La Nation Bénin...
A propos de la polémique relative à la qualité de la carte d’électeur et à sa fiabilité, Kassimou Chabi, coordonnateur du Centre national de traitement (CNT) en charge de la suite du processus est parti de l’historique de la carte d’électeur avant de se prononcer sur sa fiabilité. Il a également essayé de fixer les citoyens qui éprouvent des difficultés à retrouver leurs cartes sur les dispositions à prendre pour l’obtention du "sésame".
Propos recueillis par
Romuald BINAZON, Désiré GBODOUGBE et Didier Pascal DOGUE
La Nation : Les populations s’inquiètent de la fiabilité de la carte d’électeur en cours de distribution et la banalisent. Qu’en est-il exactement ?
Kassimou Chabi : Qu’il vous souvienne que nous avons fait des cartes d’électeur en 2011. Ces cartes ont coûté 5 milliards de FCFA pour un nombre d’électeur estimé à 3. 866.000. Quand il s’est agi de mettre à jour le fichier électoral national, il était aussi question de sortir la Liste électorale informatisée permanente (LEIP) et de préparer les élections. En d’autres termes, il fallait produire des cartes d’électeur. Déjà par rapport à notre budget, un gros problème s’est posé avec la récession. On se rend compte que quand on demande à un Etat de supporter, d’abord la correction pour le montant de 5 milliards pour la carte, cela va être lourd. Il fallait trouver des voies et moyens pour réduire ce coût. En 2011, ceux qui passent devant le kit et font l’enrôlement, reçoivent un certificat qu’on leur délivre et que nous appelons certificat d’enregistrement. Sur ce document, il y avait la photo et toutes les données qui sont sur la carte d’électeur. Ce certificat nous a permis de régler un problème en 2011. Et lorsque les élections étaient imminentes, nous avons écrit à la CENA qu’il y a des problèmes dans certaines régions. On avait suggéré qu’il faut permettre aux électeurs de voter avec lesdits certificats d’enregistrement. Ce qui a été fait. Aussi, pour la production du certificat d’enregistrement, nous avions trouvé que c’était trop cher, et Dieu sait que nous en avions 3215. Il faut rappeler que chaque kit est muni d’une imprimante. Et les imprimantes sont dotées chacune de deux cartouches d’encre. Chaque cartouche d’encre coûte 56.000 FCFA.
Pour une zone en dix jours, nous utilisons presque quatre cartouches par kit. Le coût était donc trop énorme. La solution que nous avons trouvée, puisqu’on procédait à une correction, c’était de ne pas produire de certificat d’enregistrement devant le kit mais de le faire à la fin. De fil en aiguille, nous nous sommes dits puisqu’on n’a pas assez de moyens, pourquoi ne pas permettre aux citoyens de voter avec le certificat d’enregistrement. C’était urgent parce que la loi avait retenu qu’il fallait faire les communales et municipales en décembre 2013. Nous avons pris la responsabilité de régler les problèmes des élections d’abord et de continuer. Dès que nous avons posé le problème, nous avons réfléchi à ce que nous allons faire pour que les gens n’aillent pas photocopier ou imprimer ces cartes à la maison. C’est de là que nous avons posé le problème à l’opérateur technologique qui nous a aidés à faire la biométrie. Il dit qu’il est capable de nous fournir du papier sécurisé. Ces papiers ne sont pas fabriqués au Bénin. Nous les avons commandés.
Vous ne pouvez pas les falsifier. Nous nous sommes dits que comme cela nous coûtera moins cher, il vaut mieux passer à cette solution. Ensuite le problème de grammage de papier s’est posé. Nous avons retenu pour résoudre ledit problème de plastifier pour permettre aux citoyens d’avoir quelque chose qui ne soit pas un papier volant. C’est du papier sécurisé. Quand nous allons comparer un peu les coûts, le papier sécurisé est revenu à 115F ou 120F. Vous le multipliez par le nombre de citoyens et vous verrez le prix de revient. Ce n’est pas une dépense faramineuse. Quand nous avons essayé de faire le point, nous nous sommes rendus compte aujourd’hui que les cartes modernes sont comme des cartes bancaires. Même si une seule carte coûte mille francs, fois 4 470 591, on se retrouve déjà à 4 milliards; Il n’y a pas de carte à moins de 1500F CFA. Donc, cette opération risquait de ne pas aboutir parce qu’on n’aura même pas les moyens pour la réaliser. Vous avez vu tout le débat qu’il y a eu autour du financement. C’est vrai que les gens vont trouver que c’est un papier banalisé mais c’est plutôt un papier sécurisé.
