La Nation Bénin...
Dans un contexte de réformes sanitaires profondes,
l’expert Tychique Nougbodé revient sur l’importance de la participation
communautaire comme moteur de transparence, d’efficacité et de résilience des
politiques de santé.
Qu'est-ce que la gouvernance participative en santé, et en quoi est-elle essentielle dans le contexte béninois ?
La gouvernance participative en santé, c’est tout simplement l’ensemble des stratégies mises en place par les pouvoirs publics pour faire participer toutes les couches de la population, même les plus vulnérables, à la prise de décisions liées à leur santé. Elle est essentielle, car elle permet à la population d’exprimer ses besoins réels, de guider les politiques sanitaires, et de faire en sorte que les actions menées aient un impact durable. C’est une boussole pour orienter les systèmes de santé vers plus de performance, d’inclusion et de résilience.
Quel est aujourd’hui le niveau d’implication des communautés dans les politiques de santé publique au Bénin ?
L’implication est réelle. Elle est désormais inscrite dans les politiques publiques sanitaires. Les communautés sont intégrées, en particulier dans la conception et la mise en œuvre des projets. En ce qui concerne l’évaluation, elle revient souvent aux experts, mais elle se base sur les résultats observés sur le terrain. Les populations ne sont plus considérées comme de simples bénéficiaires, mais comme des actrices à part entière du développement sanitaire.
Les structures communautaires comme les CoGeCS remplissent-elles efficacement leur rôle ?
Oui, elles le remplissent, même si des défis persistent. Le système de santé béninois est conçu de façon pyramidale, avec des retours d’information essentiels de la base vers le sommet. Sans ce retour, le système ne pourrait pas fonctionner. Cela dit, il faut souligner un paradoxe : souvent, les pouvoirs publics créent des dispositifs participatifs, mais ce sont certaines communautés elles-mêmes qui refusent de s’engager pleinement. Ce désintérêt est regrettable.
Le Plan national de développement sanitaire (Pnds) prend-il en compte cette gouvernance participative ?
Totalement. Le Pnds s’appuie sur plusieurs cadres de
référence comme le Plan national de développement (Pnd), le Plan de croissance
pour le développement durable (Pc2d), les Objectifs de développement durable
(Odd) ou encore le Programme d’action du gouvernement. Il est aussi alimenté
par les recommandations issues de l’évaluation du précédent Pnds. Sa vision
pour 2030 est claire: offrir un système de santé de qualité, accessible à tous,
avec une participation active de la population à tous les niveaux.
Comment renforcer la transparence et la reddition de comptes dans les structures de santé tout en impliquant la population ?
La transparence concerne surtout les structures qui gèrent la santé publique, qui sont redevables aux autorités. Mais à la base, il y a un véritable effort d’implication des communautés. Celles-ci sont intégrées dans la définition des priorités, dans le suivi et parfois même dans l’évaluation des projets. Il faut saluer les réformes en cours, qui améliorent visiblement la qualité des soins et la sécurité des patients, tant dans le public que dans le privé.
Quel rôle jouent les initiatives communautaires dans la prévention et la promotion de la santé ?
Les initiatives communautaires jouent un rôle crucial. La communauté est la première concernée par les maladies, donc elle doit être le premier rempart. Les initiatives communautaires sont les bras opérationnels des politiques sanitaires. Elles interviennent à tous les niveaux de prévention: primaire, secondaire, tertiaire et même quaternaire. Elles permettent aussi un contrôle citoyen sur l’action publique en santé.
Quelles leçons tirez-vous de la gestion communautaire des épidémies comme la Covid-19, le paludisme ou le choléra ?
La leçon principale, c’est que notre système de santé, malgré
ses limites, a montré qu’il était capable de faire face à des crises majeures.
Certains experts doutaient de la résilience des systèmes africains face à la
Covid-19. Or, grâce à l’implication de tous (des autorités aux populations
locales), le Bénin est aujourd’hui cité en exemple. Cela montre l’efficacité
d’un modèle participatif.
Le numérique peut-il renforcer la participation communautaire?
Absolument. Le numérique est un levier incontournable. Il facilite la collecte de données en temps réel, la gestion de l’information sanitaire, et l’analyse géo-spatiale des besoins. Cela permet une meilleure planification, un suivi plus rigoureux et une réaction plus rapide face aux urgences sanitaires. La digitalisation est aussi un atout pour la transparence et la responsabilisation des acteurs.
Comment pourrait-on renforcer la collaboration entre élus locaux, professionnels de la santé et communautés ?
Il faut multiplier les cadres de dialogue local, impliquer les élus dans la santé communautaire, et promouvoir la mobilisation participative. Les élus doivent être les porte-voix des besoins des populations. Il est aussi important d’encourager les alliances entre les services techniques et les associations de base pour une action concertée et durable.
Selon vous, quelles sont les priorités pour une gouvernance plus inclusive et participative dans les futures politiques de santé ?
Il y a trois choses. D’abord, maintenir les acquis et les inscrire dans la durée, indépendamment des changements politiques. Ensuite, garantir une représentation équitable de toutes les couches de la population, y compris les minorités et les groupes marginalisés. Enfin, créer un environnement favorable pour que les communautés puissent exprimer librement et efficacement leurs besoins les plus prioritaires.