La Nation Bénin...
Titulaire
d'un Doctorat en médecine de la Faculté de médecine et de pharmacie de
Casablanca, avant de faire un Master en santé publique à la Faculté de médecine
Claude Bernard à Lyon, Stanislas Ogoudjobi est un ancien athlète de haut niveau
en taekwondo, ceinture noire 6e Dan. Dans cette interview, le président
fondateur de l'association « Académie Ogoudjobi Olympique Taekwondo » en France
partage ses souvenirs des Jeux olympiques Sydney 2000.
La
Nation : Et si on devrait résumer votre parcours sportif…
Stanislas Ogoudjobi : J'ai débuté le taekwondo à l'âge de trois ans avec mon père, le Grand Maître Pierre Ogoudjobi en 1980. Au départ, j'étais plus attiré par le football mais il faut dire que papa ne nous a pas laissé le choix. Donc, j'ai progressivement appris à apprécier cet art martial qu'est le taekwondo qui était très populaire à cette période grâce au travail de mon père qui était le président fondateur de la Fédération béninoise de taekwondo (Fbtae). Il a été accompagné par de valeureuses personnes comme le Colonel Ahoueya qui a été longtemps président de la Fbtae. Il y avait aussi de super athlètes qui ont permis de promouvoir cette discipline. Je peux citer, entre autres, le Maître Amoussou Guenou Roland, les frères Ayité, le Grand Maître Abdel Baba Mousse, alias « Toi de ko», Aka Joseph.... Il y a aussi les regrettés Issa Rhamane, Tamassè Zodo Ignace, Gaizo Barnabé, le regretté doyen Adoukonou Glagladji Jean Pierre, le journaliste Hervé Kouassi. C'est donc dans cette ambiance que j'ai commencé à faire mes premières compétitions. J’ai été plusieurs fois champion du Bénin. Après le Bac D en 1996 avec la mention bien, j'ai obtenu une bourse d'études en médecine au Maroc, à Casablanca plus précisément.
C’est
véritablement dans ce contexte marocain que j'ai fait un bond significatif dans
la pratique du taekwondo que j'ai continué dans le meilleur club de Casablanca,
club du grand maître Mohamed Tahraoui. J'ai été champion du Maroc en 1998,
premier non Marocain à gagner le championnat. J'ai gagné la Coupe du roi dans
la même année. Revenu en équipe nationale, la même année, j'ai été champion
d'Afrique de l'Ouest. Le taekwondo étant devenu une discipline olympique pour
les Jo de Sydney 2000, j'ai gagné mon ticket qualificatif pour les Jo lors du championnat d'Afrique à Johannesburg
en 1999. En ce moment, seul le champion
était qualifié pour les Jeux. J'ai eu l'occasion de participer à nouveau aux Jo
de Pékin en 2008 en tant que coach de Moloise Ogoudjobi qui a aussi réussi à se
qualifier à Tripoli en 2007. J'ai arrêté ma carrière en équipe nationale sur
une médaille d'argent obtenue aux Jeux africains en 2003 à Abuja au Nigeria. Je
suis le président Fondateur de l'Association «Académie Ogoudjobi Olympique
Taekwondo » en France. Cette association regroupe trois clubs à Lyon,
Villeurbanne et Bourg-en-Bresse, en région Rhône-Alpes. Sur le plan
professionnel, j'occupe depuis 15 ans, le poste de médecin chargé d'études de
recherche épidémiologique dans les hôpitaux de Lyon.
Vous
avez représenté le Bénin aux Jo en 2000. Des moments inoubliables certainement…
Dans ma carrière d'athlète de haut niveau, je retiens deux moments forts. Le titre de champion du Maroc en 1998 et la qualification aux Jo de Sydney obtenue à Johannesburg en 1999. La participation aux Jo de Sydney en 2000 m'a laissé plutôt un goût amer parce que j'ai eu une préparation escamotée par le manque de moyens même si j'ai bénéficié, pendant quelques mois, de la Bourse de solidarité olympique grâce au travail du président Marius Francisco (paix à son âme) et surtout de Julien Minavoa, actuel président du Cnosb.
Mais,
ce sont surtout les problèmes administratifs qui m'ont flingué le moral. Je
devais participer à des stages de préparation en France et en Espagne mais
malgré tous les efforts de l'Ambassade du Bénin au Maroc, mes demandes de visa
ont été systématiquement refusées pour des motifs farfelus. Du coup, je suis
arrivé aux Jo, pas en grande forme et pas en confiance, vu cette préparation
manquée. En sport de haut niveau, la confiance est primordiale.
Deuxième
problème, puisque j'étais le seul qualifié dans ma catégorie, je n'avais pas de
sparring partner pour m'entraîner. Je m'entraînais donc seul avec mon père
pendant presque un mois car le taekwondo était programmé vers la fin des Jeux.
C'est donc très logiquement que j'ai été balayé par le champion du monde
allemand au 1er tour. A ce niveau, il n'y a pas de place pour le hasard. Il
s'agit des meilleurs athlètes du monde qui se regroupent dans chaque
discipline. A part quelques invités (Wild Card), c'est la crème des crèmes en
termes de niveau.
Au-delà de ces moments tristes, quels bons souvenirs avez-vous gardés des Jo ?
La cérémonie d'ouverture des Jeux. C'était grandiose, et puis le défilé sous la bannière de son pays aux Jeux olympiques, c'est un immense honneur de faire partie du gratin mondial de sa discipline. C'est aussi une satisfaction personnelle. Il y a également les rencontres, et pour ma part, la rencontre qui m'a illuminé lors de cette cérémonie est la discussion que j'ai eue avec l'immense champion de tennis, le Brésilien Gustavo Kuerten. On a échangé longuement. Il s'est intéressé au Bénin qu'il ne connaissait pas avant ces Jeux, et surtout, il devait jouer contre le tennisman béninois Padonou.
C'est
aussi la vie au village olympique où se mélangent les plus grandes stars et les
athlètes plus anonymes. C’est cela les Jeux et il faut savoir en profiter tout
en restant focus sur la compétition.
Que faire pour permettre au Bénin de décrocher sa première médaille olympique ?
Je me suis posé cette question mille fois. J’ai beaucoup réfléchi à comment mettre mon expérience accumulée pendant toutes ces années au service de mon pays. J'en ai sorti un projet, un véritable programme pour amener le sport béninois à faire un saut qualitatif et rivaliser avec les grandes nations africaines. Je postule donc ouvertement à diriger le sport béninois un jour. C'est désormais mon objectif. Et ainsi, je pourrai mettre en œuvre mes idées. Je ne dis pas que les autres ne savent pas faire mais chacun a sa spécificité et ses idées novatrices. Ce serait trop long pour en parler aujourd'hui. J'espère que vous m'inviterez spécialement pour en parler.