Gaani 2024: Dans la ferveur des grands jours

Nikki, capitale du royaume des Baatonu et Boo, était en ébullition. De toutes les régions du Bénin, du Nigeria et d'autres horizons, des milliers de personnes ont afflué pour assister à l’édition 2024 de la Gaani. Dès les premières heures de la journée, l’esplanade du palais impérial était bondée. Une délégation gouvernementale, conduite par la vice-présidente du Bénin, Mariam Chabi Talata, était présente. Elle était accompagnée de plusieurs ministres, dont Aurélie Adam Soulé Zoumarou, ministre du Numérique et de la Digitalisation, Samou Séidou, ministre de l’Eau et des Mines et Eléonore Yayi Ladékan, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique ainsi que de députés et autres personnalités politico-administratives.

À 13 h 05, sous les acclamations du public et au son des trompettes, l’empereur, vêtu de ses habits d’apparat et monté sur son cheval richement décoré, quitta le palais. Il était accompagné d’un cortège de cavaliers et d'une équipe de griots scandant ses louanges aux rythmes des instruments traditionnels. Le parcours rituel, débutant au ‘’Demannu’’, a permis à l’empereur de se recueillir sur des lieux sacrés où reposent les grandes figures de l’histoire de l’empire. Ces lieux sacrés constituent une véritable page écrite de l’histoire que les ancêtres invitent tous ceux qui y sont liés à lire tous les ans avec révérence. 

Lieux sacrés

La première étape du parcours a eu lieu à 2 km du palais impérial, où l’empereur a rencontré l’imam pour une prière en mémoire du ‘’Pulo’’ (Peul) qui est le prieur principal de son Altesse Sime Dobidia. Il y a offert des noix de cola et versé de l’eau bénite sur la crinière de son cheval. Le rituel s’est poursuivi au ‘’Tem Yanku Badaru’’, où l’empereur a effectué un geste similaire devant trois petits pots en argile. Les étapes suivantes l’ont conduit au ‘’Dakiru’’ et au ‘’Bantiaru’’, où reposent des princes de renom comme Faru Yerima. À chaque site, l’empereur a effectué des prières et versé de l’eau bénite, rendant hommage aux ancêtres avant de rejoindre le cinquième site appelé ‘’ Palais royal de Danri’’ pour le même exercice. Sur le sixième site dénommé ‘’Bara Bakanu’’, l’empereur se présente devant les tambours sacrés sans aucun cérémonial particulier. L’histoire raconte que ces tambours et trompettes constituent le symbole de la puissance. Les tambours sacrés quant à eux, marquent la présence du Sinaboko et on ne les retrouve nulle part dans l’empire qu’à Nikki. A 11 km du sixième site, se trouve le ‘’Bankpilu’’ qui est le lieu où repose l’empereur ‘’Kpe Gunu Kaba Wuko’’. Arrivé là, Séro Torou Tokou Sira rend hommage à cet illustre défunt avec le même cérémonial de prières et de bénédictions avant de se présenter à nouveau devant les tambours sacrés pour ce qui est du huitième site.

À son retour au palais, l’empereur a subi la toilette rituelle (9e rituel), avant de rejoindre la reine-mère, ‘’Gnon Kogui’’ dans la case ronde, pour assister à la parade des cavaliers et au passage des dignitaires devant les tambours sacrés. Les griots ont chanté les louanges du roi, réaffirmant ainsi sa puissance. Baa-Agban ouvre la cérémonie en apportant les présents du roi aux percussionnistes de tambours et de trompettes. Ces présents constitués de colas, de pagnes et d’argent sont déposés sur une peau de bœuf. Après ces étapes, la délégation gouvernementale ainsi que les dignitaires et têtes couronnées se sont succédé pour saluer l’empereur avant de se retirer.

Caractère touristique

Les festivités se sont poursuivies le lendemain avec la ‘’Kayessi’’, une cérémonie de présentation de vœux au Sinaboko. Cette journée a été aussi celle des allégeances au Sinaboko. Très tôt le matin, un conseil des rois ou des dynasties s’est tenu au palais sous la direction du Sinaboko. Ce conseil a pour objectif d’aplanir les différends, de faire des remarques et observations à l’empereur, de suggérer au Sinaboko certaines règles comportementales et de gestion du royaume et d’inviter les uns et les autres à respecter les règles de préséance. L’institution d’un tel conseil traduit l’esprit d’un pouvoir de type démocratique, bien que hiérarchisé et de sa gestion participative qui en constitue le socle inébranlable. On est loin d’un pouvoir féodal où seule la parole du Sinaboko s’impose. Là résident le pouvoir, le secret de la force, de la stabilité et de la longévité de cette tradition. Dans une ambiance détendue, empreinte de respect mutuel et de courtoisie, les souverains discutent des problèmes divers ayant trait au social, à la politique, aux situations de guerre et éventuellement à l’actualité nationale

La Gaani est l’une des plus grandes fêtes culturelles et cultuelles du Bénin, attirant chaque année des milliers de visiteurs. Célébrée depuis des décennies, cette fête traditionnelle du peuple Baatonu est un hommage aux ancêtres et aux événements marquants de leur histoire. Elle revêt également un caractère touristique, mettant en lumière les richesses symboliques et culturelles du royaume. Durant trois jours, les princesses, princes Wassangari, ainsi que les chefs de terre, se rassemblent pour des rituels chargés de bénédictions et de significations profondes pour l’ensemble du peuple Baatonu et ses alliés. Chaque édition de la Gaani enregistre un afflux humain important qui engendre des conditions favorables à la création d’activités génératrices de revenus notamment la restauration, l’hébergement, des jeux et loisirs et la commercialisation d’articles de tous genres. Les services d’hôtellerie, de guide touristique et de commercialisation d'œuvres artisanales connaissent une embellie à cette occasion. Et c’est à juste titre que le président Patrice Talon et son gouvernement ont initié la construction d’un palais royal moderne dont l’envergure témoigne de la grandeur de l’empire de Nikki