La Nation Bénin...
La proposition de loi portant révision de
la Constitution, sauf changement de dernière minute, sera examinée, ce
vendredi, par l’Assemblée nationale. Le sort du dossier sera connu après le
franchissement, mardi 27 février, de l’étape de la commission en charge des
Lois qui a donné son avis favorable.
Le député Assan Séibou, auteur de la
proposition de loi portant révision de la Constitution, retient son souffle. Le
dossier sera examiné par le Parlement à la faveur de la séance plénière de ce
vendredi. C’est le deuxième point inscrit à l’ordre du jour. Les députés auront
à apprécier le contenu de la proposition de loi. Laquelle proposition a déjà
franchi l’étape de la Commission en charge des Lois. Elle a été adoptée, mardi
27 février dernier, par 17 voix pour et six contre. Les députés de l’Union progressiste
(Up) Le Renouveau et du Bloc républicain (Br), tous de la majorité
présidentielle, membres de cette commission technique permanente du Parlement
ont donné leur caution au dossier. Les parlementaires qui ont voté contre la
proposition de loi sont ceux de Les Démocrates, parti de l’Opposition
parlementaire. Après l’étape de la commission en charge des Lois, les regards
sont tournés vers la plénière qui a à son ordre du jour, l'étude de cette
proposition de révision constitutionnelle. Celle-ci vise notamment à satisfaire
aux principes de l’égalité et de légitimité des députés et maires devant
parrainer les candidats à l’élection présidentielle au Bénin tel que ordonné
par la Cour constitutionnelle dans sa décision Dcc n°24-001 du 4 janvier 2024 ;
à revoir le calendrier électoral de sorte à organiser l’élection présidentielle
avant les législatives et communales dès 2026 et à renforcer la limitation du
nombre de mandats présidentiels à deux. Ainsi, la modification touche deux
articles de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la
République du Bénin telle que modifiée par la loi n°2019-40 du 7 novembre
2019. Il s’agit des articles 42 alinéa 2
et 153 de la loi fondamentale. L’alinéa 2 de l’article 42 actuellement en
vigueur dispose : « En aucun cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux
mandats présidentiels ». Cette disposition avait été initiée pour épargner
définitivement le Bénin de la dérive d’un troisième mandat présidentiel. Le
député Assan Séïbou, trouve, néanmoins cette disposition, telle que rédigée et
libellée, pas très correcte parce qu’elle prêterait à plusieurs
interprétations, y compris celle qui autorise une troisième candidature après
une double élection présidentielle. Ainsi, pour régler une fois pour de bon la
question et consolider cet article 42 alinéa 2, l’auteur de la proposition de
révision constitutionnelle propose la reformulation suivante. «Dans tous les
cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats présidentiels». Cette
réécriture permettra de mettre fin à la crainte du troisième mandat
présidentiel au Bénin que certains tentent de distiller dans l’opinion
publique, espère l’auteur de la proposition de loi constitutionnelle.
Le calendrier électoral réorganisé ?
L’article 153 fixe surtout l’ordre des
élections à savoir législatives/communales en couplage organisées avant celle
du duo président de la République et vice-président de la République au cours
de l’année électorale et les conditions d’attributions des sièges en ce qui
concerne notamment les élections des députés et des conseillers communaux. Le
député Assan Séïbou trouve impertinentes, imprécises et confuses par endroits,
certaines dispositions des alinéas 1,2 et 3 de l’article 153 de la
Constitution. Il propose d’inverser l’ordre des élections de sorte à rétablir
la prééminence de l’élection présidentielle dans le cycle électoral. Si cette
proposition est adoptée, l’élection présidentielle aura lieu en 2026 avant les
deux autres. « A titre d’élections générales, sont organisées dans une même
année électorale, l’élection du duo président de la République et
vice-président de la République, puis simultanément, celles des députés et des
conseillers municipaux », dispose l’article 153-1 nouveau.
