La Nation Bénin...
Pendant dix ans à la tête du Bénin, l’ancien président de la République s’est particulièrement illustré par ses prises de parole, et ses messages et diverses interprétations ont souvent accompagné ses mots. « Mon pays le Bénin et moi », paru dernièrement aux Editions plurielles propose une synthèse et analyse certains discours de Boni Yayi; une trentaine au total.
C’est d’abord le titre de l’ouvrage publié par les universitaires Elvis Abou et Jacques Aguia Daho sur les discours de Boni Yayi qui ont fait l’objet des premières interrogations à l’occasion de la cérémonie du lancement officiel. Beaucoup ont voulu comprendre pourquoi les deux auteurs, en plus de titrer « Mon pays le Bénin et moi », parlent de regards au pluriel alors qu’il n’a été question que des leurs, ponctués de commentaires et d’analyses de collaborateurs à divers niveaux ayant servi aux côtés de l’ex-chef d’Etat. Et là-dessus, Elvis Abou n’y va pas du dos de la cuillère « Mon pays le Bénin et moi », est une citation forte souvent évoquée par Boni Yayi dans ses messages, notamment hors des frontières nationales, rappelle-t-il. Et d’y voir en sus, un sentiment de fierté et d’appartenance à ce peuple pour qui il assumait alors les fonctions de président et qui constituait à ses yeux son « miroir ». Pour ce qui est du regard, il ne peut être qu’au pluriel, ont embrayé les rédacteurs de l’ouvrage qui disent présenter les discours officiels de Boni Yayi afin qu’à la lecture ou même à la relecture, chacun y fasse son opinion, son appréciation, ses conclusions et donc son regard. D’où la multiplicité des regards que l’on peut y porter.
Ce regard, le lecteur le promène sur une trentaine de messages prononcés par l’ex-locataire du palais de la Marina à diverses occasions. Les rédacteurs du livre les ont séquencés par thématique, allant de la solidarité et de l’unité nationale à la conviction pour une gouvernance concertée, en passant par le chemin de l’édification d’une nation prospère sans oublier la paix, la sécurité, l’intégration régionale, l’engagement pour la sécurité humaine. Cet ouvrage a un mérite certain : celui de conserver pour la postérité, certaines opinions et prises de parole du président Boni Yayi. Ce sera d’ailleurs une première au Bénin, que des universitaires s’intéressent à la prise de parole d’un chef d’Etat après son passage au pouvoir. Et cet exercice, Elvis Abou et Jacques Aguia Daho l’ont réalisé avec conviction, foi et détermination, ont-ils semblé dire. L’une des raisons fondamentales pour lesquelles ils s’y ont investi, c’est pour que la parole du chef ne s’efface. Les auteurs pensent en effet, et l’ont signifié au lancement officiel, que Boni Yayi s’est révélé également au monde en tant qu’orateur à travers de nombreuses prises de parole et conviennent alors que le défaut d’archivage de ces propos laisserait un vide dans l’histoire du pays.
«Nous n’allons pas laisser se perpétuer la tradition de disparition des hommes d’État avec leurs histoires, parcours », soutient Jacques Aguia Daho pour qui, « cet essai est le désir de laisser des empreintes du chef de l’État dans ses prises de parole ».
Ce qui a manqué à l’ouvrage
Ce pavé de 530 pages environ, Alassani Tigri, ancien secrétaire général du gouvernement et seul ancien collaborateur de Boni présent au lancement le défend comme un bien précieux légué à la postérité et voit d’ailleurs à travers les reproches faites à certaines prises de parole de Boni Yayi, la marque de sa personnalité et la force de ses origines.
L’exercice auquel Jacques Aguia Daho et Elvis Abou, par ailleurs assistant de Boni Yayi se sont livrés aura eu le mérite de disposer pour le futur, surtout que les auteurs projettent de rééditer l’ouvrage dans le temps et se positionnent déjà pour en faire autant avec le président Patrice Talon, actuel chef de l’Etat.
Mais compiler des discours officiels de Boni Yayi et faire fi de ses nombreuses prises de parole en privé et à d’autres occasions laisse un peu le lecteur sur sa soif. Il présente une facette mal orientée de l’histoire de cet homme d’Etat, pour ne pas dire que « Mon pays le Bénin et moi » n’offre pas la plénitude de la parole de Boni Yayi, chef de l’Etat. C’est d’ailleurs loin des tribunes officielles, dans ce que d’aucuns appelleraient les « séances de vérité » que les Béninois ont, pendant dix ans, découvert les vraies prises de parole de Boni Yayi et ses rapports avec l’art oratoire. Ces plus célèbres boutades et déclarations parfois à controverse ont germé de ces instants où loin des objectifs des médias, et parfois face à ces mêmes médias, il se laisse aller, se vide, crache du verbe et du vénin. Comment comprendre alors qu’un ouvrage de cette envergure choisisse de n’en dire mot ? A cette interpellation, Elvis Abou se défend. Laissant entendre que la parole de Boni Yayi, président de la République ne peut être prise comme telle qu’à l’occasion des discours officiels. Le livre est édité par Les éditions plurielles de Koffi Attedé et la préface émane de Dodji Amouzouvi.?