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Fièvre hémorragique à virus Lassa au Bénin: Des mesures hardies pour éviter l’épidémie

Santé
Par   Eric TCHOGBO, le 03 févr. 2016 à 06h42

Après Tanguiéta dans le département de la Donga en novembre 2014, c’est le tour des communes de Tchaourou dans les départements du Borgou-Alibori et de Ouèssè dans le Zou-Collines d’enregistrer depuis peu des décès dus à la fièvre hémorragique à virus Lassa. La recrudescence de cette épidémie qui a déjà fait 9 morts mérite qu’on s’y attarde pour non seulement connaître ses manifestations, mais surtout maîtriser les méthodes préventives. C’est dans ce cadre que le ministre de la Santé, Pascal Dossou Togbé a organisé, mardi 2 février à Cotonou, une conférence de presse.

Le Bénin a connu entre le 15 octobre 2014 et le 8 janvier 2015 un épisode épidémique de fièvre hémorragique à virus Lassa. Au cours de cette période, 16 cas avaient été enregistrés dont neuf décès. Sur ces neuf décès, la fièvre avait été confirmée dans deux cas. Depuis le début de cette année à ce jour, 20 cas suspects ont été enregistrés dont 9 décès. Parmi ces décès, il y a un seul cas confirmé positif à la fièvre de Lassa et 8 cas probables. Des 9 décès, 5 sont membres du personnel de la santé. Les communes les plus touchées sont Tchaourou, Bembèrèkè, Nikki et Parakou dans le Borgou et Ouèssè dans les Collines. Le Borgou à lui seul totalise 7 décès.
Pendant ce temps, au Nigeria, les autorités dénombrent 168 cas dont 84 décès dans 17 Etats du pays, y compris ceux du Niger et d’Oyo qui sont frontaliers au Bénin. Cette situation qui prévaut en cette période d’harmattan et de pré campagne où les tournées se multiplient dans ces localités, nécessite qu’on ait une connaissance des manifestations du mal et d’en maîtriser les méthodes préventives.

Virus de Lassa et ses manifestations

Selon les explications du ministre de la Santé, Pascal Dossou Togbé, la fièvre de Lassa est une fièvre hémorragique virale aiguë d’une durée d’une à quatre semaines qui sévit en Afrique occidentale. Le Bénin n’est pas à l’abri dudit virus qui se transmet à l’homme par contact avec des aliments ou des articles ménagers contaminés par l’urine ou les excréments de rongeurs. La transmission interhumaine et au laboratoire se produit également, en particulier dans les hôpitaux où les mesures de prévention et de lutte anti-infectieuse sont encore précaires.
La fièvre hémorragique à virus Lassa est endémique en Guinée, au Liberia, en Sierra Leone et dans des localités du Nigeria.
Elle est une zoonose. Ce qui signifie que l’homme est contaminé par contact avec des animaux infectés. Le réservoir animal, ou hôte du virus est un rongeur du genre Mastomys, communément appelé «rat à mamelles multiples». L’infection ne le rend pas malade, mais il excrète le virus dans ses urines et ses excréments.
L’évolution clinique de la maladie étant très variable, la détection de la maladie chez les personnes touchées est difficile. Cependant, quand la présence de la maladie est confirmée dans une communauté, l’isolement rapide des sujets touchés, de bonnes pratiques de protection contre l’infection et la recherche rigoureuse des contacts peuvent permettre d’endiguer la flambée.
La maladie débute graduellement avec des malaises, la fièvre, des céphalées, des maux de gorge, des nausées, des vomissements, myalgies et douleurs thoraciques et abdominales. La fièvre est persistante ou par poussées intermittentes. Une inflammation et une exsudation du pharynx et de la conjonctive sont fréquentes. Dans les cas graves, un œdème de la face, une pleurésie, une hémorragie buccale, nasale, vaginale ou digestive et une hypotension peuvent apparaître. À un stade tardif, on peut trouver un état de choc, des convulsions, des tremblements, une désorientation pouvant aller jusqu'au coma. La surdité survient chez 25% des malades qui survivent à la maladie. La moitié d'entre eux recouvrent en partie l'ouïe au bout d'un à trois mois. On peut observer des chutes de cheveux passagères et des troubles de la marche au cours de la convalescence.
Dans les cas mortels, le décès survient généralement dans les 14 jours qui suivent l’apparition des symptômes. La pathologie est particulièrement grave lorsqu’elle se déclare en fin de grossesse, le décès de la mère et du fœtus survenant dans plus de 80% des cas observés durant le troisième trimestre.

