La Nation Bénin...
Le barrage de Nangbéto est bien souvent indexé pour être à
l’origine des inondations observées dans les localités riveraines du fleuve
Mono, après l’ouverture des vannes de l’infrastructure. Lors d’une visite
guidée du barrage, le 7 octobre dernier, la Communauté électrique du Bénin
(Ceb) a fait la part des choses et sollicité le concours des élus locaux pour
transformer cette situation en opportunité.
Les pluies diluviennes de ces dernières années, dues aux
changements climatiques, sont à l’origine du remplissage précoce du barrage de
Nangbéto. La Communauté électrique du Bénin (Ceb) procède alors à des lâchers
d’eau pour réguler le trop-plein, afin de préserver l’ouvrage. Un phénomène qui
est mal interprété par les populations riveraines, qui l'accusent d’être la
cause de leur malheur, en raison des inondations qu’entraîne l’ouverture des
vannes.
« Les arrivées d’eau ne respectent plus leur périodicité
alors qu’un barrage est construit pour stocker une quantité d’eau maximum
donnée. Ceci entraîne des inondations en aval du fleuve Mono. Nous avons donc
décidé d’apporter notre pierre aux efforts des deux gouvernements pour juguler ces
inondations qui arrivent de manière cyclique », a expliqué Dammipi
Noupokou, directeur général adjoint de la Ceb, à l’occasion de la visite des
installations de la centrale hydroélectrique. En effet, l’institution dans sa
quête de solutions pérennes envisage d’organiser un atelier pluri-acteurs pour
une démarche de résilience aux inondations cycliques des zones situées en aval
du Mono jusqu’à l’embouchure. C’est en prélude à cet atelier que la Communauté
électrique du Bénin a organisé la visite guidée à Nangbéto au profit des
autorités administratives, des élus locaux et de quelques représentants des
populations des zones concernées. La Ceb leur a expliqué le fonctionnement du
barrage et a relevé les opportunités qu’ils peuvent tirer de l’eau, surtout en
ce qui concerne les activités piscicoles. Cette visite a permis aux
participants notamment les maires des localités (du Togo et du Bénin) affectées
par le phénomène, les préfets et les autres acteurs, de toucher du doigt les
réalités de fonctionnement du barrage de Nangbéto, les potentialités du site et
de mieux comprendre le rôle important de ce barrage dans la régulation des eaux
du fleuve.
Le rôle de régulateur
Dans son fonctionnement, le barrage de Nangbéto stocke
l’eau du fleuve Mono, aux fins de la production de l’énergie électrique au
profit du Bénin et du Togo. La quantité d’eau stockée est répartie sur toute
l’année à travers les déversoirs de l’installation, aidant par ailleurs les
populations riveraines à traverser la période de sècheresse. Mais en raison des
changements climatiques, la quantité d’eau arrivant au niveau de la centrale
hydroélectrique dépasse les 144 m3 par rapport au niveau de la mer. « Dans
ce cas, nous ouvrons les vannes afin d’éviter le risque de voir le barrage emporté
par l’eau. Mais la quantité d’eau qui arrive en amont est toujours supérieure à
celle que nous laissons passer au niveau du barrage. C’est notre rôle de
régulateur du fleuve », a déclaré Dammipi Noupokou, directeur général
adjoint de la Ceb. Nangbéto est un site identifié depuis la colonisation, avec
un potentiel considérable et dont l’aménagement devait servir au développement
du Bénin et du Togo. Les travaux d’aménagement ont effectivement démarré en
1985 et en 1987, les premiers Kwh sont mis sur le réseau au bénéfice des deux
Etats. C'était Eyadéma Gnassingbé du Togo et Mathieu Kérékou du Bénin, qui ont
inauguré l’ouvrage en 1988. Les participants à la visite guidée organisée par
la Ceb ont eu droit à un petit cours d’histoire, juste au pied de la pierre inaugurale,
située au-dessus de l’ouvrage d’où l’on observe les déversements des vannes.
Trois objectifs ont guidé la mise en place de cette centrale
hydroélectrique à savoir une production d’électricité de 150 millions de
Kwh/an ; la régulation partielle, étant entendu qu’un seul barrage ne peut
réguler huit cours d’eau, y compris le fleuve Mono dont les crues ont entraîné,
par le passé, des dommages dans la commune d’Athiémé au Bénin ; et dans la
préfecture de Yoto au Togo.
Des opportunités à saisir
A juste titre, le barrage devrait empêcher les crues avec
la retenue d’eau pour la production de l’énergie électrique, la production
agricole et la pêche, en vue de soulager les populations rurales.
