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Gestion de l’hygiène menstruelle: Les élèves du Ceg Banikoara brisent la glace

Société
Les menstrues sont encore objet de tabou dans certains milieux Les menstrues sont encore objet de tabou dans certains milieux

Moment autrefois embarrassant pour les élèves filles du fait des moqueries et de la stigmatisation, la période des menstruations est désormais perçue comme un phénomène naturel par les élèves du Collège d’enseignement général de Banikoara. Ils forment ensemble une seule et même composante pour aider leurs camarades filles à gérer ce phénomène en toute sérénité. Toutes choses rendues possibles grâce à l’Unicef et ses partenaires, en l’occurrence les Pays-Bas, le gouvernement du Canada, dans le cadre du projet Faaba Cash+Care du gouvernement béninois mis en œuvre par l’Ong Educo. 

Par   Maryse ASSOGBADJO, le 11 févr. 2025 à 08h46 Durée 3 min.
#Hygiène menstruelle

Les premiers modules de la matinée venaient à peine de s’achever ce mardi-là. Le ralliement spontané des élèves à la séance d’information et de sensibilisation organisée par les pairs éducateurs du Collège d’enseignement général de Banikoara, traduit l’importance du sujet qui les mobilise : la gestion de l’hygiène menstruelle. Autrefois objet de tabou ou question de pudeur, la gestion de l’hygiène menstruelle est décortiquée sans complaisance par les élèves filles et garçons de ce lieu d’apprentissage. Le dispositif de sensibilisation installé au cœur de l’établissement a l’air d’un grand meeting électoral. Micros et haut-parleurs bien disposés, les élèves s’installent sur le site réservé pour la séance afin de ne rien rater de cet instant privilégié.

Zoubératou Alassane, tête de pont des pairs éducateurs, commence sa séance explicative par des notions basiques sur les différentes couches, ponctuée par des démonstrations sur le port des couches d’hygiène menstruelle jetables, traditionnelles et recyclables. « Il faut plier la couche traditionnelle en deux dans un premier temps, ensuite, la replier sous forme rectangulaire en rendant la partie qui absorbe le sang épaisse tout en essayant de bien serrer la couche pour qu’elle ne tombe pas », décrit-elle.

Autant de couches d’hygiène menstruelle, autant de méthodes. « S’agissant des couches recyclables, on envoie les parties à bouton derrière en les pinçant sur les dessous afin qu’elles ne tombent pas. Quant aux couches jetables, il faut maintenir la partie à colle sur les dessous en y reliant les deux côtés. On ne jette pas les couches d’hygiène menstruelle n’importe où et n’importe comment», poursuit Zoubératou, pair éducateur.  Ses camarades de classe et les autres élèves suivent religieusement sa présentation. Le but est non seulement de joindre la pratique à la théorie afin d’aider les jeunes élèves filles à assurer une gestion saine et digne de leur menstruation, mais aussi de sensibiliser les élèves dans leur ensemble.

Au bout de 20 minutes d’explications et de démonstrations, les notions exposées par Zoubératou ont été bien captées. Les élèves ont la langue déliée pour en faire un large écho. Amélia Yèhouénou en sait beaucoup sur les différents types de couches, la manière dont il faut porter chacune pour être à l’aise et leur temps d’utilisation.

 

L’engagement des élèves garçons

Mais la plus grande attraction au cours de cette séance, c’est l’attention dont ont fait preuve les garçons et leur sens élevé de la compréhension du sujet. Leur soutien aux filles dans les moments de menstruation est évident. « Si je vois ma sœur pendant ces moments, je dois d’abord la mettre à l’aise et partager avec elle les notions que j’ai apprises au cours de cette séance », assure Adamwakila Touré, élève en classe de 6e.

Prévert Adébayo Adéléké est un pair éducateur admiré. « J’ai choisi d’être pair éducateur parce que je voudrais recevoir la bonne information afin de la transmettre à mes frères et sœurs », confie-t-il. En classe de 2nde D, Prévert a une idée claire de ce qu’on attend de lui. « Les garçons doivent soutenir les filles lorsqu’elles sont en menstrues, parce qu’il s’agit avant tout d’un phénomène naturel qui arrive à toute fille normale. Plutôt que de s’en moquer, les garçons doivent soutenir et encourager les filles pendant ces moments. Une fille qui trouve régulièrement ses menstrues est en bonne santé et ses appareils génitaux fonctionnent bien », précise-t-il.

Carmel Ahouannougan est facilitatrice communautaire principale pour l’Ong Educo à Banikoara. Dans la commune, cette organisation œuvre pour l’éducation des filles, leur maintien à l’école, la promotion de la femme et du genre et la cohésion sociale. Elle justifie le choix porté sur le Ceg Banikoara. « Les pairs éducateurs sont des enfants modèles dans leur communauté, qui produisent de bons résultats scolaires, ont un bon mode de vie et sont désireux d’aider leurs communautés. L’administration de l’établissement nous a aidés à les identifier et nous leur avons donné des formations. A leur tour, ils relaient périodiquement ces informations auprès de leurs camarades », souligne-t-elle avant d’ajouter : « Les pairs éducateurs de cet établissement ont été formés à la gestion de l’hygiène menstruelle (Ghm) parce que ça fait partie des sources de décrochage scolaire des filles. La Ghm fait partie des sujets tabous dans la commune parce que les filles ne reçoivent pas les bonnes informations là-dessus. Les parents aussi n’en ont pas suffisamment reçu pour en partager avec leurs enfants ». 

