La Nation Bénin...
Noël Chadaré, Secrétaire général de la Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (Cosi-Bénin).
En effet, il y a un mois, le monde syndical demandait au gouvernement de « vite agir pour freiner l’inflation vertigineuse» connue par les produits de grande consommation et qui mettait à mal la bourse des Béninois. Un meeting avait été organisé, dans ce cadre, vendredi 18 février 2022, à la Bourse du travail à Cotonou. Cependant, le gouvernement préparait de son côté la riposte. L’Etat avait déjà, depuis le début de l’année, renoncé partiellement à la Tva sur le riz importé et les jus de fruits produits au Bénin, sans oublier la subvention des produits pétroliers pour environ 5 milliards de F Cfa par mois.
« La Csa-Bénin apprécie cet effort… »
Ce mercredi 23 mars 2022, des mesures hardies se sont ajoutées à celles en cours, pour un montant de 80 milliards de F Cfa, en vue de soutenir le pouvoir d’achat des populations. La Centrale des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin) dit avoir fait l'heureux constat que dans ce paquet de mesures annoncées, il y a des mesures fiscales significatives notamment sur les frets maritimes et aériens qui connaissent un abattement de façon à réduire les frais de douanes, les allègements ou exonérations de Tva qui devraient contribuer à réduire le prix du riz ou à maintenir celui du pain, etc. « La Csa-Bénin apprécie cet effort fait par le gouvernement et l'en félicite », indique Anselme Amoussou. De son côté, Noël Chadaré constate que l’Exécutif est ainsi à l’écoute des organisations syndicales qui étaient montées au créneau, il y a quelques semaines. «Le gouvernement est ainsi à l’écoute de son peuple en souffrance. C’est à apprécier. Il y avait trop de plaintes et il fallait agir en conséquence », a-t-il martelé.
Satisfaits, mais aussi demandeurs
Bien que soulagés, les syndicalistes attendent encore plus. « La Csa-Bénin réitère son attente de dialogue sincère et responsable avec le gouvernement pour que les échanges aboutissent à la mise en application effective des mesures annoncées par le Conseil des ministres, à l’extension des mesures d’allègement et de subvention à une liste plus significative de produits de grande consommation et à l’échelle de toute l’étendue du territoire national, à la revalorisation effective des salaires et des pensions des travailleurs et retraités du privé et du public, à la hiérarchisation des salaires et à l'augmentation du Smig», note Anselme Amoussou. De son côté, la Cosi-Bénin souhaite une baisse, par la même occasion, des coûts des produits pétroliers, et des subventions d’intrants agricoles pour faciliter la tâche aux cultivateurs de vivriers. L’autre attente de cette confédération, c’est le suivi pour l’effectivité de ces prix sur le terrain. «Le ministère du Commerce doit suivre l’effectivité de ces mesures sur le terrain. Les Béninois doivent, quant à eux, accompagner le gouvernement dans cette vision en dénonçant ceux-là qui malgré tout ce qui a été décidé, continuent de se comporter en commerçants véreux. Il faut une cellule de veille, avec des numéros verts, un système d’alerte maximale. C’est à ce prix qu’on dira que les décisions du gouvernement auront d’impact », insiste le Sg de la Cosi Bénin. Les mesures prises par le gouvernement couvrent trois mois. Mais déjà, les syndicalistes ont leurs yeux sur l’après-juin 2022. « Nous allons demander au gouvernement d’inscrire ces mesures dans la durée. Nous sommes dans le hautement social. Si les gens se sentent mieux comme ça, autant ne pas revenir aux anciens prix pour que l’on retombe dans la misère », prévient Noël Chadaré, optimiste.
Réactions des associations de consommateurs
Ernest Gbaguidi, président de Bénin Santé et survie du consommateur
« Il faut déployer les agents de contrôle sur le terrain »
En prenant ces mesures, le gouvernement a pu agir dans le sens de la réduction de la souffrance des populations, face aux spéculations artificielles. C’est à saluer, même si on peut aller au-delà du nombre de produits ciblés. Ensuite, il faut être vigilant. Si on ne met pas en place des mécanismes de contrôle pour faire respecter les prix, puis contrôler la chaîne de distribution, on pourrait assister à des pénuries artificielles. Surtout que les prix sont encadrés dans un délai, les gens pourraient bloquer les produits et les faire sortir de nouveau après juin 2022.
L’autre possibilité à surveiller est qu’ils peuvent faire écouler les produits vers les marchés de la sous-région. Il va falloir surveiller les frontières pour empêcher les sorties. Il faut mettre les agents de contrôle sur le terrain, avec l’appui des organisations de consommateurs et des élus locaux pour faire vérifier l’effectivité des prix sur le marché. Si le gouvernement peut arriver à faire cela, je crois que le consommateur pourra sentir l’impact des mesures dans son panier. La prise de ces mesures est une bonne nouvelle car le silence du gouvernement inquiétait. Les informations qui circulaient faisaient état de ce que c’est parce que le gouvernement a augmenté des taxes qu’on a cette crise. Ce qui n’est pas le cas. A partir de ce moment, les actions de contrôle permettront aux consommateurs de bénéficier effectivement des mesures qui ont été prises.
Robin Accrombessi, président de La voix des consommateurs
« Le gouvernement est en train de réagir de manière appropriée »
C’est une avancée notable, parce que suite à nos diverses sorties, le gouvernement est en train de réagir de manière appropriée. Pour être plus pratiques, ces mesures ont besoin d’un suivi permanent du gouvernement, du personnel du ministère du Commerce et d’autres structures comme la police. Mais est-ce que l’Etat dispose de ce personnel pour couvrir toute l’étendue du territoire ? Ce n’est pas évident. Nous pensons donc que l’Etat aura besoin de l’accompagnement des organisations des consommateurs et bien d’autres acteurs de la société civile, et des consommateurs eux-mêmes. L’Etat devrait pouvoir aussi faciliter la disponibilité des produits dans des magasins ou dans des structures avec lesquels il pourrait avoir des accords.
En dehors de tout cela, lorsqu’on va sortir de ce continuum qui couvre jusqu’au 30 juin 2022, que va-t-il se passer ? Quel sera le sort des consommateurs? Est-ce que ça ne risque pas d’être pire qu’avant ? Pour ce qui concerne les coûts de l’électricité, on peut dire que c’est plus touchant. Parce que la période d’expiration est le 31 décembre 2022. Ça nous permet en tant qu’organisation de consommateurs de faire des plaidoyers en direction des entreprises, des producteurs pour que cet intrant qui est très important dans tout système de production de biens et services, ayant connu un meilleur coût, ils puissent en tenir compte dans la fixation des coûts des produits sur le marché. C’est un facteur très important dans le renchérissement. En ce qui concerne le ciment, l’intervention de l’Etat est importante. On craignait la crise de l’immobilier. Les propriétaires pourraient commencer à faire leur loi malgré la loi sur le bail d’habitation à usage domestique. Il ne faut pas être surpris de voir les promoteurs immobiliers utiliser plusieurs stratagèmes pour mettre les locataires en difficulté. On peut donc saluer la réaction du gouvernement, mais on devrait continuer à réfléchir sur l’après-juin 2022. Cette période de désescalade des coûts devrait être mise à profit pour adopter des stratégies de promotion d’une production agroalimentaire intense.