La Nation Bénin...
Poursuivi pour coups mortels, Oumorou Noufou a été entendu, jeudi 16 février dernier, par la cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou. Condamné à la peine de sept ans de réclusion criminelle, il a recouvré la liberté pour avoir été mis en détention depuis le 11 mars 2009.
Les conflits issus des relations humaines ont fait une autre victime, suite à une affaire qui aurait pu relever du droit commun. Présent à la barre, l’accusé aura, dans sa volonté de trop collaborer, donné du fil à retordre à la cour, au ministère public et à son conseil. C’est à croire qu’il n’était pas psychologiquement préparé pour l’audience, jeudi 16 février dernier.
Oumorou Noufou et Saley, tous deux des Nigériens, sont des ouvriers agricoles dans des fermes voisines à Goungoun, arrondissement de Guéné, commune de Malanville. Le jeudi 5 mars 2009, Oumorou Noufou a constaté que la serrure de la cabane de son patron a été détruite et les outils agricoles enlevés. Ses soupçons se sont portés sur Saley qui n’a pas nié et a promis de les restituer. Le 7 mars 2009, Saley est revenu et tentera de voler des poulets. N’ayant pas apprécié ce comportement, Oumorou Noufou lui fit des remontrances. Peu de temps après, il s’en est suivi une altercation au cours de laquelle Oumorou Noufou et Saley échangèrent des coups de poings. Saley est retourné dans sa ferme, mais non satisfait, Oumorou Noufou l’a suivi et lui a asséné plusieurs coups de bâton sur la tête. Il est décédé en cours de route avant d’arriver à l’hôpital pour être pris en charge.
Dans une position de résigné
Interpellé et inculpé de coups mortels, Oumorou Noufou a reconnu les faits à toutes les étapes de la procédure avec la précision qu’il a reçu aussi des coups de la victime. A la barre, l’accusé a indiqué qu’il n’y avait pas d’antécédent entre eux, en dehors des objets perdus et qu’il a retrouvés chez la victime, après l’avoir soupçonné. « J’ai informé mon patron et il l’a obligé à restituer les objets volés », a expliqué Oumorou Noufou. Selon lui, Saley qui est plus fort que lui et il a souvent eu peur de lui, n’a pas apprécié qu’il l’ait dénoncé et entrepris de venir le corriger dans la ferme où il travaille. S’estimant humilié, il s’arma alors d’un bâton pour aller le surprendre.
« Avec quelle intention t’es-tu porté dans la ferme de Saley ? Est-ce pour aller lui rendre le coup ? », lui demandera le président Richard T. Limoan. « Aujourd’hui, où est Saley ? », ajoute-t-il. « C’est Dieu qui a décidé ainsi », laisse entendre Oumorou Noufou. « Laisse Dieu et Satan, là où ils sont », lui proposera le président. Tout à coup, Oumorou Noufou adoptera devant la cour une attitude de « faites de moi ce que vous voulez », en répondant par l’affirmative à toutes les questions qui lui sont posées. Ce qui fait que le président Richard T. Limoan, l’avocat général, Léon Pape Yèhouénou, et même son conseil, Me Jean-Claude Gbogblénou, n’arrivaient plus à le suivre. Pour lui permettre de reprendre ses esprits et de remettre ses idées en place, son avocat demandera d’ailleurs à la cour de faire observer une suspension.
A la reprise, chacun dans son rôle a pu se faire son opinion des circonstances dans lesquelles le drame s’est produit.
Pour asseoir l’infraction de coups mortels dont Oumorou Noufou est accusé, l’avocat général Léon Pape Yèhouénou rappelle qu’il faut la réunion de trois éléments. S’agissant de l’élément légal, il informe que ce crime est prévu et puni par l’article 309 alinéa 4 du Code pénal. Par rapport à la matérialité des faits, il n’y a pas de doute. Au regard des faits examinés, Oumorou Noufou a, avec un bâton, porté des coups et fait des blessures qui ont donné la mort à Saley. Il se refuse d’admettre la légitime défense, surtout que la riposte n’aura été ni immédiate, ni proportionnée. « Oumorou Noufou était parti pour se venger, la victime n’ayant aucun moyen pour se défendre », soutient-il. Toutefois, il met au bénéfice de l’accusé, l’excuse de la provocation. Selon lui, étant gardien des lieux, il ne peut accepter que des objets y soient soustraits.
De l’excuse de provocation
Qu’en est-il de son intention d’en finir avec la victime ? En avait-il ? Si c’est le cas, on ne serait plus dans l’hypothèse de coups mortels, mais d’homicide volontaire. Où est-ce qu’il a porté le coup à sa victime ? Autant de questions qui l’amèneront à faire constater que la volonté de tuer est manifeste. L’accusé ayant, selon le rapport médico-psychiatrique, la maîtrise de ses esprits, l’avocat général a souhaité, au bénéfice de ses observations, une disqualification des faits de coups mortels en homicide volontaire. Il a, par ailleurs, invité la cour à accorder l’excuse de provocation à l’accusé et de lui trouver de larges circonstances atténuantes, eu égard à sa collaboration. L’avocat général a suggéré à la cour à le condamner au temps qu’il a déjà passé en prison.
Convaincu que les procès-verbaux établis lors des enquêtes préliminaires ne servent qu’à titre d’information, le conseil de l’accusé, Me Jean-Claude Gbogblénou, n’appréciera pas la disqualification des faits proposée. Ne voulant pas défoncer une porte déjà ouverte par l’avocat général, il a demandé à la cour de permettre à son client de rentrer chez lui.
Après sa délibération, la cour condamnera Oumorou Noufou à sept ans de réclusion criminelle. Placé en détention depuis le 11 mars 2009, le Nigérien de 37 ans, célibataire sans enfant, recouvre donc sa liberté.
La cour avait comme président Richard T. Limoan. Epiphane Yéyé et Rodrigue I. Sèdonougbo étaient les assesseurs. Dans le fauteuil du ministère public, il y avait Léon Pape Yèhouénou. Me François Nougbodohoué a été la mémoire de la cour. Célestin Maféïrou Babahoum, Anselme Sossou, Antoine Nata N’Tcha et Léopold Chabi Boukoh étaient les jurés¦