La Nation Bénin...
Premier
invité du quotidien de service public La Nation pour son Grand Entretien, l’ambassadeur de la République de Chine près
le Bénin, Peng Jingtao, évoque l’état des relations diplomatiques entre les
deux pays depuis leur normalisation en 1972 ainsi que les grandes réalisations
de cette coopération. Il confie par ailleurs sa fierté d’avoir été un serviteur
de la cause de deux peuples unis par des liens d’amitié et ses regrets pour
l’œuvre qu’il aurait voulu accomplir en plus de celles dont les deux Etats se
félicitent.
Depuis mon arrivée, j'ai pensé aussi à cette question à laquelle j’ai donné une réponse à travers mes actions. Depuis la normalisation des relations diplomatiques entre la Chine et le Bénin, en 1972, nous avons connu 50 ans d'amitié et de coopération sans nuages. Donc, en tant que nouvel ambassadeur, comment renforcer cette coopération et la porter à un niveau encore plus élevé, devrait être ma priorité. J'ai donc fait beaucoup d'efforts, d'abord, pour renforcer la coopération, la compréhension et la connaissance politiques, parce que les derniers 50 ans, la Chine a beaucoup changé. Le Bénin aussi a changé. La Chine a ses stratégies de développement. Le Bénin aussi a ses stratégies de développement. Donc, comment allier les stratégies de développement des deux pays et trouver des projets concrets et communs pour les réaliser au profit du peuple ; c'est notre volonté. Il y a des projets de coopération dans des secteurs tels que les infrastructurels, la santé, l'éducation et dans beaucoup de domaines. Et quand on parle des relations, ce n'est pas seulement les relations entre les deux gouvernements. Il y a aussi les échanges entre les peuples. Tout ce que le gouvernement fait, tous les projets réalisés par les gouvernements, il y a un seul objectif, c'est au profit du peuple. Il faut aussi renforcer les échanges entre les peuples. Alors, il faut dire que la connaissance des Béninois sur la Chine ainsi que la connaissance des Chinois sur le Bénin restent encore très faibles, malgré nos relations d'amitié et de coopération de plus de 50 ans. Donc, il faut renforcer les activités culturelles, sportives, humaines, au profit des peuples. Par exemple, le Centre culturel chinois ainsi que l'Institut Confucius ont beaucoup fait pour faire connaître la Chine. Aussi, il y a eu beaucoup d'efforts pour renforcer la coopération des gouvernements locaux, la décentralisation. De notre côté, pour attirer l'investissement chinois au Bénin, il faut d'abord présenter le Bénin, faire connaître le Bénin, la particularité du Bénin, le changement du pays aux entrepreneurs chinois, au gouvernement chinois, pas seulement central, mais aussi les divers ministères, les gouvernements locaux, provinciaux, municipaux. Ces échanges humanitaires sont très importants quand on parle de priorités. Maintenant, après six ans et demi de travail et de séjour, à la fin de ma mission, c'est peut-être le moment de donner une réponse. Je pense que tout ce que j'ai projeté à mon arrivée, je me sens ravi de l’avoir réalisé pendant ma mission.
Il y a eu beaucoup de choses. Par exemple, nous avons eu deux visites du président Patrice Talon en Chine. La première s'est déroulée en 2018 pour sa participation au sommet de Beijing à l’occasion du Forum sur la coopération Chine-Afrique. Il a eu un entretien, son premier entretien avec le président Xi Jinping. Ils ont échangé sur leur vision de gouvernance, leur vision de faire développer le pays et de renforcer la coopération entre les deux pays. La deuxième, c'était l'année dernière. C'est une visite d'État, sa première visite d'État en Chine. Si je ne me trompe pas, peut-être à l'étranger. Donc il est accueilli de façon très solennelle, par le président Xi Jinping. Ce dernier a passé presque quatre heures avec lui pour les cérémonies, l'entretien, le dîner. Ils ont eu une conversation très approfondie, côte à côte. Donc c'est une visite réussie qui rehausse également leurs relations. Cette année, nous avons eu la vice-présidente en visite en Chine pour participer au sommet du Focac. Pendant ces dernières années, j'ai invité les ministres d'État, les ministres, les députés, les maires, les professeurs, les think tanks, les experts, beaucoup de monde en visite en Chine. Si on parle des projets phares, nous étions solidaires pour lutter contre la Covid. Notre ambassade était la première ambassade et la Chine était le premier pays à fournir des assistances, des médicaments, des équipements et aussi des vaccins au Bénin. Le ministre de la Santé béninois a reconnu face à la presse que la Chine a toujours été présente au moment où le Bénin est dans le besoin. Donc pendant cette lutte contre la Covid, nous étions solidaires. Il y a aussi le projet de Pipeline qui a été réalisé en trois ans. Selon un expert de Wapco, de tous les projets que Cnbc a réalisés à l'étranger, les travaux au Bénin étaient menés dans les conditions les plus favorables. En tant qu’ambassadeur, j'en suis fier. On peut citer encore l'exportation du soja et de l'ananas du Bénin vers la Chine. On parle maintenant du développement de l'économie numérique du Bénin, de la digitalisation dont la base est un réseau de haut débit. Peut-être, beaucoup ne le savent pas, c'est grâce à la coopération chinoise qu'on a réalisé deux phases du projet pour la construction du réseau de haut débit, qui couvre d'abord les grandes communes puis les zones rurales.
