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Animation de la vie politique: Houngbédji, la perle manquante à la génération Amoussou

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Le président Adrien Houngbédji Le président Adrien Houngbédji

Rendez-vous manqué avec l’histoire ? Difficulté patente à quitter les choses? On n’est pas loin de le croire, au regard du énième revirement de position par lequel Adrien Houngbédji s’est recemment illustré sur l’échiquier politique national.  Ce faisant, il tranche avec son co-légionnaire qu’est Bruno Amoussou, par la forme et le style. 

Par   Arnaud DOUMANHOUN, le 14 févr. 2025 à 07h06 Durée 3 min.
#actualité politique

Tous ou presque se sont retirés de l’arène pour laisser émerger la nouvelle génération dont la soif n’était pas moins grande. Bruno Amoussou, Idji Kolawolé, Mathurin Nago et cie, et il y a peu, Adrien Houngbédji, qui a publiquement annoncé sa retraite, ont formulé le vœu de voir cette génération s’assumer.

Le dimanche 21 août 2022, l'improbable s'est produit. Me Adrien Houngbédji, l'une des rares perles de cette génération d'acteurs politiques des années 90, référence faite à l'historique Conférence des forces vives de la nation (février 1990), signait sa retraite politique, lors de la fusion de son Prd fétiche avec le parti Union progressiste, pour former l'Union progressiste le renouveau (Up-R). La légende urbaine laisse même croire que Bruno Amoussou a dû accepter de s’éclipser  de la tête de l’Up pour que cette fusion se réalise.

“Cette génération que vous représentez cher Jo et dont vous êtes aujourd'hui, le porte-flambeau, la vieille génération, la mienne, celle qui s'en va, celle qui se retire a le devoir de vous accompagner aussi longtemps qu'elle en aura la force”, avait déclaré Adrien Houngbédji, ce dimanche d'août 2022, jour par excellence du Seigneur, selon les écritures saintes. Adrien Houngbédji est allé plus loin à cette occasion, pour dénoncer les vices et tares du passé, appelant les nouveaux jeunes maîtres de l'arène à faire régner la confiance. « Ce n'était pas évident, parce que nous étions les héritiers d'une longue tradition de luttes, de conflits et de trahisons qui remonte à la période précoloniale, qui s'est poursuivie sous les colons qui nous ont divisés pour régner, et s'est perpétuée depuis l'indépendance… ».

Il ajoutera : « Nos compatriotes ne croient plus à la politique parce qu'elle est devenue un marché de dupes permanent. Rendre confiance à ceux qui l'ont perdue, c'est le plus beau des défis, le plus grand, le plus exigeant qu'un mouvement politique peut se lancer à lui-même ». Cette profession de foi de Me Adrien Houngbédji, il y a si peu, aurait servi à quoi, si ce mois de février 2025, l'homme affirme : « Quand on vous dit que le Prd a disparu, que le Prd a fusionné, dites que le Prd n'a pas disparu. Le Prd, nous le portons dans nos cœurs. Je ne suis même pas sûr que le Prd ait vraiment fusionné » ?

Quitter les choses

Au fond, et on peut l'attester à l'aune de ses déclarations, le patriarche ne s'est vraiment pas retiré. Pourtant, l'on y avait cru. Le voyant au terme de son speech, rejoindre ses pairs, sinon ses camarades de lutte, Bruno Amoussou, Mathurin Coffi Nago, Idji Kolawolé, avec lesquels il a eu en partage la gestion de la présidence de l'Assemblée nationale, nous écrivions : “Adrien Houngbédji, la fin d'une génération” (La Nation 8059 du 22 août 2022).

Cette image aussi bien inspirante que saisissante pour les avertis de l'histoire sociopolitique du Bénin, a peut-être nourri cette naïveté mais surtout, fait manquer ce discernement entre la quête permanente de l'éthique dans une société où les valeurs sont transgressées, et la nature intrinsèque de certaines personnes. Fort heureusement, des modèles continuent d'exister, même s'ils ne sont pas exempts de reproches. Mathurin Nago ou Bruno Amoussou ne sont pas plus retraitables que Adrien Houngbédji et surtout, le second surnommé à dessein par la classe politique, le renard de Djakotomey. Fondateur du Parti social-démocrate (Psd), ancien ministre, ancien président de l'Assemblée nationale, pour ne citer que ces expériences, Bruno Amoussou a tôt porté la conviction des grands ensembles. Il se retrouvera à la tête de l'Union fait la nation (Un) et de l'Union progressiste (Up) qui fusionnera pour devenir l'Union progressiste le renouveau (Up-R). C'est dire que ces autres camarades de Me Adrien Houngbédji ont su se retirer avec élégance de l'arène, sans manquer d'accompagner la jeune génération. Car, en réalité, il ne s'agit pas d'une ordonnance délivrée par un tribunal pour une cessation de toutes activités politiques. D'ailleurs, Adrien Houngbédji lui-même va le déclarer : “Celle (génération) qui se retire a le devoir de vous accompagner aussi longtemps qu'elle en aura la force”. Mais en portait-il la conviction ?

De toute façon, les jeunes autour du patriarche savent à quoi s'en tenir. La liberté ne s'octroie pas. Dans la plupart des cas, elle s'arrache, surtout quand la tutelle tend à s'éterniser aux commandes. « Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir », disait Frantz Fanon.