Transmission

Selon le ministre Pascal Dossou Togbé, l’homme est généralement contaminé par exposition à l’urine ou aux excréments de rats Mastomys infectés. Le virus peut aussi se transmettre d’homme à homme par contact direct avec le sang, l’urine, les excréments ou autres sécrétions organiques d’une personne contaminée. Aucune donnée épidémiologique n’atteste la transmission aérienne d’homme à homme. La transmission interhumaine s’observe au sein de la communauté et en milieu médical, où le virus peut être transmis par du matériel médical contaminé, par exemple des aiguilles réutilisées. La transmission par voie sexuelle a été signalée. La fièvre de Lassa touche toutes les tranches d’âge et les deux sexes. Les personnes les plus exposées sont les habitants de zones rurales où vivent des rats Mastomys, surtout dans les communautés surpeuplées manquant de moyens d’assainissement. Les agents de santé sont exposés, s’ils traitent des porteurs du virus sans appliquer de bonnes techniques de soins sous protection ou de mesures de lutte contre l’infection.

Diagnostic et traitements

En fonction des symptômes de la fièvre hémorragique à virus Lassa, les traitements sont très variables et peu spécifiques. Le diagnostic clinique est souvent difficile, surtout aux premiers stades de la maladie. Il est difficile de la distinguer d’autres fièvres hémorragiques virales, comme la maladie à virus Ebola, et beaucoup d’autres maladies provoquant de la fièvre, notamment le paludisme, la shigellose, la fièvre typhoïde et la fièvre jaune.
Le diagnostic de certitude exige des examens qui se font uniquement dans des laboratoires spécialisés. Le diagnostic précoce de la fièvre de Lassa est conseillé. Il permet, d'une part, de mettre en place les mesures de quarantaine pour éviter les infections nosocomiales, d'autre part, de lancer un traitement antiviral. Un médicament antiviral, la Ribavirine, est actif dans le traitement de cette fièvre par voie orale ou par voie intraveineuse. Administré à un stade précoce, dans les 6 jours suivant la survenue des premiers symptômes, il diminue statistiquement le taux de mortalité chez les patients infectés. Le traitement antiviral à la Ribavirine semble efficace, s'il est administré au début de l'évolution clinique. Actuellement, aucun vaccin ne protège contre cette fièvre.

Pour contrôler l’épidémie...
Le représentant résident de l’Oms au Bénin, Dr Pierre Mpele Kilebou a expliqué qu’en pratique, la prévention repose sur les mesures de quarantaine pour éviter les infections nosocomiales. La prévention de la fièvre hémorragique à virus Lassa passe par la promotion d'une bonne «hygiène communautaire» pour éviter que les rongeurs ne pénètrent dans les habitations. Parmi les mesures efficaces, il y a la conservation des céréales et plus généralement des denrées alimentaires dans des contenants résistant aux rongeurs, l'élimination des ordures loin des habitations, le maintien de la propreté à l'intérieur de celles-ci et la présence de chats.
Dans un communiqué conjoint rendu public le lundi 1er février dernier par l’OMS, l’Unicef et le ministère de la Santé, une série de mesures a été retenue. Ces différentes mesures ont été confirmées par le ministre de la Santé Pascal Dossou Togbé lors de la Conférence de presse mardi 2 février. Pour une risposte contre la fièvre de Lassa, une unité d’isolement a été installée à l’hôpital de zone St Martin de Papané; des stocks de médicaments Ribavirine ont également été prépositionnés à Cotonou et dans la commune de Tchaourou ; des Equipements de protection individuelle (EPI) pour le personnel de santé, thermomètres infrarouges, du matériel médical et de laboratoire et des produits de décontamination ont été mis à disposition ; le personnel de santé de l’Hôpital de zone St Martin de Papané et les agents de santé de la commune de Tchaourou ont été formés sur l’utilisation du matériel de protection et le protocole de traitement de la maladie, ainsi que sur la recherche de cas contacts.
Par ailleurs, une équipe de professionnels pluridisciplinaires se trouve déjà sur les lieux pour assurer le renfort technique; des séances de sensibilisation de la population et des autorités sont en train d’être organisées; une stratégie de recherche des personnes contacts a été élaborée pour assurer la participation des communautés dans l’identification de cas suspects.
En dehors de ces dispositions d’ordre pratique, d’autres sont préconisées. Ainsi, dès les premiers signes, il est impératif de se rendre immédiatement au centre de santé le plus proche. Le traitement est efficace si l’administration de médicaments est faite rapidement. Il faut se laver régulièrement les mains à l’eau et au savon ; bien protéger les restes et réserves de nourritures dans les maisons; éviter la manipulation et la consommation des rats; éviter tout contact avec une personne suspecte ou malade de la fièvre de Lassa; et éviter tout contact avec les selles, l’urine, la salive, les vomissures et les objets contaminés d’une personne suspecte, malade ou décédée de la fièvre de Lassa. Ne pas toucher le corps d’une personne suspectée d’être décédée de la fièvre de Lassa, y compris lors des rites funéraires. Pour apaiser les populations, Dr Pierre Mpele Kilebou les a invité à ne pas s’inquiéter mais à bien observer les règles retenues par les autorités nationales de commun accord avec les institutions internationales¦