J'ai
compris ma mission. Celle relevant du gouvernement et aussi des deux
peuples ; les peuples chinois et béninois. Comme ambassadeur, nous sommes
un serviteur. Un serviteur pour l'État chinois mais aussi un envoyé spécial de
l'amitié. Un constructeur, un constructeur de l'amitié et de la coopération; un
constructeur de pont. Je pense que j'ai assez fait pour accomplir cette
mission. Mais il y a aussi pas mal de regrets. Des regrets parce que tout ce
que j'ai projeté de faire ne l’a pas été complètement. Donc je ne peux que
passer la main à mon successeur.
Je vous parlerai des trois choses qui m'ont beaucoup impressionné. La première, c'est le boulevard de la Marina. Les travaux de rénovation ont commencé après mon arrivée. Et les travaux ont été réalisés pendant 3 à 4 ans. Heureusement, j'ai eu la chance de voir la fin et puis la beauté du boulevard. C'est un boulevard d'entrée au Bénin. Une fois atterri à l'aéroport, c'est le premier boulevard. C'est l'image du Bénin au monde extérieur. Donc, ce boulevard est à la hauteur des ambitions du président et aussi du peuple béninois. C'est l'image d'accueil chaleureux aux étrangers. La deuxième chose, c'est la place de l'amazone. L'amazone est devenue presque un symbole du Bénin. Rarement dans les pays africains, il y a une place aussi grande, une place populaire. Chaque nuit, sur la place, il y a plein de monde: des jeunes béninois, des familles béninoises, des couples, de jeunes amoureux qui font des photos ; les enfants qui jouent dans la joie. Ce sont des images du bonheur. Il y a une troisième chose, c'est l'exposition des trésors royaux restitués et des oeuvres d'art, organisée à la présidence. C'est aussi rare. Une exposition qui a accueilli plus de 200 000 Béninois et étrangers pendant une période. Je pense que c'est la plus grande affluence au Bénin. Ce qui m'a le plus impressionné, ce n'est pas seulement la visite de l'exposition, mais plutôt, la vue des visiteurs béninois à la sortie de l'exposition. Parce que dans leurs visages, j'ai lu une joie, une fierté. Donc, ces trois événements m'ont beaucoup impressionné. C'est plus ou moins un des symboles du changement du Bénin.
Je suis un homme optimiste. Certainement, pendant mon séjour qui a duré six ans et demi, il y a eu des problèmes. Mais les pages sont déjà tournées. Quand la page est tournée, c'est déjà oublié. J'espère garder toujours de beaux souvenirs du Bénin, après mon départ.
J’ai été nommé par le gouvernement. Et c’est le gouvernement qui m’a maintenant rappelé. Donc, c'est hors de ma volonté. Mais je peux partager mon sentiment. Je me sens heureux, chanceux de pouvoir passer six ans et demi, la plus longue mission de ma carrière diplomatique et aussi la plus longue durée dans ma vie dans un pays étranger. Donc, je considère le Bénin comme mon deuxième pays.
Quand vous parlez de cahier des charges, pour moi, quand je regarde en arrière, six ans et demi, c'est court. Il reste encore beaucoup de choses que je voudrais faire et que je n'arrive pas à faire à cause des conditions. Je projette de les faire dans les années à venir. Il y a aussi une opportunité importante à saisir, c'est le sommet du Focac. Parce que lors du Focac, le président Xi Jinping a sorti dix actions de partenariat pour la modélisation de l'Afrique et la coopération Chine-Afrique. Donc, beaucoup de pays profitent de cette occasion pour rédiger leurs projets afin d’en bénéficier. Alors, pour la coopération sino-béninoise, c'est aussi un moment important pour préparer un nouveau départ.
Donc, je regrette de laisser tout à mon successeur. Mais il est aussi chanceux de pouvoir profiter de cette occasion pour mettre en œuvre son plan de travail.
Oui, il y a pas mal de projets que j'essaie de mettre en œuvre, mais pour des raisons données, je n'arrive pas à les réaliser. Par exemple, l’aéroport de Glo-Djigbé. Avec un Centre de formation professionnelle et technique, nous avons la volonté, le ministre de l'Enseignement secondaire et moi, de faire rehausser le Lycée d’Akassato au rang de Centre d’excellence en matière de formation technique et professionnelle. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour l'accompagner, le réaliser. Nous avons même construit un atelier lupin et nous avons prévu de faire un jumelage entre le Lycée d’Akassato et l'Institut de Formation, d'Education technique et Professionnelle de Ningbo. Mais le niveau de réalisation est encore loin des prévisions. Il y a encore pas mal de choses que je vais partager avec mon successeur.
