La Nation Bénin...
Des
débats houleux ont eu lieu à la énième audience dans l’Affaire Steeve Amoussou
présumé Frère Hounvi, le chroniqueur, ce lundi 10 mars, à la Cour de répression
des infractions économiques et du terrorisme (Criet).
Plusieurs
dossiers sont inscrits au rôle, ce lundi 10 mars, à la Criet dont celui attendu
de Steeve Amoussou, présumé Frère Hounvi, le chroniqueur, arrêté à Lomé et conduit
manu militari à Cotonou. Les échanges n’ont duré qu’une heure avant le renvoi
du procès au 7 avril prochain. A l’ouverture de l’audience, le président de
céans demande à la défense le verdict de la Cour constitutionnelle quant aux
exceptions qu’elle a soulevées devant la Haute juridiction et le commentaire
qu’elle en fait. Me Aboubacar Baparapé répond qu’aucune des requêtes n’a
prospéré et que les décisions de la Cour sont sans recours même si l’on n’est
pas d’accord. Alors, le juge annonce la phase des réquisitions du ministère
public et des plaidoiries de la défense. Cette posture de la Cour suscite de
vives contestations. Les avocats estiment que les débats n’ont pas eu lieu. Le
ministère public en pense tout le contraire. Les parties conviennent de la
formule: “poursuite des débats”. Steeve Amoussou, présumé frère Hounvi, est
ensuite appelé à répondre aux questions de la Cour : “Est-ce que vous
reconnaissez être l’auteur des chroniques? Lors de votre arrestation à Lomé,
des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux indiquant que vous êtes le Frère
Hounvi”. Le prévenu déclare n’avoir pas vu lesdites vidéos qui le
présenteraient comme le Frère Hounvi. “A l’instruction, j’ai aussi demandé à
voir les vidéos”, a-t-il lâché, attestant qu’il n’est pas le Frère Hounvi, qui
selon ses dires, est une identité virtuelle.
Des interrogations sans réponses
La
Cour va insister, demandant s’il ne serait pas l’auteur de la célèbre page
Facebook “Frère Hounvi”, qui est par ailleurs très critique de la gouvernance
en place. ‘’Connaissez-vous ladite page ?’’ “Je ne sais pas exactement qui est
l’auteur de la page. Elle fait connaitre les travaux sociopolitiques de
l’avatar. Je n’ai aucune activité sur les réseaux sociaux”, a-t-il répondu,
ajoutant cependant qu’il est intellectuellement en phase avec les déclarations
sur ladite page. Pourtant, relève le représentant du ministère public, “devant
le parquet, vous avez affirmé devant moi, devant vos avocats et même devant le
premier substitut et le deuxième substitut du procureur, que vous êtes Frère
Hounvi”. Steeve Amoussou indiquera : “Frère Hounvi est une identité virtuelle,
un avatar, un égrégore. Si j’avais eu cet honneur, j’aurais pu l’être”. Il ne
se serait pas bien fait comprendre lors de ses échanges devant le parquet.
‘’Sauf que depuis que vous êtes en prison, il n’y a plus eu de chronique du
Frère Hounvi’’, lui fait remarquer le représentant du ministère public,
l’invitant ensuite à éclairer la Cour sur les raisons qui motivent le fait
qu’il s’était refugié à Lomé jusqu’à son arrestation le lundi 12 août 2024.
“J’ai reçu des menaces de mort”, a-t-il répondu, expliquant que c’était pour
avoir incarné le personnage d’Agbokou dans ses nombreuses vidéos critiquant le
régime de Patrice Talon. “Pourquoi avez-vous quitté le personnage de Agbokou
pour celui du Frère Hounvi?”, a interrogé le procureur. L’un des avocats
rétorque, estimant ne pas comprendre pourquoi l’on tente par tous les moyens de
lui coller les chroniques du Frère Hounvi, alors que le prévenu a affirmé à
maintes reprises qu’il ne s’agissait pas de sa personne.
Cependant,
Steeve Amoussou répond que Agbokou est un personnage qu’il a incarné à visage
découvert et à voix éclairée : “le contraire de la violence n’est pas la
douceur mais la pensée”. Il poursuit sur les préoccupations du procureur liées
à la démocratie et à l’encadrement des libertés déclarant : “La démocratie et
la liberté vont de pair, et je me refère à notre devise : fraternité, justice
et travail. Il n’y a pas de liberté sans l’amour fraternel, de justice avec la
loi du plus fort, et de travail sans échange donc sans liberté”. A en croire
Steeve Amoussou, l’autorité de l’Etat repose sur les concepts de légalité et de
légitimité, et l’on ne devrait pouvoir défendre ses opinions publiques sans
qu’aucune épée de Damoclès plane sur votre tête. Il reconnait d’ailleurs avoir
déclaré lors de l’instruction que : “Si on condamne les propos du Frère Hounvi,
il faut condamner aussi l’hymne national”.
A
la barre ce lundi 10 mars, les avocats ont aussi soulevé la question du
plaignant. Leur client aurait voulu savoir l’identité de la personne qui le
poursuivait pour les faits mis à sa charge. A cette question, le procureur
lance dans la foulée : “C’est le parquet”. Par ailleurs, le procureur demande les
rapports entre le présumé Frère Hounvi et les nommés Olivier de Montaguère et
Ferréol Akuesson. Deux personnes présentées comme des collaborateurs du Frère
Hounvi. Steeve Amoussou affirme qu’il les connait mais qu’ils n’ont jamais
travaillé pour lui.