse du Cnhu Créée en 1998, l’Unité de dialyse du Centre national hospitalier universitaire Hubert Koutougou Maga (Cnhu-Hkm) est la plus grande du Bénin. Elle reçoit pratiquement les malades de tout le sud du pays y compris une partie des Collines et compte actuellement plus de deux cent cinquante malades à dialyser. Cette unité est compartimentée en des salles de trois, de quatre, voire de sept lits. Toutefois, les donneurs de soins rêvent plus grand. Leur souhait est de disposer de grandes salles afin de mieux suivre les patients. « Cela permet d’optimiser la surveillance », assure Dr Jacques Vigan.