La Nation Bénin...
Au nombre des réformes engagées pour assainir le baccalauréat béninois, figure celle consistant à exiger l’obtention du Brevet d’études du premier cycle (BEPC) ou du Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) des candidats en lice. Mais cette mesure qui vise, selon le directeur de l’Office du baccalauréat, à réduire le taux d’échec à cet examen n’est pas du goût de tous les acteurs de l’éducation nationale.
A compter de cette année, aucun candidat libre ne saurait être admis sur la liste des candidats à l’examen du baccalauréat au Bénin, s’il n’est détenteur du Brevet d’études du premier cycle (BEPC) ou du Certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Il s’agit d’une mesure prise par les autorités chargées de l’organisation du premier diplôme universitaire au Bénin.
C’est en vertu de cette mesure qu’il est exigé, parmi les pièces constitutives du dossier de candidature au baccalauréat, l’attestation du BEPC ou du CAP. Selon Alphonse da Silva, directeur de l’Office du Baccalauréat, cette exigence ne concerne pour le moment que les candidats libres. Mais avec le temps, elle sera étendue à tous les candidats. Sur les motifs qui la sous-tendent, il soutient qu’elle vise à limiter le taux d’échec. Ainsi, chiffres à l’appui il rappelle que les résultats du BAC depuis quelque temps, sont en régression. A titre d’exemple, il se réfère à la session de 2014 qui a enregistré un taux d’admissibilité de 24%. Ce qui signifie que moins d’un candidat sur quatre a été déclaré admissible. Evaluant à plus de 12.000 le nombre de candidats ajournés, il souligne que les trois-quarts relèvent du lot des candidats libres. Parmi eux, figurent des candidats qui ont réuni 1,22 comme moyenne. «Ce sont des candidats qui n’ont pas le niveau», se désole-t-il avant d’ajouter que ce sont eux qui ont plombé le BAC 2014. Dès lors, avec la mesure consistant à empêcher les candidats libres n’ayant pas le BEPC ou le CAP, on pourrait parvenir à réduire le taux d’échec. Car, au nombre des candidats libres, on n’en compte qui n’ont jamais fait le collège et qui viennent tenter leur chance au BAC. Or, insiste-t-il, le candidat titulaire de l’un ou l’autre de ces deux diplômes est susceptible d’avoir les pré-requis pour affronter les épreuves du BAC.
Par ailleurs, poursuit Alphonse da Silva, la mesure n’est pas propre au Bénin. Elle vise plutôt à mettre le pays en harmonie avec les dispositions en vigueur au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) au sujet de cet examen. Au Togo, explique-t-il encore, il faut d’abord être admis au probatoire avant d’être candidat au BAC.
Tous ne sont pas pour…
Angelo Agossou, un autre candidat libre, n’apprécie pas cette mesure. Selon lui, cette décision manque de réflexion. Car poursuivit-il, un examen est une question de chance. «Nous avons aujourd’hui des candidats qui ont fait la classe de Troisième et qui ont le niveau mais malheureusement n’ont pu obtenir le Brevet d’études du premier cycle (BEPC) ou le CAP», fait observer Angelo Agossou. «Cette décision va recaler plusieurs candidats qui ont juste besoin du diplôme de BAC pour évoluer dans la vie active. Le niveau d’un candidat ne se juge pas par rapport à ces diplômes antérieurs mais plutôt par rapport aux épreuves proposées par l’Office du Baccalauréat. L’institution doit tenir compte du niveau du programme d’études pour proposer les épreuves d’examen», souligne ce candidat.
Abondant dans le même sens qu’Angelo Agossou, Chantal Zokpodo, une candidate libre, propose quant à elle, qu’on range cette décision. Pour elle, les candidats qui ont abandonné l’école et qui reviennent pour avoir le diplôme du BAC ne sont pas moins intelligents. «Ce sont des gens qui reviennent pour avoir le diplôme et trouver un job pour évoluer dans la vie active. Il y a des élèves qui sont encore sur les bancs et qui composent mais qui malheureusement sont ajournés. Je n’admets pas cette mesure, car des jeunes brillants sont là sans le brevet mais utilisent convenablement leur Baccalauréat pour faire des activités», soutient Chantal Zokpodo, candidate libre au baccalauréat 2015.
A quoi servirait la mesure?