L’article 153-2 nouveau, toujours aux termes de
la proposition de modification constitutionnelle, est libellé comme suit :
«L’élection du duo président de la République et vice-président de la
République est organisée le premier dimanche du mois de février de l’année
électorale. Un second tour de scrutin est organisé, le cas échéant, le
quatrième dimanche du mois de février. En aucun cas, l’élection du duo
président de la République et vice-président de la République ne peut être
organisée simultanément avec les élections législatives et les élections
communales. Dans tous les cas, le président de la République élu entre en
fonction et prête serment le deuxième dimanche du mois de mars ». Le député
Assan Séïbou n’a pas fait les choses à moitié. Il a prévu, dans sa proposition
de loi, le calendrier des élections législatives et communales à organiser en
couplage. « Les élections couplées, législatives et communales, sont organisées
le troisième dimanche du mois de mai de l’année électorale. Les députés élus à l’Assemblée
nationale entrent en fonction et sont installés le deuxième dimanche du mois de
juin. Les conseillers communaux élus entrent en fonction et sont installés dans
les conditions prévues par la loi », détaille l’article 153-3 nouveau de la
proposition de loi portant révision de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990
portant Constitution de la République du Bénin telle que modifiée par la loi
n°2019-40 du 7 novembre 2019. Si le dossier en l’état passe au Parlement, le
mandat actuel du président de la République, Patrice Talon, qui devrait
s’achever en mai 2026, prendra fin plus tôt que prévu. Le mandat devrait alors
finir en mars 2026, c’est-à-dire à l’entrée en fonction du chef de l’Etat élu à
l’issue de l’élection présidentielle de 2026. Il en serait de même pour le
mandat de la vice-présidente de la République, Mariam Chabi Talata. Les députés
actuels de la neuvième législature, verront, quant à eux, leur mandat prorogé
de quatre mois environ. Au lieu du 11 février 2026, la mandature parlementaire
sera prolongée jusqu’à l’installation des nouveaux membres de l’Assemblée
nationale, dixième législature, le deuxième dimanche du mois de juin 2026.
S’agissant de la période de fin de mandat des conseillers municipaux et
communaux actuels, c’est pratiquement le statu quo. Il n’y a eu ici ni
prorogation ni réduction de mandat.
Une procédure pas ordinaire
Seulement, la révision constitutionnelle avant
de passer avec succès en plénière, doit connaitre deux grandes étapes. Le
premier niveau est celui de la prise en considération de la proposition de loi
de modification de la loi fondamentale. Cette étape doit être votée à la
majorité des trois-quarts des membres composant l’Assemblée nationale. Ainsi,
pour que la proposition de loi constitutionnelle de Assan Séïbou franchisse
cette première phase, le dossier doit être adopté par 82 députés au moins,
c’est-à-dire les ¾ des 109 députés actuels de la 9e législature. Suivra ensuite
la seconde étape. La proposition de révision ne sera acquise qu’après avoir été
approuvée par 88 députés au moins, équivalant à la majorité des 4/5 des
parlementaires. En cas d’échec lors du vote des 4/5, la proposition sera
soumise au référendum afin de permettre au peuple de l’approuver ou de la
rejeter. « La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par
référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la
majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale »,
prévoit l’article 155 de la Constitution béninoise. « Aucune procédure de
révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à
l’intégrité du territoire. La forme républicaine et la laïcité de l’État ne
peuvent faire l’objet d’une révision », précise l’article 156. Il est utile de
préciser que sur les 109 députés que compte la 9e législature, 53 sont de l’Up
Le Renouveau, 28 du Br et 28 du parti Ld. Ce qui fait un effectif numérique de
81 députés pour la majorité présidentielle contre 28 pour l’Opposition
parlementaire constituée des députés Ld. Ce qui suppose forcément un minimum de
consensus entre les différents groupes parlementaires pour le passage avec
succès de la procédure de révision de la loi fondamentale au Parlement. Qu’est
ce qui va se passer ce vendredi ? Le dossier recevra-t-il le quitus des 4/5 des
députés pour franchir l’étape du Parlement ? L’issue de la plénière situera les
uns et les autres.