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Crise au Niger: La fermeté de la Cedeao, un choix avisé ?

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Peut-être a-t-elle manqué dans certains cas à son devoir, sauf qu’ici, elle est au rendez-vous de l’histoire. A travers la fermeté affichée dans le dossier du Niger, la Cedeao s'assume, et à raison, cette posture dérange et sonne une mise en garde.

Par   Arnaud DOUMANHOUN, le 14 août 2023 à 07h49 Durée 3 min.
#Cedeao
Un signal qui suscite des appréhensions, mais au-delà, à bien des égards, sonne comme une mise en garde à l’endroit des profanateurs de l’ordre constitutionnel, fussent-ils des civils ou des militaires. Plus rien ne sera comme avant, semble dire la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l'Ouest (Cedeao) qui affiche une tolérance zéro vis-à-vis des putschistes au pouvoir au Niger. Le coup d’Etat de trop dans cette région du Sahel, qui vient plomber les efforts consentis ces dernières années par le pays, pour redresser la pente en matière de gouvernance sociopolitique, en dépit du défi sécuritaire aggravé par la présence de djihadistes, a tout de même le mérite d’avoir réveillé la Cedeao de sa torpeur. 
Un peu comme l’intervention de la Russie en Ukraine a revigoré l’Otan, les putschistes au pouvoir au Niger, ont redonné du sens à l’existence de la Cedeao, organe supra étatique, à même de hausser le ton, et de décréter la fin de l’anarchie. Le développement ne saurait s’accommoder de remises en cause intempestives de l’ordre constitutionnel. La détermination de la Cedeao dans le dossier du Niger, vue sous ce prisme, y va non seulement de la stabilité du pays mais surtout de la sauvegarde du système démocratique dans la sous-région. La démocratie n’est sans doute pas un modèle parfait, mais reste de loin à nos jours, l’une des meilleures voies pour le développement socio-économique de nos Etats. Le coup d’Etat du 26 juillet au Niger est celui de trop. Le cautionner, c’est laisser l’anarchie s’installer, mieux étendre ses racines, au point de déstabiliser la sous-région entière. 

Communauté de destin

« Dieu ne nous a pas encore donné un autre moyen (système politique) d’entendre le peuple. C’est la raison pour laquelle la Cedeao s’est donné pour objectif de protéger le seul moyen par lequel les peuples s’expriment. Si les processus démocratiques ne sont pas encore parfaits, il faut travailler à les améliorer », a déclaré le président Patrice Talon, à Abuja, à l'issue du sommet extraordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat sur le dossier du Niger. Il ajoute : 
« En aucune manière, la Cedeao n’acceptera que les coups d’État deviennent le moyen essentiel, le moyen unique par lequel les gouvernants des pays doivent être désignés. Nous n’avons pas d’autres objectifs, car on sait que le développement passe par la démocratie, la voix du peuple. Si on laisse faire, le Niger sera désintégré ». C’est une évidence, la Cedeao joue sa crédibilité au Niger et il était temps que la communauté s’assume. Pourquoi pas avant, et maintenant ? Peu importe le timing, c’est une communauté de destin, qui prime sur les considérations de seconde zone. Il n’est jamais tard pour mieux faire, et si c’est le Niger qui sonne le réveil de l'institution sous régionale, il faudra espérer et soutenir que la rigueur soit de mise dans la gestion des dossiers de remise en cause de l’ordre constitutionnel par la Cedeao. C’est d’ailleurs cette épée de Damoclès qui justifie des réserves dans le rang de quelques dirigeants. 
L'intervention militaire de la Cedeao, si elle advenait, ne devrait pas être prise pour une guerre contre le peuple nigérien, mais juste une action ponctuelle, un passage obligé en vue de restaurer la démocratie et la souveraineté du pays. « Nous voulons une paix durable au Niger dans une Afrique sans coup d’État. La priorité du continent doit être la lutte contre le terrorisme, la sécurité et le développement avec de l’emploi pour les jeunes. (…) C’est pourquoi, au sein de la Cedeao, nous sommes fermes, ce (coup d’État) est inacceptable. Si les militaires nigériens veulent la paix, qu’ils rendent le pouvoir pour un retour à l’ordre constitutionnel », a déclaré le président sénégalais après l’annonce de la Cedeao de déployer sa force en attente. Une fois de plus, la balle est dans le camp des putschistes. Le principe démocratique est si cher à la Communauté, au point même où le 3e mandat y est proscrit, jugé de trop, afin de favoriser l’alternance. Normal que la communauté ne laisse pas faire, car la sous-région entrerait dans un cycle vicieux. Cette Cedeao agissante appelée de tous nos vœux se déploie dans le dossier du Niger, et c’est tout le mal qu’on peut souhaiter à l’institution. Il y va de la crédibilité de l’organisation, au-delà du baroud d'honneur du président Tinubu qui avait mis en garde contre les coups d’Etat ■