La Nation Bénin...

Ils sont au total six candidats, sur un effectif de soixante-cinq pensionnaires, à être inscrits aux prochains examens nationaux pour le compte du centre Siloé de Djanglanmey, sis à Grand-Popo, commune du Mono. Constitués des myopes et malvoyants, la plupart des candidats participeront, pour la première fois, à l’examen du Certificat d’études primaires (Cep). Seule Armande Donou, non-voyante, s’apprête pour le Brevet d’études du premier cycle (Bepc), session de juillet 2018. La jeune fille d’à peine seize ans confie toute souriante être prête à affronter les épreuves qui l’attendent à l’examen. Tout comme ses camarades malvoyants du centre Siloé, elle paraît confiante. A la question de savoir quelles sont ses difficultés par rapport aux études, elle répond par le sourire, insouciante. « Je sais que je vais réussir », finit-elle par lâcher. La candidate et les autres pensionnaires du centre sont, au quotidien, suivis par cinq religieuses. Membres de la congrégation des servantes de la lumière du Christ, les religieuses sont aidés, dans leurs tâches, par quatre collaboratrices communément appelées « mamans ». Ensemble elles essaient de donner le sourire à leurs protégés dont l’instruction, elle, est confiée à une équipe de six enseignants de la maternelle et du primaire. Quelques dispositions spécifiques sont prises pour renforcer les pensionnaires en lice pour les examens de fin d’année. « Pour les candidats qui sont à la phase de révision, indique la sœur Sylvie Kakpo, directrice du centre, des anciennes épreuves d’examen leur sont collectées puis transcrites en braille ». « Ils s’exercent volontiers et tout se passe bien », appuie l’institutrice en braille du centre, la sœur Félicité Yêtina. De façon générale, les apprenants seraient très appliqués au centre Siloé. Une appréciation dont les écoliers ont tenté de donner la mesure, le mercredi 13 juin dernier, à travers une séance d’écriture et de lecture bien animée dans l’une de leurs six salles de classe. Mais toutes les disciplines ne sont pas tant à leur portée.
La bête noire
Les matières scientifiques, notamment les mathématiques, sont la bête noire des candidats, regrette la sœur Sylvie Kakpo. A ses dires, cela s’explique moins par la capacité des pensionnaires à assimiler que par la déficience de leur faculté visuelle. Cette déficience fausse les bases de compétition entre eux et leurs camarades de la même salle de classe qui jouissent, eux-autres, d’une meilleure santé visuelle. Le centre Siloé ne disposant pas encore du cycle secondaire de l’enseignement, ses collégiens s’inscrivent dans les établissements environnants en vue de poursuivre leurs études. Ce qui constitue, pour eux, une situation désavantageuse. « Etant dans la même classe que les élèves n’ayant pas de handicap visuel, les malvoyants n’arrivent pas à s’approprier aisément les démonstrations scientifiques et accusent de retard par rapport au rythme des cours », explique la sœur Sylvie Kakpo. Mais en dépit des difficultés, la religieuse assure que ses candidats ne feront pas piètre résultats aux examens. « Depuis 1992 que le centre présente des candidats, les taux de réussite vont de 50% à 100% », rappelle la directrice qui projette, avec son équipe d’encadrement, de rééditer cet exploit à l’issue des prochains examens du Cep et du Bepc.
Décourager les enseignants vénaux
Si les efforts des responsables et des pensionnaires du centre Siloé appellent à des actes de générosité en vue de les soutenir, d’autres pensent qu’il s’agit d’une opportunité pour augmenter leur revenu. C’est malheureusement le cas de certains enseignants des établissements où les collégiens handicapés visuels se doivent d’aller poursuivre les études, une fois le Cep en poche. Sont indexés par rapport à cette vilaine pratique, des enseignants des matières scientifiques. Ils tenteraient souvent de réclamer le paiement d’une somme par handicapé, en dehors de la contribution scolaire réglementaire. Le motif, les déficients visuels étant en retard par rapport à leurs camarades de la classe, il faut leur consacrer un peu plus de temps pour les amener à cerner les enseignements dispensés. Dès le début de cette année scolaire en cours, cette catégorie d’enseignants vénaux aurait tenté encore de remettre leur exigence. Mais c’était sans compter avec l’organisation des devanciers des pensionnaires, actifs sur le terrain, qui ont dû user de leur influence pour empêcher les caisses du centre de saigner une contribution supplémentaire. « Le centre Siloé aussi est dans le besoin et ne pouvait même pas effectuer ses paiements », s’est désolée la sœur Sylvie Kakpo. A l’en croire ce n’est déjà pas facile de ne pas laisser ses protégés à jeun toute une journée. Vivement donc le découragement de cette race d’enseignants vénaux en attendant l’avènement des conditions d’accueil meilleures pour les collégiens aveugles et déficients visuels dans les départements du Mono et du Couffo.