Anselme Amoussou, secrétaire général adjoint de la Confédération des Syndicats autonomes du Bénin (CSA-Bénin) et enseignant du secondaire, n’approuve pas non plus cette mesure. Il rappelle que la direction de l’Office du baccalauréat prend depuis l’an dernier certaines mesures pour accroître la crédibilité du BAC béninois. Mais ces mesures ne lui paraissent pas comme «des solutions justes». Elles sont relatives comme l’exigence du BEPC ou du CAP ou de tout autre diplôme admis en équivalence lui semblent «superflues, pas assez réfléchies», voire «non pertinentes». Pour lui, un candidat libre est un déscolarisé et qui est déjà dans la vie active mais n’a pas eu la chance de finir ses études et cherche à se cultiver. Dans ce lot, on retrouve des gens qui ont fait la Troisième et même la Terminale sans avoir obtenu le BEPC. Mais aujourd’hui, poursuit-il, ils décident de passer le BAC. On ne saurait les empêcher de réaliser leur ambition, laisse entendre Anselme Amoussou, ajoutant que lorsqu’on grandit en âge, on atteint une certaine maturité permettant de décrocher le BAC sans avoir eu le BEPC. Alors, il se demande à quoi servirait la mesure imposant aux gens d’avoir forcément le BEPC avant le BAC, s’ils sont déjà dans la vie active et qu’ils ont seulement besoin de ce diplôme pour pouvoir poursuivre leurs études. Par rapport à la réduction du taux d’échec au BAC, il souligne que la mesure est «une mauvaise solution à un réel problème». A ce propos, il relève que les échecs massifs au BAC ne datent pas d’aujourd’hui. «On a rarement atteint 30%, 50%», soutient l’enseignant. Ainsi, la réduction des taux d’échec doit conduire les autorités à se demander comment les apprenants sont encadrés pour passer de classe en classe jusqu’à atteindre la Terminale. Par ailleurs, il ajoute que la mesure rejoint celle prise pour empêcher les enfants n’ayant pas atteint la Terminale de se présenter au BAC. «Où met-on le cas des surdoués ?», s’interroge Anselme Amoussou. La mesure vise tout simplement à empêcher des citoyens dans leur épanouissement, conclut-il. Celui-ci n’approuve pas le fait que l’on accuse les candidats libres de constituer le gros lot des ajournés. Sinon, nuance-t-il, cela revient à dire que la majorité des candidats est constituée des candidats libres.
Une mesure à soutenir
Brice Dahoui, directeur du Collège d’enseignement général Sainte Rita de Cotonou, dit n’être pas associé de façon officielle comme d’autres collègues à une telle mesure. Néanmoins, cela ne l’empêche pas de la trouver pertinente. Ainsi, développant le même argumentaire que le directeur de l’Office du baccalauréat, il indique que la mesure est prise après un constat. Selon lui, au fil des ans, «le nombre de candidats ajournés va crescendo». Ainsi, soutient Brice Dahoui, cette mesure permet-elle d’avoir des candidats plus ou moins fiables en ce qui concerne le niveau intellectuel. Il invite les acteurs de l’éducation à encourager cette disposition. A ce propos, il relève qu’un apprenant qui n’a pas pu obtenir son BEPC en classe de Troisième, peut se rattraper en Seconde ou tout au plus en Première. Sinon, dit-il, poursuivre deux diplômes en Terminale, n’est pas une bonne chose. «A l’avenir, il faudra étendre la mesure aux candidats officiels dans les établissements publics et privés reconnus», plaide-t-il.
Donatien Houdéhou, un candidat libre rencontré au centre de Gbégamey pour le dépôt de son dossier, a pour sa part approuvé la mesure. Pour lui, c’est très juste cette décision de la direction de l’office du baccalauréat. «Les choses doivent se faire dans l’ordre selon le programme du pédagogue. Sans le BEPC ou le CAP, on ne peut pas prétendre avoir le Bac», indique le candidat.
La mauvaise habitude prise, durant des années, par les candidats et qui consiste à abandonner ou à négliger un diplôme au détriment d’un autre doit cesser. Dans la pédagogie, le CEP précède le BEPC et le BAC, soutient Donatien Houdéhou. Selon lui, c’est certainement la fin de la récréation que la direction de l’Office du BAC veut siffler en mettant en œuvre cette mesure. Si les relevés ou certificats de ces diplômes font partie des pièces à fournir pour le dépôt des dossiers au Bac pour les candidats libres, cela permettra, selon lui, de faire le tri et de savoir qui peut affronter cet examen.