La stigmatisation bannie au Ceg Banikoara

Ce constat relève désormais d’une autre époque. La commune de Banikoara a eu la chance d’avoir un laboratoire de Ghm (Gestion d’hygiène menstruelle) afin que l’information sur le sujet puisse passer et que la maîtrise de l’utilisation des couches dans les rangs des élèves soit assurée. Mission accomplie pour l’Unicef et ses partenaires, notamment les Pays-Bas, le gouvernement canadien, et l’Ong Educo puisque au Ceg Banikoara, les commentaires désobligeants sur les menstrues, qui sapent le moral des filles et affectent leur vie sont bannis. Les élèves sont acquis à la cause et sont au-devant de la scène en faisant la lumière sur un sujet autrefois tabou, objet de moqueries et de stigmatisations. 

« Au Ceg Banikoara, la majorité des élèves savent ce qu’on appelle Ghm et les différents types de couches. Ils savent que cela ne doit plus justifier le décrochage scolaire. L’administration nous a confié que les élèves ont plus d’aisance à se confier à elle », explique Carmel Ahouannougan.

Autant dire que la question de la Ghm transcende les réalités scolaires et investit le cercle familial. « Les informations que nous partageons avec les élèves allègent la tâche aux parents. Certaines mères nous ont soufflé leur difficulté à aborder cette problématique avec leurs enfants, parce qu’elles-mêmes n’avaient pas eu l’opportunité d’en apprendre là-dessus à leur jeune âge », révèle la facilitatrice communautaire principale pour l’Ong Educo.

Encore source de honte dans certains milieux, la menstruation chez les filles et les femmes fait pourtant partie intégrante de leur vie. Ne pas l’admettre, c’est encourager les vices. Brice Codjo Cakpo, chargé de protection de l’enfant au Bureau de l’Unicef Parakou est formel sur la question : « Ne pas donner de petits moyens aux filles pour l’achat des couches, c’est dresser le lit des mariages d’enfants. La jeune fille est plus vulnérable lorsqu’elle n’est pas en mesure de s’acheter les couches modernes. C’est une raison suffisante pour que le jeune homme commence par la détourner parce que c’est lui qui lui donne cet argent ».

C’est pour cette raison que l’Unicef et ses partenaires, les Pays-Bas, le gouvernement du Canada, à travers le programme du gouvernement béninois Faaba Cash+care, exécuté par l’Ong Educo, préfèrent anticiper. Leur formule, mettre à la disposition des filles, les couches réutilisables qui correspondent à leurs besoins réels. Les patrons d’ateliers de couture sont mis à contribution pour les aider à tenir le pari.  Ces couches traditionnelles réutilisables allient durabilité, confort, réduction de coût, efficacité. Elles sont à portée de main, saines et respectueuses de l’environnement. Les membres de l’administration scolaire, la mairie de Banikoara, le Guichet unique de protection sociale, sont quelques structures avec lesquelles Educo interagit tout en combinant formation et suivi afin d’atteindre ses objectifs. « Après la formation, nous élaborons avec eux un planning de travail afin d’orienter les pairs éducateurs. A la fin du trimestre, nous faisons avec eux le point des activités qu’ils ont pu réaliser », développe Carmel Ahaounannougan.

Paix du cœur

Avec Cash+Care, l’administration du Ceg Banikoara peut se frotter les mains.  Les témoignages de Abdou Ganiou Massihoudou, directeur du Ceg Banikoara, le confirment. « Dans un passé récent, on comptait les grossesses d’élèves à tour de bras. Depuis que le projet Faaba Cash+Care a été mis sur pied, nous pouvons nous réjouir. Il y a juste 72 heures, (soit le 19 décembre 2024), j’ai déclaré zéro grossesse pour le premier trimestre », se réjouit-il.

Plus qu’une préoccupation, la question de l’hygiène menstruelle est devenue un défi des temps modernes au point où la communauté mondiale y a consacré une Journée internationale, célébrée le 28 mai. Elle vise à briser les tabous et à sensibiliser à l’importance d’une bonne hygiène menstruelle chez les femmes, en particulier les adolescentes. Au Bénin, le gouvernement soutient l’engagement communautaire dans ce sens à travers le programme Faaba Cash+care, soutenu par l’Unicef et ses partenaires.

En plus des financements pour la distribution des kits d’hygiène menstruelle, certains milieux appellent de tous leurs vœux, la construction d’infrastructures sanitaires adéquates dans les établissements, ce qui permettra aux filles d’être suffisamment à leur aise pendant ces périodes d’’’inconfort’’.

NB: Avec l’appui de l’Unicef, dans le cadre de la mission « Presse en urgence »