« L’objectif était de bloquer l’eau et de la faire passer en quantité
raisonnable », a insisté Pascal Kpangon, directeur de la centrale,
expliquant que l’aménagement hydroélectrique de Nangbéto est essentiellement
composé d’un lac artificiel appelé retenue ou bassin d’accumulation, d’une
centrale électrique de production de l’énergie électrique, d’un poste haute
tension d’évacuation de l’énergie, d’une station de traitement d’eau potable et
d’une station de traitement des eaux usées, des bureaux et des cités
d’habitations. Il fait savoir aux représentants des populations affectées par
les inondations, que le réseau hydrographique du bassin comprend huit cours
d’eau dont trois en amont : Mono, Ogou, Anié et cinq en aval : Amou, Asrama,
Klikon, Khra, Lahiouzon. La retenue créée par le barrage régule les apports naturels
du fleuve Mono permettant ainsi de développer l’agriculture irriguée dans la
plaine en aval, et d’améliorer sa protection contre les inondations.
« Le barrage de Nangbéto ne gère que les cours d’eau
en amont. Si les 5 fleuves d’en bas sont en crue, les populations recevront de
l’eau et diront que c’est du fait du barrage. Ce qui n’est pas exact. En ce qui
concerne le barrage, le débit dont nous avons besoin pour produire de
l’électricité est de 240 m3/s mais le fleuve Mono en apporte plus de 1000. C’était
1500 en 2022 et 1800 cette année… », a clarifié Pascal Kpangon, directeur
de la centrale, assurant que pour la production de l’énergie, aucun additif
n’est ajouté à l’eau ni en amont ni en aval. Les visiteurs du barrage de
Nangbéto, propriété de la Communauté électrique du Bénin (Ceb), ont également
eu accès à la salle des opérations du barrage. « Aujourd’hui, la population a
compris. Depuis le 23 août, nous sommes en train de laisser passer de
l’eau ; pourtant elles ne sont pas inondées parce que les autres fleuves
en aval de Nangbéto ne sont pas en crue. Nous voulons ensemble, trouver des
résiliences aux inondations. Après l’étape de la visite, il y aura un atelier
de réflexion pour trouver des moyens à court et long termes pour lutter contre
le fléau », fait savoir Pascal Kpangon. Il a aussi invité les populations
à connaître la limite du fleuve, qui a un lit mineur pour son écoulement
normal, et un lit majeur qu’il emprunte lors des crues. En termes
d’opportunités à saisir à la survenance des inondations, la Ceb invite les élus
locaux à adopter une démarche de résilience, qui leur permettra de développer
des activités agricoles, surtout piscicoles avec les eaux en provenance du
barrage, à l’instar de ce qui se fait à Lofty à Nangbéto. Dammipi Noupokou,
directeur général adjoint de la Ceb, va rendre hommage aux présidents Patrice
Talon et Faure Gnassingbé, qui ne ménagent aucun effort pour la sécurité de
leurs peuples respectifs, en faisant intervenir les institutions de leurs pays,
à chaque fois que de besoin, pour assister les populations lorsque les
vicissitudes de la nature entraînent des désagréments importants. « Nous
les remercions pour les travaux d’aménagement entrepris pour amoindrir les
effets des inondations », a déclaré Dammipi Noupokou.
Un site témoin de production de poissons
On constate l’installation d’entreprises de production de
poissons sur le site du barrage hydroélectrique de Nangbéto situé à plus de 200
km de Lomé, la capitale togolaise. La plus grande unité de production demeure
Lofty avec une capacité de 7 tonnes de poissons tilapias par jour. Des
apprenants diplômés de l’Institut de formation en alternance pour le
développement (Ifad) aquaculture sont également installés sur le site. Sur le
site de Lofty, les bassins d’eau ou cages d’élevage sont à perte de vue.
L’élevage de poisson se fait à partir de la reconstitution de l’environnement
naturel de l’animal avec des apports d’oxygène, de la nourriture. Des larves
aux gros poissons en passant par les alevins, un cycle de production peut durer
environ six mois, et le poids du poisson destiné à la vente varie de 450 à 500
kg. « Nous avons mis des années à avoir des cages flottantes pour élever des
poissons sur le lac artificiel. Les poissons naturels dans l’eau, il n’y en a pas
toujours, il faut en élever. Il faut que nous essayions ensemble de créer un
microclimat autour de ce lac pour que les temps à venir ne viennent pas nous
surprendre; la sécheresse devenant un peu plus longue, et la chaleur plus
intense », a déclaré Akakpo Edoh, préfet de l’Ogou au Togo. Pour lui, il
faudra ériger d’autres barrages pour mieux répondre aux besoins en énergie
électrique du Togo et du Bénin. Saturnin Cocou Dansou, maire de la commune
d’Athiémé, ne souhaite pas mieux et plaide pour un accompagnement de la Ceb au
profit des communautés affectées, en l’occurrence pour l’électrification
desdites zones. A l’en croire, sa commune est la première à subir les
inondations, entraînant la destruction des cultures et des infrastructures
sociocommunautaires dès l’ouverture des vannes à Nangbéto. Mêmes doléances du
côté du maire de la commune de Dogbo. « Nous devons encourager les autorités de
la Ceb à continuer d’imaginer toutes les formes de solutions à apporter à la
durabilité de ce lac artificiel. Nous croyons qu’ensemble, à travers cette
visite, nous avons vu les difficultés qui existent et les opportunités à
saisir », a indiqué Akakpo Edoh, préfet de l’Ogou au Togo.