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Interview de Mohammed Sadiki, ministre en charge de la Pêche maritime du Maroc: « La pérennité des ressources dépend de la gouvernance du secteur de la pêche »

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La locomotive de l’économie bleue tourne à plein gaz en Afrique, sous le leadership du Maroc, qui déploie sa logistique et son savoir-faire au service du partenariat Sud-Sud.  Mohammed Sadiki, ministre en charge de la Pêche maritime du Maroc nous en dit davantage à travers la présente interview.     

Par   Paul AMOUSSOU, le 21 févr. 2024 à 02h14 Durée 6 min.
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On note une dynamique dans la coopération entre le Bénin et le Maroc dans le secteur de l’économie bleue. Quelles en sont les articulations ?

Ma présence en terre béninoise traduit notre volonté de mettre en œuvre la coopération entre les deux pays dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture. Cet accord s’inscrit dans un cadre beaucoup plus global de la coopération Sud-Sud défini par sa majesté le roi Mohammed VI. Cette coopération intègre aussi le cadre stratégique de la politique extérieure marocaine ainsi que l’appel lancé par sa Majesté pour faire de l’océan Atlantique, un espace de développement économique commun avec la pêche comme colonne vertébrale de l’économie bleue.

La coopération bilatérale entre le Maroc et le Bénin constitue un exemple moderne du genre. Aujourd’hui, nous sommes dans la concrétisation, la mise en œuvre de notre accord de coopération dans le secteur, avec l’expédition scientifique qui a été lancée sur la côte béninoise pour une meilleure valorisation des ressources halieutiques. Nous avons, avec mon homologue du Bénin en charge de l’Agriculture, convenu d’associer les professionnels et les opérateurs des deux pays à ces échanges, car nous souhaitons que cette coopération puisse s’inscrire dans la durabilité et traduire l’excellence de nos relations sur les plans institutionnel, scientifique et technique.

En marge du forum consacré, entre autres à faire le point sur les dynamiques développées dans le secteur, nous avons signé un autre mémorandum qui élargit la coopération à tous les maillons de la chaîne de valeur. Le mémorandum que nous avons signé l’an dernier avait pour objet, l’évaluation des stocks dans les eaux du Bénin en utilisant les outils dont dispose le Maroc à savoir: le bateau de recherche scientifique. Aujourd’hui, nous avons réalisé ce vœu. Je suis très content parce que les préparatifs se sont fait dans de très bonnes conditions et nous avons choisi la période qu’il fallait pour faire au mieux cette prospection. Cette expédition associe pendant plusieurs jours les scientifiques marocains et béninois.

Quelle suite est envisagée au terme de cette prospection ?

La mise en œuvre du partenariat ne va pas s’arrêter là parce que ce n’est que le début d’un long processus. Cette évaluation du stock et de l’écosystème dans les eaux du Bénin doit se faire par saisons régulières pour capter toute la dynamique de l’océan en matière de ressources halieutiques et fournir des ressources nécessaires pour la prise de décision par rapport aux périodes de repos biologique et à la mise en place des plans d’aménagement territorial. Voilà quelque chose de très concret. Il est question à la fois d’œuvrer pour la préservation des ressources halieutiques et la protection de l’environnement marin. 

A quelle utilité cette conservation et cette préservation répondent-elles?

Il est important d’avoir une gestion et une utilisation responsables de ces ressources. La question sur laquelle se base la gouvernance du secteur de la pêche, c’est la question de la durabilité. La durabilité des ressources exige une gestion qui permet d’optimiser les ressources halieutiques, de savoir quand il faut capturer, et quand éviter de capturer dans les eaux maritimes afin de laisser se reconstituer la population. Il faut, évidemment, capturer juste ce qu’il faut au moment où il le faut parce que la durabilité dépend de la reconstitution des populations. Sur le plan écologique, le poisson vit dans un environnement, un écosystème et il faut respecter cet écosystème c’est-à-dire respecter toutes les composantes qui le constituent. Et pour ce faire, il est important de maîtriser certains paramètres y afférents. La durabilité des ressources dépend du maintien de la santé de l’écosystème. 

Le Bénin sollicite l’expertise marocaine en raison de son savoir-faire. Qu’en est-il exactement ?

Oui, en effet, le Maroc est le premier pays pêcheur africain. Nous avons développé toutes les bases de la gouvernance de ce secteur ainsi que la recherche scientifique et technologique. Le secteur halieutique est un secteur extrêmement important pour la sécurité alimentaire, sur le plan économique et social. Récemment, le secteur, au Maroc, s’est inscrit dans une vision de la durabilité avec un plan stratégique lancé en 2009 par le Roi du Maroc et qui s’étend jusqu’en 2020. Et à partir de 2020, nous sommes entrés dans la deuxième phase de cette stratégie. Il s’agit de la stratégie ‘’Halieutis’’ qui définit tout le cadre de développement du secteur, avec une gouvernance qui implique également les professionnels. Impliquer les professionnels, a consisté notamment à les organiser à travers des associations ou des fédérations de pêche.

Toute l’approche de la gouvernance est basée sur une sorte de contractualisation entre l’Etat et les professionnels pour les responsabiliser, parce que la pêche repose sur une capture responsable des ressources naturelles. Et il est important de réguler cela, contrairement à l’aquaculture qui consiste à faire de l’élevage. Le contrôle de ce qui sort des mers est un levier extrêmement important, dans un esprit de préservation, de durabilité des ressources halieutiques. Et dans cette perspective, quand vous composez avec des opérateurs organisés et avertis, ça facilite les choses. 

Quelle est la résultante de cette politique ?

Cette stratégie a pris du temps pour être mise en place, mais elle a permis de moderniser le secteur, de mettre à niveau toutes les composantes du secteur à savoir : la pêche en haute mer, la pêche côtière et la pêche artisanale. Nous avons modernisé l’infrastructure de débarquement, l’infrastructure de commercialisation de la première vente, et l’infrastructure technologique de recherche avec aujourd’hui six bateaux de recherche scientifique. Le secteur de la pêche au Maroc s’est considérablement modernisé. Nous avons investi pour le développer, le moderniser.  Evidemment, tout ceci va au-delà du Maroc parce qu’il s’agit des mêmes ressources d’une mer à l’autre, et donc il est très important, dans notre espace, de partager les mêmes dynamiques et d’œuvrer de concert à la protection de la ressource maritime, dans les mêmes approches et surtout de s’entraider par rapport au partage des bonnes pratiques.