La Nation Bénin...
Mise en accusation du chef de coups mortels, Roi Bello Adamou, bouvier de nationalité nigériane âgé de 28 ans, était à la barre, lundi 13 février dernier. Mis en détention le 25 janvier 2015, il vient à peine de purger 2 ans sur les sept qui lui ont été infligés.
Sacrifier, sous de simples soupçons, son fidèle ami au profit de l’amour que l’on voue à sa femme ? La question mérite réflexion, en cette période au cours de laquelle l’heure est à la célébration de la Saint-Valentin.
En effet, Roi Bello Adamou et Moussa Garba, deux bouviers peulhs originaires du Nigeria, résidents à Winra, dans l’arrondissement de Kika, commune de Tchaourou, se sont liés d’amitié. Le 25 janvier 2015, ils se sont rendus comme à leur habitude au marché de la localité. C’était pour se bourrer, jusqu’à l’ivresse, de la boisson locale « Tchoucoutou » et de stupéfiants, notamment du Tramadol, avant de quitter les lieux aux environs de minuit. Le lendemain matin, le corps inanimé de Moussa Garba a été retrouvé au domicile de Roi Bello Adamou qui lui, était absent. Très tôt, les soupçons se sont rapidement portés sur ce dernier.
Peu de discernement devant l’amour
Interpellé puis inculpé pour coups mortels, Roi Bello Adamou a reconnu les faits à toutes les étapes de la procédure. A la barre, lundi 13 février dernier, il a expliqué que c’est après avoir surpris Moussa Garba en train de sortir de la chambre de sa femme, qu’il s’est bagarré avec lui. Ce dernier ayant refusé de partir, Roi Bello Adamou s’est dit avoir été contraint de lui donner un coup de bâton sur la tête. « Nous sommes des amis, mais ce n’est pas à deux que nous avons marié ma femme », a indiqué l’accusé. « Ton ami avait-il l’habitude de s’introduire dans la chambre de ton épouse ? », lui demande le président Jean-Pierre Yérima Bandé. « Non. C’est à mon retour du marché où nous étions allés ensemble nous distraire, que j’ai constaté qu’il m’avait devancé et était dans la chambre de ma femme. Je lui ai envoyé le coup sans savoir où, il allait le recevoir », a répondu Roi Bello Adamou.« Il m’a confié qu’il avait l’intention de coucher avec ma femme », a poursuivi Roi Bello Adamou, avant de se faire réprimander par son conseil, Me Victor Y. Adigbli. Ce dernier lui a demandé de ne pas mentir sur le compte de la victime qui est déjà décédée. « A quelle occasion te l’a-t-il dit ? », a voulu savoir l’avocat. « Le jour où je l’ai surpris. Il m’a dit qu’il est venu chez ma femme », insistera l’accusé.
Aujourd’hui, il ne sait même plus où se trouve sa femme. Depuis son arrestation, elle ne lui a même pas rendu visite une seule fois.
Penses-tu que ta femme peut aimer au point d’attenter à la vie de quelqu’un, pour l’amour qu’elle a pour toi ? Si c’était à refaire, prendras-tu encore le risque de tuer pour une femme ? A ces questions de son avocat, il avoue n’avoir tiré aucun bénéfice de son acte.
Le bulletin n°1 de Roi Bello Adamou ne porte mention d’aucune condamnation antérieure. Son entourage l’apprécie beaucoup, mais déplore l’acte qu’il a commis sous l’effet du Tramadol.
« Que vaut la vie ? », s’est interrogé d’entrée, l’avocat général, Lucien Mahulé Aballo, invité à prendre ses réquisitions. Citant André Malraux, il laissera entendre que « La vie ne vaut rien et rien ne vaut la vie ». Selon lui, la vie n’a pas de prix, elle est sacrée et on ne doit pas la supprimer. « Si c’est par son propre ami qu’il faut encore la perdre sur la base de simples soupçons, de façon violente avec un coup de gourdin, il y a quelque chose qui ne va pas », fera observer le représentant du ministère public.
Roi Bello Adamou a-t-il volontairement porté des coups et fait des blessures à son ami Moussa Garba ? Ce dernier est-il décédé des suites de ces coups et blessures ? Répondant par l’affirmative à ces deux questions, l’avocat général conclut à la réunion des éléments constitutifs du crime de coups mortels prévu et puni par l’article 309 alinéa 4 du Code pénal. Il a également relevé la volonté coupable et l’intention délictuelle de l’accusé. S’en tenant au rapport d’expertise médico-psychiatrique réalisé sur l’accusé, il le trouve accessible à la peine pénale. Ainsi, au bénéfice de ses observations, il requiert qu’il plaise à la cour de condamner Roi Bello Adamou à dix ans de travaux forcés et aux frais envers l’Etat.
Autant le conseil de l’accusé, Me Victor Y. Adigbli a admiré les réquisitions du ministère public, autant il dit l’avoir méconnu en ce qui concerne la sentence proposée. « On vous demande d’envoyer ce jeune homme derrière les barreaux, en plus des deux années qu’il vient déjà d’y passer, pour huit autres années supplémentaires », dira l’avocat, s’adressant aux membres de la cour.
Déjà jugé par la nature
Selon Victor Y. Adigbli, ce procès est l’expression la plus achevée de l’absurdité et de la bêtise. « Toutefois, il y a des éléments à charge et à décharge. C’est un Nigérian qui aurait facilement pu fuir vers son pays, mais il est resté et a été pris. Il a également reconnu les faits qui, par surcroît, se sont produits la nuit. S’il était un criminel professionnel, il aurait cherché à faire disparaître le corps de son ami et il n’y aurait pas eu de trace », a souligné Me Victor Y. Adigbli. Avant d’être condamné, estime son conseil, Roi Bello Adamou a déjà été jugé par la nature. « Il a commis l’acte parce qu’il croyait être cocufié. Entre l’amitié et l’amour, il n’a pas eu le réflexe de relativiser. Sous l’effet de l’alcool et du Tramadol, l’irréparable a été commis », déplorera-t-il. « Devant l’amour, il n’y a plus de place au discernement. La colère devient une courte folie, la passion », fait-il remarquer en invitant la cour à donner une chance à son client de se racheter.
La cour, à sa délibération, déclare Roi Bello Adamou coupable d’avoir porté des coups et faits des blessures à Moussa Garba avec cette circonstance que ces coups et blessures ont entraîné la mort sans intention de la donner. Il l’a condamné à la peine de sept ans de réclusion criminelle en le dispensant de l’interdiction de séjour. Placé en détention depuis le 25 janvier 2015, Roi Bello Adamou passera encore cinq ans en prison.
Jean-Pierre Yérima Bandé a présidé la cour. Ses assesseurs étaient Noël Houngbo et Francis E. Bodjrènou. Le fauteuil du ministère public a été occupé par Lucien Mahulé Aballo. Me Jacques Marie Agoï a tenu la mémoire de la cour. Les jurés étaient Emile N’Dah N’Yaba, Imorou Abdoulaye, Célestin Maféïrou Babahoum et Kouandi Toura.