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Visite officielle du chef de l’Etat au Brésil: Entre retour à l’histoire et restauration des liens naturels

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Patrice Talon, président de la République du Bénin Patrice Talon, président de la République du Bénin

La visite officielle du chef de l’Etat en République fédérative du Brésil était un voyage dans l’histoire des deux pays. Elle a aussi été marquée par la ferme détermination de Patrice Talon et de ses interlocuteurs à faire renaître ou revivre, entre les deux pays, les liens qui sont, avant tout, familiaux et naturels.

Par   Joël C. TOKPONOU, le 31 mai 2024 à 01h05 Durée 3 min.
#coopération Bénin-Brésil

Le protocole d’accueil, les apparats des têtes couronnées, les musiques traditionnelles et les pas de danse... Tout s’est passé au Brésil comme si c’était au Bénin. La preuve irréfutable, s’il en est encore besoin, que les deux pays partagent en réalité la même histoire. De son côté, le gouvernement béninois est engagé à rétablir les relations sur tous les plans. L’acte fort qui le démontre, c’est  la décision d’offrir la nationalité béninoise aux Afro-descendants. Et c’est Patrice Talon, président de la République en personne, qui s’est chargé de l’annoncer à Luiz Inacio Lula da Silva, président de la République fédérative du Brésil, jeudi 23 mai au Planalto, lors de son audience au palais présidentiel du Brésil à Brasilia. « Désormais, monsieur le président, vous serez Béninois!», a lancé le chef de l’Etat béninois à son homologue. Il venait à peine d’annoncer au grand public la décision de son pays d’offrir la nationalité béninoise aux Afro-descendants. « Le Bénin est un peu le Brésil, le Brésil est un peu le Bénin », a-t-il insisté tout en rappelant que les Brésiliens ont des origines dahoméennes puisque les ancêtres y ont été déportés à la faveur de la traite négrière. Comme on pouvait s’y attendre, cette information a été favorablement accueillie par les potentiels bénéficiaires qui n’ont pas manqué d’ovationner le porteur de la bonne nouvelle. Désormais, estiment-ils, ils ne seront plus étrangers au Bénin, leur pays d’origine.

Après l’exemption de visas pour beaucoup de nationalités, le Bénin montre non seulement qu’il est un artisan réel de l’intégration africaine, mais aussi rentre définitivement dans l’histoire en réglant de façon durable et structurelle la question de la reconnaissance des Afro-descendants.

 Liens naturels

 « Je suis ému parce que ici à Salvador, je me sens comme chez moi. Nous avons un lien historique entre Bahia et le Bénin. Pour moi, Bahia, c’est un peu le Bénin », a déclaré Patrice Talon devant un parterre d’autorités brésiliennes. Fort de cette conviction, il ne pouvait qu’être submergé d’émotions. Mais le président de la République a aussi exprimé une certaine frustration. « Je suis ému mais aussi frustré parce que pour deux communautés, deux régions du monde, deux peuples qui sont si proches par l’histoire, c’est dommage qu’on ne se connaisse pas assez. C’est seulement à travers les écrits, les documents, l’histoire qu’on se connait. Mais les contacts humains n’existent presque pas. Bahia ne connait pas le Bénin. C’est dommage», a affirmé le président Patrice Talon. Sauf que tout n’est pas encore perdu. Il y a une possibilité de restaurer les liens entre les deux peuples pour une meilleure connaissance mutuelle. « Il n’est jamais tard pour réparer et pour bien faire les choses. Ma visite ici à Bahia est destinée un peu à faire cette réparation », confesse-t-il avant d’étaler les atouts économiques du Bénin et la prédisposition de son pays à œuvrer pour des relations fortes entre les deux peuples. « On peut faire des affaires au Bénin. On peut faire des investissements au Bénin. On peut échanger avec le Bénin. Pour faciliter les choses et permettre que les Brésiliens découvrent le Bénin et que les Béninois découvrent le Brésil, et viennent sentir ici que cette terre est également la leur, nous allons travailler à mettre en place une liaison aérienne, voire une ligne directe entre Cotonou et Salvador », a annoncé le président de la République sous les applaudissements de ses interlocuteurs.

