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Santé mentale des Forces de défense et de sécurité: Comment soigner les blessures invisibles du combat

Santé
Tychique Nougbodé, expert en santé publique et kinésithérapeute Tychique Nougbodé, expert en santé publique et kinésithérapeute

Stress, anxiété, dépression, troubles du comportement… Le combat contre le terrorisme impacte profondément la santé mentale des Forces de défense et de sécurité (Fds). Face aux violences extrêmes et aux traumatismes y liés, un accompagnement psychologique des éléments s’avère indispensable. Quels sont les troubles les plus fréquents ? Comment les prévenir et y faire face ? Tychique Nougbodé, expert de Santé publique, répond à ces questions. 

Par   Lhys DEGLA, le 25 mars 2025 à 11h17 Durée 3 min.
#Santé mentale #Forces de défense et de sécurité

La Nation : Quels sont les impacts psychologiques du combat contre le terrorisme sur les éléments des Forces de défense et de sécurité ?

Tychique Nougbodé : C’est le développement de grands symptômes de troubles de la santé mentale, à type de stress, d’anxiété, de dépression et possiblement de déni. Mais quand on va plus loin, les sujets au front peuvent développer des signes d’aliénation, de troubles du comportement (c’est le plus récurrent) et de dépendance dans les cas chroniques.

Quels types de troubles psychologiques sont les plus fréquents chez ces agents ?

Les troubles psychologiques les plus fréquents chez ces agents sont d’abord les troubles du comportement, qui font remarquer l’existence soit d’un stress post-traumatique, d’une anxiété sournoise qu’il faut investiguer, ou d’un développement d’une dépression ou carrément du déni, qui est la négation, le refus ou le rejet d’une réalité évidente dans un contexte bien précis. Ensuite, ces troubles du comportement iront chez le sujet en faveur d’une dépendance, donc d’une addiction qui peut être alcoolique (le plus souvent), tabagique, alimentaire, sexuelle, etc. Par la suite, et face à l’impact de ces troubles sur le plan relationnel et social surtout, les phénomènes d’adaptation et d’accommodation vont prendre le dessus dans la recherche d’un équilibre social.

Quel rôle joue l’accompagnement psychologique dans la prévention des troubles mentaux liés aux situations de guerre ou de violence extrême ?

La prévention est capitale et inévitable. Déjà qu’aucun trouble, aucune pathologie ne fait du bien à l’organisme humain, il est capital de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter leur survenue. Le corps humain n’est que la partie visible de l’être, qui est plus esprit que physique. C’est dire qu’un corps peut être bien organisé, si son esprit ne tient pas, ce corps ne tiendra plus.

Dans notre cas précis, prévenir, c’est éviter tout brisement de l’esprit face aux réalités de la guerre, du terrorisme, de l’extrémisme violent. Prévenir, c’est renforcer le mental et l’esprit des combattants au front pour une meilleure performance.

Quels sont les dispositifs d’accompagnement psychologique actuellement en place pour ces forces ?

À cette question, je ne saurais répondre puisque je ne suis pas un corps habillé et, même si c’était le cas, je ne saurais publier la stratégie opérationnelle de l’armée : c’est un secret-défense. Mais il faut savoir que toutes les dispositions sont prises pour assurer cet accompagnement au personnel engagé au front. Mais pour nous qui sommes du côté de la population, nous qui ne sommes pas au front, il nous est moralement obligatoire de soutenir les forces armées. Ne serait-ce que par un mot, aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, nous pouvons partager des messages positifs de soutien à l’armée, des chansons dédiées pour louer la bravoure des hommes au front, etc. Nous pouvons créer des journées dédiées à faire l’éloge de l’armée, créer ou confectionner des tee-shirts pour honorer nos forces de l’ordre, etc.

Quels sont les signes qui doivent alerter sur une détresse psychologique nécessitant une prise en charge rapide ?

Les signes d’alerte sont les troubles du comportement en général, comme le burn-out, la paranoïa, le comportement schizoïde, schizotypique, antisocial, borderline, histrionique, narcissique, évitant et dépendant.

Après une mission, quelles sont les meilleures stratégies pour aider les agents à se réadapter à la vie normale ?

La réadaptation psychologique est à laisser aux spécialistes de la santé mentale. Généralement, on commence par les thérapies de désensibilisation par rapport aux événements du front, puis les thérapies d’adaptabilité à une vie post-guerre et, dans le meilleur des cas, c’est la reprise d’une vie normale qui s’ensuit. En tout, il est important de savoir que pour toute personne impliquée dans des combats au front, il faut nécessairement un accompagnement psychologique des spécialistes et un soutien moral des pairs.

Quels conseils donneriez-vous pour renforcer l’accompagnement psychologique des Fds engagées dans la lutte contre le terrorisme ?

Je voudrais d’abord dire un sincère merci aux Fds ou Fab de notre pays d’avoir accepté d’être de ce corps de métier et les félicite pour leur travail. Je n’ai pas de conseil, car ce qu’ils font est déjà au-delà de ce que le citoyen lambda est capable de faire. Ce sont des personnes qui ont conscience de frôler la mort dans toutes leurs missions. Je voudrais juste leur dire que le peuple les aime et les porte dans ses prières, partout où ils sont et à tout moment.

Qu’en est-il des proches des hommes armés morts au combat. Quel suivi serait idoine?

Le soutien à ces hommes tombés au front est avant tout un devoir. Dans la mesure de ses capacités, l’État doit accompagner les familles des disparus à travers des mécanismes de prise en charge sociale, un suivi des enfants et une réhabilitation de la mémoire des défunts. Quant à la population, elle a le devoir d’exprimer sa reconnaissance envers ces hommes qui ont fait le sacrifice ultime. Cela passe par un hommage sincère, mais aussi par un soutien matériel et financier aux familles endeuillées, sous forme de dons ou de legs.

Le peuple doit s’incliner devant leur mémoire et les garder en souvenir. La communauté a la responsabilité de retracer leur parcours et de le transmettre de génération en génération.