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Levée de sanctions de la Cedeao contre le Niger: Un soulagement pour les populations nigériennes, selon Dr Badoussi

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Dr Romaric Lucien Badoussi Dr Romaric Lucien Badoussi

La levée d’une partie des sanctions de la Cedeao contre le Niger est une bonne nouvelle pour les populations nigériennes, sauf que l’organisation sous-régionale sort affaiblie de ce bras de fer et il serait très difficile d’affirmer que ce dégel fera revenir le pays au sein de la communauté, analyse Romaric Lucien Badoussi, docteur en science politique, enseignant à l’Université de Parakou. Pour éviter de pareilles situations à l’avenir, il suggère une révision des textes de l’organisation.

Par   Ariel GBAGUIDI, le 28 févr. 2024 à 01h50 Durée 3 min.
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Qu’on le veuille ou non la levée des sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) va soulager les populations nigériennes. Qui plus est, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) a également décidé de la levée des sanctions financières qu’elle a prises contre le pays. «Donc, il faut s’attendre à ce que la situation sociale et économique des Nigériens s’améliore », apprécie Romaric Lucien Badoussi, docteur en science politique, enseignant à l’Université de Parakou, spécialiste de la Cedeao.

Mais d’un autre côté, dit-il, la décision de la Cedeao montre que l’organisation sous-régionale a capitulé devant les juntes militaires. « Avec les décisions prises à Abuja, samedi dernier, l’on constate que le rapport de forces a basculé en faveur des juntes militaires, donc des pays sous sanctions », analyse-t-il. Contrairement aux schémas classiques, la Cedeao a levé ses sanctions contre rien en retour de la part du Niger. « Aucune des exigences formulées par la Cedeao n’a été respectée par l’Etat du Niger : Mohammed Bazoum n’a pas été libéré, aucune feuille de route pour une transition démocratique n’a été communiquée et la junte est plutôt dans une posture de quelqu’un qui brave la Cedeao. L’organisation sous-régionale n’a même pas obtenu la promesse d’un dialogue», ajoute Dr Romaric Lucien Badoussi. Pour lui, la Cedeao a littéralement capitulé face à la junte dirigée par le Général Tchiani.

Dans ces conditions, selon le politologue, il serait difficile d’imaginer que les pouvoirs militaires accepteront de nouvelles feuilles de route pour une transition démocratique, vu qu’ils ont réussi à faire capituler la Cedeao. Dr Romaric L. Badoussi ne voit donc pas pour le moment par quel moyen l’organisation sous-régionale pourrait encore convaincre les trois pays à accepter l’idée d'un agenda électoral. Il pense alors que le retour à la vie constitutionnelle dans ces pays ne dépendra plus de la pression de la Cedeao. « A la limite, les conjonctures politiques intérieures à ces pays pourraient obliger ces juntes à lâcher du lest en acceptant un processus politique allant dans le sens du rétablissement de la démocratie», affirme-t-il.

Possible retour ?

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger pourraient-ils revenir au sein de la Cedeao ou tout au moins mettre de l’eau dans leur vin, surtout avec la levée des sanctions contre le Niger ? Cette question taraude les esprits.

« Dans l'état actuel des choses, il n'est pas facile d'affirmer avec certitude que la décision de la Cedeao provoquera le retour de ces pays au sein de la communauté», explique le politologue, ajoutant que le discours anti-Cedeao et anti-français est une rhétorique, un puissant levier de mobilisation des masses au profit des juntes au pouvoir et que celles-ci vont sans doute continuer par surfer sur cette vague pour traîner le pas à revenir à la table de dialogue comme l'a encore souhaité la Cedeao au terme de son dernier sommet. «Mais on attend de voir leur bonne foi (celle des autorités nigériennes) parce qu'elles ont avancé comme argument la sévérité des sanctions de la Cedeao. Maintenant que les sanctions sont levées, elles n'ont plus de raisons », fait remarquer Dr Romaric Lucien Badoussi.

Mais tout compte fait, dit-il, la Cedeao est nécessaire. A l’en croire, si ces régimes militaires font l’effort de voir uniquement la partie remplie du verre, ils verront que le verre est plus ou moins rempli. Autrement dit, la Cedeao reste malgré tout une opportunité pour les pays membres et leurs populations.

Les nouveaux défis auxquels l’organisation sous-régionale est confrontée devraient l’amener à envisager une réforme de ses textes. Dr Romaric Lucien Badoussi pense que c’est l’une des clés pour l’organisation sous-régionale de rasseoir son autorité. Comme idée de réforme, il propose qu’à l’avenir, les sanctions soient mieux ciblées pour viser directement les auteurs des coups d'État afin que les effets pervers des sanctions ne rejaillissent plus sur les populations. Il pense également qu’il serait nécessaire que la Cedeao revisite son arsenal de sanctions contre les auteurs d'actes attentatoires à la démocratie. Sur ce dernier point, il fait allusion aux auteurs de coups d'État et de révision opportuniste de la Constitution pour des troisième et énième mandats présidentiels.