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Décès de l’ancien président Emile Derlin Zinsou: Comme un symbole

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Par   LANATION, le 02 août 2016 à 21h48

Il y a des faits qui sonnent comme un signe. Qui vous interpellent, vous parlent. La mort de l’ancien président Emile Derlin Zinsou a tout l’air d’en être…

On le savait suffisamment en proie au poids de l’âge. De sorte que l’annonce de sa disparition ne devrait pas vraiment surprendre. On ne savait par contre pas qu’il ferait de sa disparition un symbole. Qu’il y trouverait le moyen de nous parler une dernière fois.

En effet, le patriarche s’est éteint dans la nuit du 28 au 29 juillet dernier, soit 96 h à peine, avant la commémoration de l’accession du Bénin à l’indépendance. Quand on sait que son combat politique, surtout quand il a été au pouvoir de juillet 1968 à décembre 1969, fut d’assurer une réelle indépendance du pays, on se convainc que sa disparition, en ce moment, est chargé de symbole. Ne nous convie-t-il pas à travailler à la réelle indépendance du Bénin ? Faut-il le rappeler, ils sont nombreux, ses congénères, même quand ils assurent ne pas l’aimer particulièrement, à saluer son sens du devoir et du patriotisme. Et son souci d’autonomiser le Dahomey dans un contexte où toutes les ex colonies allaient tendre la main à l’ancien colon. Ne s’agaçait-il pas, lorsque rentré d’un voyage officiel en France, ses compatriotes étaient curieux de savoir s’il ramenait de pleines valises d’argent pour développer le pays ? Lui avait compris, depuis, qu’aucun pays ne développe un autre. Que chaque pays se développe. La solution ? Le travail et rien que le travail. Le président Emile Derlin Zinsou, que les militaires ont installé au pouvoir avec la promesse de le laisser faire cinq ans, aurait bien voulu disposer de ce temps pour poser des jalons du développement du Dahomey ou, à tout le moins, donner une autre trajectoire au pays. Mais le pays était encore, en ce moment-là, « l’enfant malade de l’Afrique ».

Promesse non tenue

Et la promesse ne fut pas tenue. Un peu plus d’un an à peine après son intronisation, il fut débarqué. Son « rigorisme » ne plaisait pas. Soucieux de bâtir le Dahomey par la contribution de ses propres fils, il avait fait du paiement de l’impôt par chaque citoyen, une obligation absolue. Tant et si bien que cela fut assimilé à la capitation. Mais Emile Derlin Zinsou n’en démordait pas de collecter l’impôt. Une sorte de «Comptons d’abord sur nos propres forces » avant l’heure du régime marxiste-léniniste. En fait, un sens des responsabilités évident. Qui se devine dans ses appréhensions quand, à l’heure de l’indépendance, il s’interrogeait sur la capacité des Dahoméens à assumer les responsabilités qui étaient désormais les leurs. « …Peut-être inquiet est trop dire, mais j’avais quand même un pincement qui me disait : ‘’allons-nous pouvoir ?’’ Je m’interrogeais. Je me suis battu pour, mais le moment où c’est arrivé, non pas que j’étais contre, mais je m’interrogeais sur notre capacité de bien l’assumer. Est-ce que nous serons dignes de ce que nous venons d’obtenir ? », expliquait-il plus tard. Dans son entendement donc, le Dahoméen devait se montrer à la hauteur. Et 56 ans après, peut-être ne serions-nous plus à ce stade insatisfaisant de l’évolution de notre pays.
Emile Derlin Zinsou, il faut le signaler, aura survécu à tous ses protagonistes béninois de la période des indépendances et des luttes pour la conquête du pouvoir. Animé d’un sens politique certain, il a notamment su s’écarter de feus Maga, Apithy et Ahomadégbé lors de la crise et des tractations ayant conduit à la mise en place du triumvirat en 1970. N’était-ce pas déjà pour reléguer ces trois-là au second plan et pour en finir avec leurs sempiternelles querelles politiques, que les militaires optèrent pour lui en juillet 1968 ? Homme controversé, il aura été de presque tous les combats et intrigues politiques jusqu’au coup d’Etat de 1972 et l’instauration, deux ans plus tard, du régime marxiste-léniniste dont il fut une des victimes, contraint à l’exil et condamné à mort comme d’autres. Mais homme de sens politique, quoiqu’écarté définitivement de la course à la conquête du pouvoir après la Conférence nationale et le critère de 70 ans maximum inséré dans la Constitution du 11 décembre 1990, il sut prendre de la hauteur, pardonner à son ancien bourreau Mathieu Kérékou, en devenant même son conseiller spécial. ?