Quel sort est réservé à ceux qui sont recensés mais dont on ne retrouve pas encore les cartes ?
A ce niveau, on note trois types de cas. Il y a le problème de ceux-là qui ont même leurs noms sur la liste et qui ne retrouvent pas leurs cartes. Ce problème est celui que nous avons commencé à dénoncer depuis le premier jour. Chaque citoyen a le devoir d’aller retirer sa carte et celle-ci est personnelle. Il nous est revenu que des individus vont prendre un lot soi-disant que c’est pour leurs proches. Dans certaines zones, des gens sont en prison actuellement. Nous avons été informés d’un cas à Banikoara et d’un autre dans le Couffo. Ils sont déjà en prison. C’est même des chefs de quartiers, des conseillers qui sont rentrés dans ce jeu. C’est pourquoi nous lançons un appel afin que les gens évitent de s’adonner à cette pratique.
Le second cas est celui des citoyens qui avaient eu des difficultés sans solutions. Aujourd’hui, ils ont constaté que les gens sont en train de prendre les cartes et ils se sont dits qu’il faut aller voir. Ce que nous tenons à préciser à ce niveau, est que nous avons fait l’affichage de la liste électorale informatisée provisoire LEIP pendant 21 jours. Si le nom de quelqu’un n’est pas sur la LEIP, il ne peut pas prétendre avoir les cartes actuelles ; parce que la LEPI est le toilettage de la LEIP. Peut-être beaucoup de gens n’avaient pas leurs noms sur la LEIP, mais qui aujourd’hui veulent forcer pour avoir la carte.
Le troisième cas concerne les gens qui se sont inscrits et qui ne savent plus où ils l’ont fait. Ces cas nous en avons même connus au niveau de nos proches. Des gens qui ont envoyé des SMS et qui ont sollicité qu’on fasse leur transfert sur Calavi parce qu’ils étaient à Cotonou et qu’ils ont déménagé par la suite. Ce sont des cas beaucoup moins graves. Il y a une solution que nous avons mise en place. C’est un programme qui permet de répondre par SMS à la demande du centre de vote. Vous donnez votre nom, prénom et la date de naissance, il vous répond en donnant votre centre de vote. C’est un programme test qu’on avait conçu à notre niveau. Comme ça fait partie des solutions à certaines difficultés, nous avons demandé au ministre des Finances qui nous a autorisés à enclencher la procédure et la pro forma a été demandée pour régulariser. Cela va permettre aux gens de connaître leurs centres de vote.
Permettez-nous de rappeler le cas des personnes qui ont la carte de 2011. C’est des individus dont les données sont disponibles et lorsque nous parlons d’élections, il faut qu’ils viennent confirmer leurs centres de vote pour avoir leurs cartes. Sinon il faut qu’ils se rapprochent de nous pour confirmer leurs centres pour qu’aux prochaines élections, ils soient intégrés à la liste.
La cour constitutionnelle a demandé d’établir la carte de 600 personnes. Que pensez-vous de la mise en œuvre de cette injonction avant la tenue du scrutin du 26 avril prochain ?
Ce recours est venu au moment où le COS-LEPI a été déchargé. Nous n’avons pas vraiment eu le temps de faire le point. Il y a une équipe qui a été instruite pour faire des propositions. Deux situations peuvent se présenter : ou les individus ont leurs données disponibles, auquel cas il n’y a pas de problème et c’est plus facile à gérer. Nous les remettrons dans leurs centres de vote et nous ferons imprimer leurs cartes. Mais si ce sont des individus qui ont eu des problèmes depuis 2011, ça va être très compliqué en ce sens qu’il faut leur reprendre l’opération de bout en bout, c'est-à-dire toutes les phases depuis l’audit participatif, ainsi que l’enregistrement complémentaire jusqu’à l’impression des cartes, nous ne sommes pas sûrs que leurs cartes soient prêtes pour le scrutin du 26 avril. Les partis politiques dans cette hypothèse auraient pu nous aider en recensant les cas et en dressant les différents problèmes qui se posent.