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Election du bureau de l’Assemblée nationale: Jamais deux sans trois !

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Par   Paul AMOUSSOU, le 20 mai 2015 à 04h06

Ainsi flon, flon, flon…Avec le retour de Me Adrien Houngbédji sous les feux de l’actualité, il y a de quoi perdre son latin. Et pour qualifier le fait, on aura du mal à épuiser, en invoquant les fonds culturels d’ici et d’ailleurs, la réserve d’adages convenus en pareille circonstance : Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, les voies du destin sont insondables, les vicissitudes de l’existence sont faites de haut et de bas, etc.

Ainsi donc revoilà l’homme d’Adjina aux premiers rôles, lui donné pour fini, politiquement s’entend, mais qui tel un sphinx renait de ses cendres. Ou plutôt, à la manière du chat, il retombe sur ses pattes alors qu’on l’annonçait à jamais sur le dos les quatre fers en l’air ! Voire même quasiment sur la paille, ses finances ayant été éprouvées par des campagnes politiques dont les fleurs n’ont pu générer les fruits escomptés. Mais la politique est une dynamique constante. André Gide dit que «Les évènements sont appropriés aux caractères. Bien de ce qui nous arrive n’est fait pour autrui». La preuve par trois, Adrien Houngbédji reprend le perchoir, après un premier sacre en 1991 et un deuxième en 1999. Un peu pour conforter l’adage selon lequel, jamais deux sans trois.

Un beau parcours, manque la cerise sur le gâteau…

Figure emblématique du paysage politique béninois, Me Adrien Houngbédji, après quatre tentatives infructueuses d’accession à la magistrature suprême, se trouve aujourd’hui à l’apogée d’un destin politique plutôt bien assumé. «Je me suis mis en devoir de dégager de mes expériences successives, des matériaux qu’il me fallait patiemment agglomérer, rigoureusement ordonner en vue de dessiner l’architecture d’une pensée politique», clame-t-il dans son ouvrage ‘’Il n’y a de richesse que d’hommes’’ paru aux éditions L’Archipel à Paris en 2005. Cette structure d’esprit qui lui fait tenir en sainte horreur toutes les extrémités, y compris en 2011 suite à la présidentielle alors qu’il avait de bonnes raisons de céder à la tentation du chaos suite au K.-O électoral, l’a amené au cours de sa carrière politique qu’on connait par cœur à des compromis souvent mal gobés par ses compatriotes. Ce qui lui vaut, au sein de l’opinion nationale, l’image peu flatteuse de (maître) girouette de l’échiquier politique national. Un véritable procès en sorcellerie en réalité, au regard des faits et des conjonctures politiques, pour lequel seule l’Histoire pourra rendre justice à l’avocat, tant l’imaginaire populaire, consolidée par des manips politiques, reste convaincue qu’elle est dans le vrai, allant jusqu’à reprocher à Adrien Houngbédji d’avoir démissionné de son poste de Premier ministre galvaudé pourtant de ‘’kpayo’’, suite à des désaccords profonds avec le chef de l’Exécutif, notamment dans la méthode de conduire les affaires du gouvernement ! Les irréductibles de la Renaissance du Bénin (RB), sans vraiment connaître les dessous des cartes, lui gardent également la dent dure d’avoir plombé le destin présidentiel de Nicéphore Soglo du fait du choix opéré par son parti de rallier le général Mathieu Kérékou en 1996, refusant de relativiser leur jugement en intégrant la réalité des coups fréquents en politique y compris celui que la RB avait assené à Adrien Houngbédji en lui arrachant le perchoir au profit de Bruno Amoussou en 1995.
Malgré cette image, pour ainsi dire écornée, le charisme d’Adrien Houngbédji n’a pris aucune ride et s’est même bonifié à en juger par les résultats des dernières législatives au cours desquelles le Parti du Renouveau démocratique (PRD) a seul comme un grand glané 10 députés à côté de certaines alliances politiques qui n’ont pu réaliser pareille performance. «Le caractère d’un homme fait son destin», allègue Démocrite. Il faut dire qu’Adrien Houngbédji est l’homme des superlatifs.
Ancien élève de l’école nationale de magistrature de Bordeaux (France) d’où il est sorti major en 1966, il sera nommé procureur de la République à 25 ans, le plus jeune jamais connu, avant de démissionner pour convenances personnelles pour entrer au Barreau. Devenu donc avocat, sa vie ne tarde pas à prendre un détour inattendu. Alors qu’il doit défendre un opposant au régime militaire du PRPB, il est arrêté et emprisonné. Après avoir réussi à s’évader d’une manière rocambolesque, il prend le chemin de l’exil et se retrouve au Gabon où il passe quinze ans. Il ne reviendra dans son pays qu’à la faveur du vent du renouveau démocratique en 1990. Le Parti du Renouveau démocratique qu’il a créé avec d’autres dans la foulée, s’impose comme l’une des formations politiques les plus respectées et les plus populaires du Bénin. Pesant lourdement aux seconds tours dans le choix des présidents de la République qui ont été élus entre 1991 et 2001, le PRD d’Adrien Houngbédji régulièrement arrivé troisième a espéré prendre la tête du pays en 2006. Mais c’était compter sans un prétendant qui a bousculé l’ordre des choses et ravi la vedette à l’élite politique. Espérant en 2011 devenir Calife et rompre enfin avec son statut d’éternel Vizir en vertu d’une longue attente dans l’antichambre du pouvoir suprême, Adrien Houngbédji consacré candidat unique de l’Union fait la Nation voit pourtant, patatras !, son rêve voler en éclats et, frappé par l’âge ne peut plus postuler à la présidence de la République. Ainsi pétrifié dans ce statut ambivalent éprouvant pour l’engagement et l’ambition qui sont les siens au plan politique, personne n’imaginerait il y a peu encore Me Houngbédji au perchoir une troisième fois, lui qui, au lendemain de la présidentielle de 2011, peu ou prou déçu, avait pris ses distances vis-à-vis de ses amis de l’Union fait la Nation qui aujourd’hui l’adoubent. Comme quoi, tout est bien possible en politique.

Paul AMOUSSOU