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Biodiversité: Drabo Gbo, un bijou à conserver

Environnement

A Togba, dans la commune d’Abomey-Calavi, une forêt relique sert de refuge à des centaines d’espèces en majorité menacées de disparition. C’est le précieux héritage d’un chercheur dévoué à la conservation de la biodiversité au Bénin : le Suisse Peter Neuenschwander.

Par   Fulbert Adjimehossou, le 26 mai 2023 à 07h26 Durée 3 min.

Un nouveau jour se lève sur Drabo Gbo, une forêt de 14 ha située à Togba. Les rayons de soleil se frayent un chemin dans les feuillages des arbres pendant que des singes s’offrent en spectacle. Ici, malgré ses 80 ans, Peter Neuenschwander guide des visiteurs dans cette forêt dont il est le géniteur. « C’est une forêt riche de 600 espèces de plantes, dont 250 introduites. Avec des chercheurs comme Aristide Adomou et Pierre Agbani, nous avons collecté dans des forêts du sud du Bénin des semences afin de les planter ici. Vous avez ici la plupart des espèces en voie de disparition et qu'il faut protéger », déclare ce chercheur émérite de l'International Institute of Tropical Agriculture (Iita).
Effectivement, dans cette bourgade située à une heure de route de Cotonou, il est possible de retrouver une grande diversité d’espèces. Les primates sont représentés par des espèces qui ont survécu dans la forêt sacrée du culte Oro, ainsi que par le singe Mona et le singe vert. Cependant, la vedette de Drabo Gbo, c’est le singe à ventre rouge, une espèce endémique en danger au Bénin. « J’avais commencé par 12 individus capturés dans la vallée de l’Ouémé qui se sont reproduits. Il y a eu plusieurs générations. Nous avons aujourd’hui 25 individus de cette espèce qui dans un pan de la forêt est sauvage et de l’autre est habituée à l’homme. Nous avons aussi le Potto, un petit singe nocturne qui a la bouche comme un caméléon et qui a trouvé refuge dans la forêt de Oro », précise Peter.

Refuge des espèces rares

Drabo Gbo regorge d'une biodiversité riche et rare. On y retrouve des prédateurs et 80 espèces d'oiseaux.
« C'est un refuge pour tous les organismes vivants », précise Peter qui est d’ailleurs l’un des auteurs de la liste rouge des espèces menacées au Bénin. Cependant, le site n'était pas autrefois dédié à la conservation. Les terres ont été achetées en 1995 par Peter sur proposition de son collaborateur Louis Hounguè.
« Je pensais que cela lui serait utile pour construire un appartement de repos. Mais il a décidé de les conserver en y introduisant des espèces», fait savoir Louis. En plus de préserver la forêt, le chercheur tente de s'intégrer dans la communauté. « Je participe aux différents cultes, Oro, Zangbéto et Egoun-Goun. J'essaie également d'aider les villageois autant que je le peux. J'emmène leurs enfants dans la forêt et leur transmets des connaissances en écologie qui font défaut dans les écoles », affirme Peter.

Un héritage à préserver

En dépit de cela, la présence de la forêt est mal appréciée par certains riverains. La veille de notre rencontre, Peter avait été interpellé par un riverain de la forêt qui lui reprochait d'être responsable du sous-développement de Drabo. « Les gens disent que s'ils n'ont pas d'électricité dans la région, c'est à cause de lui. Pourtant, il a décidé de contribuer financièrement avec les villageois pour résoudre ce problème », explique Louis hounguè. Le chercheur émérite de l'Iita estime que c'est un problème courant autour des zones protégées. « Ce n'est pas une forêt communautaire. Les populations aimeraient que ce soit le cas afin de pouvoir exploiter les arbres. Sans la protection de la biodiversité, il ne peut y avoir d'agriculture durable. Mais il est difficile de faire passer ce message aux communautés », déplore le chercheur.
Le site de 14 hectares, sécurisé avec des titres fonciers, a été confié à l'International Institute of Tropical Agriculture (Iita) pour assurer sa pérennité.
« L'accord sur lequel le domaine nous a été remis précise que nous devons poursuivre ce qui a été fait jusqu'à présent ici. Nous allons donc continuer à améliorer la conservation de cette forêt. En collaboration avec l'État, nous réfléchirons à la manière dont les populations et la forêt peuvent coexister», révèle Gontran Honfoga, responsable des installations de l'Iita Bénin.
Peter, quant à lui, a reçu le 22 mai 2023 une distinction du comité de l'Union internationale pour la conservation de la nature (Uicn) et du Forum sur la biodiversité pour ses 35 années de lutte en faveur de la conservation de la biodiversité au Bénin. Cela vise à encourager d'autres acteurs à s'engager sur la même voie. « Il est un exemple. La nature ne doit pas seulement être divisée en parcelles pour être vendue, utilisée pour l'habitat ou l'agriculture. Elle doit également être préservée, et c'est ce que Peter a fait », souligne Patrice Sagbo, membre de la société civile écologique ■