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Georges Otchéré au sujet du Code électoral: « La nouvelle loi permet de régler la gestion logistique des élections »

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Georges Otchéré, expert électoral Georges Otchéré, expert électoral

Georges Otchéré, expert électoral, s’exprime sur certaines dispositions de la loi 2024-13 du 15 mars 2024 modifiant et complétant la loi 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral. Lesquelles dispositions facilitent la tâche à la Commission électorale nationale autonome (Cena). 

Par   Arnaud DOUMANHOUN, le 27 mars 2024 à 07h59 Durée 4 min.
#Georges Otchéré au sujet du Code électoral

La Nation : Des élections générales en 2026, soit 3 scrutins en l’espace de six mois. Comment la Cena peut-elle s’organiser pour relever le défi ? 

Georges Otchéré : Dans la pratique, il n’échappe à personne que le législateur a fait de la Cena du Bénin, une administration électorale permanente, dotée de la personnalité juridique. Ce faisant, elle fonctionne comme toutes les structures administratives classiques. Elle dispose d’un plan stratégique, élabore les outils pertinents de gestion des activités de son domaine de compétence, conformément aux normes législatives et règlementaires en vigueur. La Cena, faut-il le rappeler, a pour fonction, l'exercice d'attributions concernant le domaine sensible des libertés publiques, en particulier celui des élections honnêtes, régulières, libres et transparentes. Elle est censée également instaurer une tradition d'indépendance et d'impartialité dans la gestion des élections en vue de gagner la confiance des électeurs, des partis et mouvements politiques. Dès lors, elle ne doit pas attendre les délais déterminés par la loi pour encadrer certaines activités sensibles du processus électoral qui compte généralement une phase préélectorale, une phase électorale et une phase post-électorale.

A l’occasion de la relecture du code électoral, l’Agence nationale d’identification des personnes (Anip) devra désormais renseigner la Cena sur les statistiques de la liste électorale, six mois avant les élections. Qu’est-ce que cela peut apporter à l’organisation des scrutins ?

Au regard de l’instabilité des règles qui président à l’organisation des élections au Bénin, beaucoup de citoyens affirment avoir perdu leurs repères. C’est vrai qu’à chaque échéance électorale, on assiste de plus en plus à la modification des normes. Malheureusement, on n’y peut rien, c’est cela qui caractérise désormais notre pays. Il faut s’y faire. Avant les réformes, le système électoral reposait sur un élément essentiel, le Fichier électoral national (Fen) dont les données sont mises à jour périodiquement. Ces données sont regroupées en trois bases à savoir, la base de données géographiques issues de la cartographie censitaire, la base de données nominatives, personnelles et biométriques, la base de données comportant les différents programmes informatiques de leur gestion. A cette époque, la liste électorale qui servait de support à l’organisation des élections était permanente et informatisée (Lepi). Elle était une extraction du Fen. Les organes chargés de conduire le processus d’établissement de la Lepi étaient paritaires. Avec les modifications des normes électorales, ce n’est plus exactement le cas. Pour des raisons compréhensibles et techniques, le législateur a choisi que la liste électorale soit désormais extraite du registre d’état civil de la population. 

C’est une avancée significative surtout que le gouvernement a réglé un préalable important, celui de la dématérialisation des actes d’état civil. La Cena a besoin de disposer à temps des statistiques des différentes bases de données ci-dessus évoquées en vue de gagner du temps dans la commande du matériel électoral, le nombre de postes de vote à prendre en compte, le personnel électoral d’appui à l’organisation des élections à recruter etc. La nouvelle loi permet de régler efficacement les problèmes de planification et la gestion logistique des élections.

Le Code électoral accorde désormais 15 jours à la Cena pour la validation des dossiers de candidatures aux élections législatives et communales, et 8 jours pour la présidentielle. Quelles implications ?

Dans chaque rapport général des élections, les difficultés calendaires sont évoquées par la Commission électorale nationale autonome. En ce qui concerne les communales et les législatives, le nombre de dossiers à étudier est considérable. Il faut au prime abord étudier la recevabilité des dossiers de candidature, puis procéder à l’étude au fond. Cette tâche représente une masse considérable de travail qui nécessite du temps. Il est heureux de constater qu’en la matière, la Cena a commencé par informatiser le processus pour faciliter la tâche aux partis politiques et à son administration. En légiférant comme il l’a fait, le législateur montre qu’il est sensible aux problèmes que rencontrent les parties prenantes aux élections, relativement à la phase d’enregistrement et de traitement des dossiers de candidatures. La différence observée entre les délais impartis à l’étude des dossiers de candidatures aux élections couplées et à l’élection présidentielle s’explique. Il y a plus de dossiers à étudier pour les élections couplées que l’élection présidentielle. 

Le Code électoral met en place un coordonnateur de zone au niveau des arrondissements de grande étendue. Qu’est ce qui justifie cette approche ?

Il est important de préciser que la Cena ne peut et ne doit jamais faire ce qu’elle veut dans la gestion des élections. Elle est chargée de mettre en œuvre les lois électorales. Elle ne peut pas prendre des initiatives hors du cadre juridique des élections. Il se fait qu’il y a des circonscriptions électorales qui comptent un très grand nombre de postes de vote et d’électeurs. La gestion de ce type de circonscription, par un seul coordonnateur d’arrondissement était problématique. La Cena était obligée de nommer des sous-coordonnateurs d’arrondissement pour suppléer les coordonnateurs d’arrondissement. C’est souvent le cas à Abomey-Calavi. C’est cette pratique que le législateur a régularisée en l’introduisant dans la loi. Elle fait partie des leçons apprises et est totalement justifiée.

Quelles autres mesures pourraient être prises pour l’efficacité de la Cena ?

Le nouveau code électoral comporte des innovations qui pourraient conduire à de sérieuses contestations. Les questions de parrainage et de seuil d’attribution de sièges sont très sensibles. Il revient à la Cena de beaucoup communiquer sur son approche opérationnelle, en ayant pour principales cibles, les médias, les acteurs de la société civile et les partis politiques. Il faut pouvoir imaginer tous les cas de figure qui pourraient se présenter et faire des simulations et convaincre. Comme on le dit souvent : Ce qui est convaincu est vaincu¦