En 2019, le Bénin a signé le mémorandum de participer à l'initiative « La Ceinture et la Route », lors de la visite du ministre des Affaires étrangères béninois en Chine. Mais le Bénin n'a pas prêté une forte attention à cette initiative. Je me rappelle, la première fois quand j'avais organisé une conférence pour présenter l'initiative « La Ceinture et la Route », une dame m’a dit : quand j’ai reçu l'invitation, je croyais que l’ambassadeur allait faire un discours sur la sécurité du transport. Mais c'est après la présentation qu'elle a cerné l'importance de cette initiative. C'était une initiative lancée par le président Xi Jinping en 2013. Mais je suis ravi de voir que quelques années après, cette initiative est connue un peu partout, par les journalistes, les gouvernants, etc.
Dans
le cadre de cette initiative, nous avons aussi réalisé des projets de
coopération parce que c'est plus ou moins un cadre, une plateforme importante
de coopération chinoise avec les pays étrangers, surtout les pays en
développement, pour réaliser une connexion des infrastructures, la facilité des
échanges humains, financiers, commerciaux, des investissements. Il y a aussi un
projet qui n'est pas très important, mais son influence est importante. En
2019, j'ai signé un accord d'exportation du soja béninois sur le marché
chinois.
Et puis, en 2020, l'exportation béninoise à l'étranger a connu une forte croissance. Ce qui a fait accroître les revenus directs des paysans. Ces dernières années, la Chine a mis œuvre des politiques différentes. Avant, c'était une politique d'exonération des droits de douane pour les produits venant des pays les moins avancés dont le Bénin jusqu'à 96 %. Aujourd’hui, c'est de 96 jusqu'à 98 voire 100%. Le Bénin sera bénéficiaire de cela parce que cette politique de la Chine est générale pour tous les pays. C'est au Bénin de bien saisir cette opportunité.
Concernant la crise Niger-Bénin qui a affecté le projet du pipeline c'est un épisode qui est désormais derrière nous. La page est déjà tournée. Il faut souligner que le projet de pipeline Niger-Bénin est un projet de coopération tripartite. (Niger, Bénin, Chine). Dans une coopération tripartite, les trois pays bénéficient tous des avantages du projet. Donc il faut conjuguer les efforts pour en faire une plateforme de coopération tripartite. C'est aussi une occasion de dialogue, de coopération, de renforcement de l'amitié et aussi de résoudre les problèmes par une voie pacifique. C’est dans l'intérêt des trois parties. Je suis content de voir que la tension s'apaise, et le pétrole commence à s'exporter. Parce que dans l'avenir, le Bénin aussi pourra bénéficier de ce projet. Alors, quand on parle de crise, c'est un épisode qui est passé. Il ne faut pas oublier que depuis des années, il y a eu la normalisation des relations diplomatiques entre la Chine et le Bénin, dans tous les domaines. Et on ne peut pas considérer ce sujet, ou bien cette crise (Niger-Bénin) comme un nuage dans la coopération sino-béninoise. Parce qu'il ne faut pas oublier que l'année dernière, nous avons signé un accord. Les deux présidents ont décidé de relever nos relations au rang de partenariat stratégique. Quand on dit stratégique, c'est que pour tous les sujets importants, les deux pays partagent les mêmes visions et lorsqu’il y a des problèmes, nous pouvons les résoudre de façon amicale et pacifique. Malgré les tensions entre le Niger et le Bénin, l'amitié et la coopération entre la Chine et le Bénin ne s'arrêtent pas. La coopération ne s'arrête pas. Les projets avancent toujours. On a préparé le Focac, les visites, les projets. Moi, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je suis un homme optimiste, surtout quand on parle des relations entre la Chine et le Bénin en particulier puis la Chine et l'Afrique en général. Mais souvent, beaucoup de journalistes occidentaux aiment voir toujours des aspects négatifs et aussi des problèmes potentiels. Alors que les relations entre les États, c'est comme les relations dans un couple. Si dans votre couple, vous voyez désormais votre conjoint comme de plus en plus vieux ou n’ayant pas les moyens comme les autres, votre amour est terminé. Mais si vous gardez toujours le souvenir de sa beauté, de la jeunesse, de votre premier amour, de sa contribution pour la famille, de son cadeau, les relations s'approfondissent. Donc pour les relations entre les États, c'est aussi comme les relations entre les êtres humains. Les journalistes ont cette responsabilité de présenter la réalité des relations entre la Chine et l'Afrique■