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Victor Zèvounou, ancien capitaine des Dragons de l’Ouémé: «Je jouais pour me faire plaisir… »

Sports
Par   Sabin LOUMEDJINON, le 01 févr. 2016 à 05h36

Victor Zèvounou. Un nom qui a résonné et qui résonnera longtemps encore dans la tête des aficionados du football béninois d’un certain âge. Footballeur doté d’une technicité hors-pair, adulé et respecté par les Porto-Noviens, l’ancien défenseur central du club phare de la capitale : les Dragons de l’Ouémé, et capitaine des Ecureuils aura tout donné au football béninois. Aujourd’hui sexagénaire et très attaché à son Porto-Novo natal où il passe sa retraite, il rappelle ici ses bons vieux souvenirs sans occulter la situation actuelle que traverse le football national.

La Nation : Comment êtes-vous allé au football ?

Victor Zèvounou : Je suis allé au football grâce à un de mes devanciers qu’on appelle Alphonse Hondjo. J’avoue qu’au départ, je ne voulais pas évoluer dans le football de haut niveau. Mon rêve était de rester au niveau du quartier. Mais il m’a amené dans le club appelé Islam de Porto-Novo qu’il dirigeait à l’époque. Puis, chemin faisant, je suis allé à l’Etoile sportive de la même ville, ensuite les Dragons de l’Ouémé et enfin l’équipe nationale dont j’ai été le capitaine à un moment donné.

Vous avez porté le brassard au niveau de ce club phare de Porto-Novo ?

Si. J’ai été capitaine des Dragons de 1979 jusqu’à la fin vers 1989. Pour l’équipe nationale, c’est de 1979 à 1980. J’ai été absent pendant un temps avant de reprendre en 1986. Ce n’est qu’après cela que j’ai raccroché.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant cette carrière ?

Je préfère dire une longue carrière. J’ai passé au moins 20 ans dans le football de compétition. J’avoue que c’était par plaisir que j’allais jouer. Des expatriés sont allés vers moi en 1979. Des Français sont arrivés me demander de jouer pour l’équipe de Mulhouse dans le temps. Offre que j’ai déclinée. Par la suite, j’en ai eu d’autres. Mais s’expatrier n’était pas un projet prioritaire pour moi. Je voulais rester chez moi dans mon pays. Et puis je ne savais même pas que je savais jouer.

Comment ça ?

(Il écarquille les yeux) C’est vrai en plus ! Nous on jouait à l’époque pour se faire plaisir. Je l’ai dit tantôt. Mais si en se faisant plaisir les autres arrivent à tirer leur plaisir, c’est tant mieux. C’est pour cela qu’on ne mettait pas l’argent devant. Ceux qui jouissaient de cela se connaissent mais moi non.
Je dis aujourd’hui que le football m’a beaucoup fait. Grâce au football, je suis connu. Partout où je passe, même sans connaitre les gens, spontanément on vous appelle par votre nom. Ceci m’ouvre beaucoup de portes. C’est grâce au football que j’ai ces avantages.
Mon regret est qu’en notre temps, il y avait tellement de valeur, mais nous n’avions pas pris conscience de notre valeur, sinon nous aurions gagné une coupe d’Afrique sans tapage et sans le concours des étrangers. Excusez-moi, nous étions allés en Belgique où les dirigeants ont recruté pour nous un entraineur de Première ligue, mais ce dernier a dit qu’il n’avait plus rien à nous apprendre si ce n’est pas au niveau tactique, que tout le reste on savait déjà le faire. Il a précisé que si on pouvait poursuivre le stage pour trois mois, qu’on allait faire mal aux autres clubs au pays et dans la sous-région. Dommage nous n’avions pas pris conscience nous-mêmes qu’on pouvait mieux faire. On jouait sans calcul, on se faisait plaisir comme j’aime à le répéter. Je reviens toujours sur le mot plaisir. Taper dans un ballon m’amène aux anges. Et à mon âge je ne rate aujourd’hui aucune occasion pour m’offrir ce plaisir.

Au vu de la situation actuelle du football dans le pays quelle thérapie proposez-vous ?

Il n’y a pas de pays au monde où vous irez au niveau du football sans trouver les anciens. Je veux dire ceux qui ont fait la gloire de cette discipline. Il n’y a qu’au Bénin qu’on ne les trouve pas. Si les gens veulent effectivement que cela décolle, il faut d’abord retourner le football dans les rues, dans les écoles, partout… Le hic aujourd’hui est que tous les espaces verts sont occupés par des bâtiments. A cette allure comment faire pour que les enfants jouent au football ? C’est là, la base. Nous n’avons pas connu des centres de formation. Nous sommes nés avec. Il y a plein d’enfants qui sont nés avec le football, mais ils n’ont pas le cadre où ils peuvent vraiment se défouler.
Aussi est-il nécessaire de reprendre avec les championnats scolaires et autres de quartiers. Et ce n’est qu’au niveau de l’élite que l’Etat prendra en charge. A ce niveau où les enfants ne sont pas encore exigeants où on parle de millions de francs… non! C’est un passage obligatoire, et il faudrait qu’aujourd’hui qu’on reprenne les championnats des poussins, des benjamins, des cadets, il faut chercher à évoluer graduellement. Mais au Bénin, nous sommes souvent trop pressés. Ce qui n’est pas de nature à induire le développement. Nous devons amener la balle à terre.

En quoi faisant ?

Prendre beaucoup des jeunes joueurs, les former pour avoir l’élite. En procédant ainsi, d’ici 5 ans on va commencer à parler du Bénin. C’est là que réside tout le secret. Mais j’insiste en rappelant que c’est à l’ancienne corde que l’on tisse la nouvelle. C’est ceux qui ont mouillé le maillot qui ont la sensation de ce qu’il faut faire à un moment donné. Moi par exemple, on ne peut pas me prendre et me demander d’aller opérer un patient. Mais dans le domaine du football, on a besoin de ces valeurs, de ceux qui ont connu ces sensations-là. Dommage. !
Pour le moment nous sommes-là dans l’espoir que demain, les gens penseront à nous.