L’éditorial de Paul AMOUSSOU: L’opium du jour
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Par
Paul AMOUSSOU, le 19 déc. 2022
à
06h05
La religion est le soupir de la créature opprimée, selon Karl Marx. Elle est l’opium du peuple qui lui permet de se réconforter, soutient le philosophe. Et à cette grosse tête allemande de préconiser l’abolition de la religion en tant que «bonheur illusoire du peuple». Une telle remise en cause est-elle toujours d’actualité, si jamais elle a prospéré ?
S’il était encore vivant, Marx changerait de cible, et mettrait non plus la religion dans son viseur mais le football. C’est le sport-roi, consacré comme tel en raison de l’engouement qu’il suscite de par le monde, sans distinction de sexe ou de génération. Ce qui pétrifie cette discipline sportive dans le statut d’opium contemporain, car c’est le football qui aujourd’hui apporte des réponses à la souffrance humaine quotidienne, si l’on en juge par l’intérêt qu’on lui accorde. C’est même la religion des religions, car le football unit musulmans, chrétiens et mécréants autour des Requins de l’Atlantique, du Psg ou de Manchester United.
A la fois unificateur et clivant, selon qu’on est fan de Drogba ou Eto’o, de Messi ou Ronaldo, du Real Madrid ou de Barcelone, le football aura été présent dans nos vies, sur la planète entière, durant un mois dont l’épilogue qui vient d’être connu avec le sacre de l’Argentine qui se hisse sur le toit du monde footballistique en remportant le trophée le plus convoité dans le genre.
Les adeptes de ce culte auront communié quotidiennement, un mois durant. Et non pas chaque semaine, suivant le calendrier ordinaire. Et lors de ce raout mensuel, beuverie footballistique, les amateurs du cuir rond sont passés par toutes les émotions, oubliant sans doute l’essentiel, tout ce qui fait la pénibilité de leur vécu quotidien. Nul doute que de ce point de vue, le football est l’opium du peuple aujourd’hui, et trotte loin devant la religion qui agaçait Karl Marx. Raison pour laquelle, d’ailleurs, le boycott du mondial 2022 auquel d’aucuns ont appelé n’a pu prospérer. Et pour cause, les junkies du football sont frappés par l’addiction. Comment les désintoxiquer ? Les femmes qui donnent leur préférence aux télénovelas savent mieux que quiconque que c’est peine perdue que de prétendre accomplir un tel miraclel