La Nation Bénin...
Socio-anthropologue
de formation, Nassirou Domingo est le président de la Fédération des associations
des personnes handicapé moteur du Bénin. Lui-même handicapé moteur, il revient
ici sur la situation de ses membres qui aujourd’hui, sur le plan législatif,
sont mieux lotis que par le passé.
Nassirou Domingo : J’ai une réponse mitigée. Je ne peux pas dire que les personnes handicapées sont complètement satisfaites puisque nous sommes des êtres humains. Les besoins de l’homme s’accroissent au fur et à mesure qu’il évolue. Seulement, nous sommes contents de l’Etat béninois, du gouvernement qui, depuis un certain temps, a commencé par prendre des mesures préférentielles en faveur de l’inclusion des personnes handicapées et de la promotion de nos droits. Lesquelles mesures font surtout suite à la ratification par le Bénin de la convention relative aux droits des personnes handicapées et l’adoption de la loi n°2017-06 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin. Les décrets d’application afférents à ces textes de loi sont pris par le chef de l’Etat. Des arrêtés sont déjà aussi pris et d’autres sont en cours. Tout ceci fait qu’aujourd’hui, sur le plan législatif, les personnes handicapées sont bien casées au Bénin. Mais ce qui reste à faire, c’est la mise en œuvre effective de tous ces décrets et actes pour permettre aux personnes handicapées de bénéficier pleinement des avantages prévus par les textes pris à leur profit. Sinon, les personnes handicapées ont été de tout temps marginalisées sur tous les plans. Jusqu’à un passé récent, les personnes handicapées qui sont allées à l’école et qui ont réussi et obtenu les mêmes diplômes que les autres, sont chaque fois exclues des concours de recrutement. Aujourd’hui, les textes nous permettent de postuler au même titre que les autres. C’est déjà une grande avancée. Cette mesure permet à la personne handicapée, une fois recrutée, d’être financièrement autonome, de se prendre en charge et de ne pas forcément attendre du soutien de qui que ce soit avant de vivre.
En matière de l’éducation, il y a eu aussi d’évolution. Les écoles qui ont aujourd’hui des enfants handicapés sont appuyés grâce aux textes. Il en est de même au niveau des étudiants handicapés non boursiers et non secourus de nos universités. L’Etat les appuie. Il n’y a pas de problème pour ceux d’entre eux qui ont travaillé et obtenu de secours ou de bourse.
Mieux,
l’Etat octroie aussi des appuis techniques et financiers à toute personne
handicapée qui s’engage dans l’entreprenariat. Une autre mesure favorable est
que toute personne handicapée qui commande un véhicule neuf, pas d’occasion du
Port, est exemptée du payement de taxes douanières. Aujourd’hui, tout matériel
importé entrant dans la fabrication et la composition de tout ce qui concerne
les aides techniques aux personnes handicapées est exonéré des taxes de douane.
Il est aussi important de souligner que lorsqu’un entrepreneur engage une
personne handicapée, il n’aura pas la part patronale à payer. Voilà quelques
grandes mesures prises par l’Etat en faveur de l’inclusion équitable des
personnes handicapées que nous saluons.
Tout n’est pas encore rose. En dépit des efforts du gouvernement, il reste encore beaucoup de choses à faire. Nous attendons surtout la carte d’égalité de chance pour permettre de distinguer la personne handicapée et éviter toutes sortes de confusion sur le terrain. La carte d’égalité de chance va permettre de savoir qui est personne handicapée et qui ne l’est pas et qui peut bénéficier de tel ou tel avantage prévu par la loi. L’Etat est en train de mettre les choses en place afin de rendre cette carte disponible.
Pour
l’instant, ma fédération poursuit sa campagne de sensibilisation sur le
terrain. Cette campagne permet de faire connaitre ce qui est fait mais aussi de
recueillir les difficultés auxquelles les membres sont confrontés notamment en
matière de constitution et de dépôt de dossiers pour l’obtention de la carte
d’égalité de chance. Il nous parvient que certaines pièces à fournir deviennent
de plus en plus onéreuses à nos membres sur le terrain. L’association essaie
d’intervenir autant que faire se peut pour faciliter les choses et vulgariser
les décrets d’application de la loi afin que les membres puissent savoir ce
qu’il faut faire. Car, l’Etat a déjà mis les moyens en place et il nous revient
de faire tout pour être présents et de montrer qu’effectivement nous sommes
dans le besoin de cette carte.
L'Etat, par rapport à cette loi, a déjà recruté plusieurs personnes handicapées par le biais des derniers concours de recrutement dans la fonction publique. Donc, aujourd’hui, nous n’avons plus de difficultés par rapport à l’effectivité de la mise en œuvre de certaines dispositions discriminatoires prévues par la loi. L’Etat a tout facilité aujourd’hui. Il nous revient de sensibiliser nos membres à pouvoir travailler effectivement parce que c’est la compétence que nous prônons ; nous ne faisons pas la promotion de la médiocrité. Certes, on est personne handicapée, mais il faut avoir la compétence de faire ce que la fonction exige, une fois recrutée.
J’exhorte les personnes handicapées à faire tout possible pour montrer qu’elles sont capables de relever les mêmes défis que les autres. Il faut qu’elles se montrent capables de faire même plus que les autres afin de gommer tous les préjugés que les gens ont sur nous. C’est à ce prix que nous pourrons réussir à convaincre les parents d’inscrire leurs enfants handicapés à l’école, parce que rassurés qu’à la fin du cursus, ils ont aussi des chances d’être recrutés pour travailler. J’encourage le gouvernement à continuer de multiplier les mesures en faveur des personnes handicapées. Car, aujourd’hui, le Bénin fait partie des meilleurs Etats de la sous-région en matière de promotion de l’inclusion des personnes handicapées. Ce qui mettra un tant soit peu un terme à la marginalisation et autres pesanteurs socioculturelles auxquelles continuent de faire face les personnes handicapées traitées souvent de sous-hommes et de gens invalides. Il faut que cesse ce regard de la société sur nous■