Dr Pierre Jean Monteyrol, médecin du sommeil : « La libido est bien meilleure avec une nuit de qualité »
Santé
Par
Fulbert Adjimehossou, le 22 nov. 2021
à
17h08
Bien dormir apporte bien plus que le repos. Dr Pierre Jean Monteyrol, Oto-rhino-laryngologie et attaché au service du sommeil au Chu de Bordeaux (France), en dévoile les bienfaits et avertit sur les répercussions d’un défaut de sommeil.
La Nation : Le sommeil, en avons-nous vraiment besoin ?
Le sommeil, c’est tout le bien-être. Le problème est qu’on a beaucoup peu insisté sur le fait de bien dormir et d’être heureux. Cependant, la mémoire, le comportement psychiatrique ou psychologique, le caractère sont en rapport avec la qualité des nuits. Je dirai même que la libido est bien meilleure quand on a une nuit de bonne qualité.
En raison des pressions quotidiennes, beaucoup se privent de sommeil. Quelles en sont les répercussions ?
Le fait de mal dormir entraîne des répercussions sur le syndrome métabolique. C’est-à-dire sur le diabète, sur le système cardiovasculaire et tout le système de stress avec l’adrénaline, l’hypertension artérielle, les accidents vasculaires cérébraux. Ce que l’on perd, c’est le bien-être. Le fait d’être intelligent et équilibré, c’est de profiter de son cerveau complètement. Pour ce qui est de l’Afrique, il y a un détail qui compte. Pour bien dormir, on est obligé de baisser la température corporelle. Lorsque la nuit, la température ne baisse pas, on a du mal à dormir. On se retrouve en privation de sommeil puisqu’on dort mal. Ce qui conduit à des rattrapages dans la journée, de façon automatique, qu’on soit Africain ou pas. Même ceux qui sont nés en plein milieu du Sahara continueront à avoir peut-être un mauvais sommeil parce qu’il n’y aura pas eu cette baisse de la température corporelle.
Pour combien de temps faut-il nécessairement dormir par jour ?
La moyenne mondiale est 7h. Mais depuis qu’il y a l’électricité et qu’on dort un peu moins et surtout qu’on s’endort plus tard, on se retrouve quasiment à une heure et demie de sommeil en moins, depuis près de cinquante ans. On se retrouve tous en privation de sommeil. C’est pour ça que nous sommes dans l’obligation de trouver des systèmes de rattrapages, puisque le cerveau est demandeur. Vous naissez avec une quantité de sommeil à consommer chaque nuit. Quand vous êtes génétiquement déterminé pour être par exemple long dormeur, la vie actuelle qui est pleine d’agitation et la lumière qui est présente avec toutes nos tablettes et nos téléphones fait qu’on dorme un tout petit moins bien. Ce qui engendre des répercussions sur nos systèmes de stress.
Quels sont les enjeux de la médecine du sommeil dans ce cas ?
La connaissance physiologique du sommeil va probablement changer les choses. C’est pourquoi, avec les participants à la formation que je donne pour le compte de Bénin Santé 2021, je n’insiste pas beaucoup sur la maladie, mais sur la compréhension de la façon dont le sommeil est fabriqué, la façon dont on dort normalement, la physiologie. C’est sur cette base qu’on va pouvoir un peu mieux traiter les malades et donner des explications sur les phénomènes pathologiques y liés. C’est sûr que la pathologie se trouve dans tous les bouquins. Ce n’est pas ça qui est important, mais des notions de fonctionnement normal. Les répercussions sur la santé sont immédiates. A partir du moment où le médecin a la connaissance du sommeil, il pourra donner une hygiène du sommeil à ses patients et probablement faire des diagnostics un peu plus fins sur toutes les pathologies de privation du sommeil qui sont le syndrome d’apnées du sommeil, les insomnies, et toutes les pathologies qui suivent la mauvaise hygiène du sommeil.
Tout le monde peut-il avoir accès à la médecine du sommeil dans la logique de la couverture universelle ?
C’est une médecine particulière qui coûte cher et qui est souvent réservée à des gens qui ont une activité bureautique importante. Autant en Europe qu’en Afrique, ceux qui sont plus proches du monde agricole ont une relation un peu plus équilibrée vis-à-vis de leur rythme métabolique. Le jour, ils sont en activité et la nuit ils dorment. Or, les autres ont une activité de vie un peu plus stressante. Donc, ce sera plutôt réservé à des gens qui ont une activité citadine.