 L’exception “ La casa do Benin”

 A “La casa do Benin”, l’émotion était à son comble. Inauguré en 1988, l’espace est situé dans un manoir dans la rue Padre Agostinho Gomes, près de Taboão, à Pelourinho. L’espace culturel possède une importante collection artistique et culturelle afro-brésilienne et est maintenu par la Fondation Gregório de Mattos pour améliorer les relations culturelles afro-brésiliennes.

La maison possède une collection d’environ 200 pièces du golfe du Bénin, recueillies par le photographe français Pierre Verger lors de ses expéditions en Afrique pour étudier les flux migratoires entre l’Afrique et Bahia. On y trouve également des pièces liées à la culture afrodiasporique, données par des artistes et des institutions. Un autre fait intéressant est que les tissus colorés sont suspendus au plafond pour donner encore plus de vie à l’espace. C’est une idée originale de l’artiste visuel et designer Goya Lopes, l’une des pionnières qui a travaillé de manière créative avec la mode afro-brésilienne.

Cet endroit représente un morceau d’Afrique, où se crée l’échange de cultures du Brésil et du Bénin. Dans l’enceinte, le chef de l’Etat a parcouru avec beaucoup d’admiration les différents masques, colliers et autres pièces soigneusement exposés et qui ont le mérite de raconter une partie de l’histoire du Bénin en particulier, et de l’Afrique en général. Cette visite contribue donc à la réalisation des objectifs du séjour de Patrice Talon au Brésil. Devant un public essentiellement brésilien, il les a d’ailleurs évoqués à cette occasion.

En effet, ce déplacement vise à rétablir le lien naturel entre Béninois et Brésiliens pour qu’ils puissent désormais mieux fraterniser. Il ambitionne aussi d’instaurer le développement mutuel à travers les affaires. Ensuite, il y a le développement économique qui va en découler. « Le développement humain qui avait été forcé par le passé doit être aujourd’hui spontané et volontaire par la coopération entre les peuples. C’est pour cela que la liaison aérienne qui sera établie entre le Bénin et le Brésil, entre Cotonou et Salvador de Bahia, se fera régulièrement et à peu de coût. Ce sera l’occasion pour nous de tisser des liens de travail, d’investissement, de coopération technique et d’échanges commerciaux », expose Patrice Talon. Pour favoriser l’éclosion de ces liens, il est déjà admis que les Afro-descendants obtiendront la nationalité béninoise et que les autres n’auront pas besoin de visa pour se rendre sur la terre de leurs aïeux qui avaient été déportés. Ainsi, poursuit-il, «la connectivité ne servira plus seulement pour la mémoire, l’histoire, le plaisir ou les visites entre familles mais ce sera aussi pour booster les échanges afin que le développement soit partagé ».

 Du concret !

 Le séjour du chef de l’Etat au Brésil a été aussi et surtout marqué par des actions concrètes. Il a permis de renforcer la coopération entre les deux pays dans plusieurs domaines. « Les deux présidents s'entendent sur une agriculture productive à haut rendement pour lutter contre la pauvreté. Reconnaissant le Brésil comme une puissance dans le domaine agricole, ils ont convenu que le Bénin puisse s'appuyer sur l'expérience brésilienne pour accroître son développement agricole. Cette collaboration stratégique se concrétise par la coordination entre l'Institut national de recherche agricole du Bénin (Inrab) et l'Agence brésilienne de coopération (Abc)”, indique le communiqué final publié après les échanges entre les deux chefs d’Etat. Cette coopération interviendra dans des secteurs comme l’amélioration des semences, la mécanisation des pratiques agricoles, l’encadrement des producteurs des méthodes de production, modernes, le développement d'un système d'assistance technique et de vulgarisation rurale, l’appui à l'enseignement technique pour les écoles agricoles, la formation professionnelle rurale et agro-industrielle, le développement de l'aménagement hydroagricole, la promotion des cultures maraîchères, le renforcement de la pisciculture et l’échange d’expériences et d’expertise.

Pour le bonheur de leurs peuples, les deux pays vont aussi renforcer leurs relations dans les domaines de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur ; les domaines des arts, du tourisme, de la culture et du transport aérien; la défense et la sécurité maritime; la lutte contre la criminalité transnationale organisée ; les hydrocarbures et l’énergie ; le développement durable, le financement du partenariat pour le développement et le renforcement de l´aide à l´investissement...