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Cour constitutionnelle: Les acquis de l’équipe sortante

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La 6e mandature de la Cour constitutionnelle est en fin de mission. Une nouvelle équipe a prêté serment. Présidée respectivement par le professeur Joseph Djogbénou et le magistrat Razaki Amouda Issifou, elle a démystifié la plus haute juridiction constitutionnelle, jadis considérée comme une grosse boîte noire.

Par   Arnaud DOUMANHOUN, le 07 juin 2023 à 07h29 Durée 3 min.

Fin de mission pour la 6e mandature de la Cour constitutionnelle. A l’heure du bilan, plus de 2 000 décisions ont été rendues par les sages, sous la présidence du professeur Joseph Djogbénou, et la dynamique s’est poursuivie avec le magistrat Razaki Amouda Issifou qui lui succède à la tête de l’institution. Mais avant sa démission de la Cour pour son retour à la vie politique, le professeur Djogbénou a opéré de grandes réformes. La plus courageuse, sans doute celle qui aura le plus marqué les esprits, est relative à l’institution des audiences publiques. La relecture du règlement intérieur de la Haute juridiction à cette fin avait suscité de grands remous. Un débat d’école s'était instauré entre les conservateurs, ceux qu’on appelle peut-être abusivement les pères de la Constitution et leurs disciples, et les réformateurs qui s'inscrivent sans doute dans le sens de la dynamique au sommet de l’Etat depuis 2016. Dans ce débat d’idée sur le ‘’oui’’ ou ‘’non’’, fallait-il ou pas conserver le caractère sombre de la Haute juridiction dont les décisions n’étaient pas issues de procès où la contradiction était de mise, les réformateurs sont restés accrochés à leur conviction. Ce fut une rupture significative en termes de procédure devant la Haute juridiction, comparativement à ce qu’elle été jusqu’au 6 juin 2018, à l’installation de l’équipe conduite par le professeur Joseph Djogbénou. Dr Gilles Badet, secrétaire général de la Cour, indiquait, le 13 juin 2018, que la modification du règlement intérieur était motivée par le souci de résoudre les impératifs de transparence, de contradictoire et de célérité. Il s’agissait pour les nouveaux sages, à peine installés dans leurs fonctions, de modifier l’image, renforcer la crédibilité et la légitimité de la Cour de même que la qualité, l’efficacité et l’accessibilité de ses décisions. Le nombre de dossiers vidés et de décisions rendues par la Cour constitutionnelle sous la 6e mandature témoigne certainement de la pertinence de la réforme.
La modification du règlement intérieur de la Cour, suivie plus tard, soit en 2019 de l’adoption de la loi 2019-40 du 7 novembre 2019 portant révision de la loi 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin a induit une modification de la loi organique de la Haute juridiction. Ainsi, la révision de la Constitution, l’évolution de la procédure, donc du fonctionnement de l’institution, ont nécessité une mise en cohérence des textes. Il s’est agi entre autres à travers la loi 2022-09 du 7 juin 2022 portant loi organique de la Cour, de la prise en compte : des principes directeurs du procès constitutionnel que sont la contradiction et le droit de se faire assister d’un avocat ; des règles fondamentales de procédure, d’instruction et d’examen des recours ; de l’introduction du greffe de la Cour dans la chaîne des contentieux ; de la précision du sens et des suites de l’invocation de l’exception d’inconstitutionnalité prévue à l’article 122 de la Constitution. La nouvelle loi organique abroge celle qui était en vigueur depuis le 4 mars 1990 et modifiée le 31 mai 2001. Et dans le chapitre II consacré aux procédures, les articles 29, 30 et 31 disposent : « dans le cadre de l’instruction, le président distribue les recours devant les chambres de mise en état créées par ordonnance. Les parties peuvent se faire assister d’un ou de plusieurs avocats de leur choix. Nul n’a le droit de troubler les audiences de la Cour ». C’est dire qu’au cours de la 6e mandature, des changements majeurs sont intervenus à la Cour constitutionnelle en matière d’attributions, d’organisation et de fonctionnement, ceci sans oublier le fait que le cadre physique a été réaménagé en conséquence. La 7e mandature a prêté serment et l’on peut imaginer qu’elle restera dans la logique de la continuité. Mais sait-on jamais, le professeur Dorothé Sossa, qui est aussi un réformateur, peut bien apporter sa touche.

-------------------- Qui est Dorothé Sossa ? --------------------------

Dans le paysage politique et académique du Bénin, le professeur Dorothé Sossa n’est pas un inconnu. Titulaire d’un Master II de l’Université d’Ottawa et d’un doctorat en droit de la même université (1994), il a passé l’agrégation de droit privé du Conseil africain et malgache pour l’Enseignement supérieur (Cames) en 1999.
Avocat, enseignant de droit et homme politique, il est âgé de 67 ans et capitalise plusieurs expériences dans diverses positions administratives aussi bien au Bénin qu’à l’extérieur. D’abord titulaire de la Chaire Unesco à l’Université d’Abomey-Calavi, il a été entre autres, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de 2001 à 2003. C’est d’ailleurs à lui qu’on doit la création de l’Université de Parakou et des réformes profondes dans ce secteur. Entre 2003 et 2006, Dorothé Sossa a occupé les fonctions de garde des sceaux, ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’homme.
Formateur à l’Ecole régionale supérieure de la magistrature (Ersuma) de l’Ohada depuis 2001, il a été aussi membre de jurys de plusieurs thèses ou de préparation de candidats au concours d’agrégation. Dans un passé encore récent, il était secrétaire permanent de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) ?